Un petit village de pêcheurs

- 39 - convalescence

( avant: en mer)

Hans Zimmer: And then i kissed him

Inconsciente, Jesse ne vit pas les enfants grimper à bord, bientôt suivis par leurs pères, des simples pêcheurs au début effrayés de voir cet étrange navire qui s’était échoué sur la plage. Mais les cris qu’ils avaient entendus depuis la plage les avaient incités à s’approcher. Il y avait au moins un survivant à bord. Ils avaient alors découvert avec surprise un superbe ara rouge qui appelait à l’aide, sans aucun doute pour la femme qui était étendue inanimée sur le pont.

D’une pâleur extrême, elle était de type européen. Quelques mèches de ses cheveux blonds barraient son visage, d’où l’eau gouttait encore. Toutes ses affaires étaient encore trempées ce qui témoignait de la violence de la tempête qu’elle venait d’affronter. Mais ils ne comprirent pas tout de suite ce qui avait provoqué son évanouissement. Ce n’est que quand l’un des hommes dégagea les cheveux de son front qu’il constata qu’elle était brûlante de fièvre. Des ordres furent donnés et bientôt la pirate fut évacuée vers l’une des maisons du petit port de pêcheurs…

On fit venir le médecin du village qui connaissait l’art de soigner par les plantes mais appliquait aussi des médecines très anciennes, apprises de ses ancêtres. Le temps n’eut plus aucune importance pour la jeune femme qui resta plusieurs jours sans donner signe de vie. Pourtant à son chevet, les membres de la famille qui l’avait recueillie, se relayaient régulièrement. Ayant appris que dans bien des maladies la patience était le meilleur des remèdes, ils attendaient… simplement, jour après jour.

Puis vint le jour où leur patience fut récompensée : un beau matin, Jesse ouvrit enfin les yeux pour découvrir le visage souriant d’une jeune femme à la beauté de porcelaine qui s’adressa à elle dans la langue universelle. Et malgré le charmant accent, la pirate comprit parfaitement le sens de ses paroles.

- Je suis contente que vous ouvrez enfin les yeux.

La pirate tenta de se redresser, mais la jeune femme d’une délicate pression sur son épaule, l’en empêcha.

- ne pas vous levez tout de suite, avoir encore besoin de force pour vous mettre debout.

Jesse resta donc sagement appuyée contre les oreillers, réalisant qu’elle ne portait pour tout vêtement qu’une tunique soyeuse. Elle observa le décor de la pièce dans laquelle elle était, tout était si délicat, du bois et des paravents de papier. C’était la première fois qu’elle découvrait un tel endroit.

- où suis-je ? et depuis combien de temps…. Depuis combien de temps je suis là ?
- vous êtes à Hinshoon, petit village de Sunliao. Et ça fait aujourd’hui cinq jours que vous êtes arrivée.

Jesse écarquilla les yeux.. Cinq jours, cela faisait cinq jours voir plus qu’elle s’était évanouie.. La pirate essaya de se rappeler des dernières bribes de souvenirs avant qu’elle ne perdit conscience.. Elle se souvint seulement de la tempête à bord du galion, tout était si flou…
A cet instant, un petit garçon entra dans la pièce, animant soudain de sa voix flutée l’ambiance feutrée de la chambre. Mais il parlait une langue dont Jesse ne comprit pas un traître mot. Elle dévisagea l’enfant puis celle qui semblait être sa grande sœur et comprit qu’elle était sur les terres des peuples asiatiques, voilà qui aurait plus à Jezabel.

A cette idée, la pirate voulut se redresser et n’écouta pas cette fois les recommandations de la jeune fille..

- il faut que.. que je parte, je dois aller chercher mes amis..
- vous ne pouvez pas déjà partir, vous êtes encore trop faible.. il faut manger, et encore reposer. Père reviendra vous voir et lui dire si vous allez mieux.
- votre père ?

La jeune fille hocha la tête en s’inclinant.

- oui père est très grand médecin, il a guéri vous. Vous aviez très mauvaise fièvre.

La pièce se mit à tourner et Jesse prise de malaise se rassis rapidement, glissant une main dans ses cheveux.

- en effet, c’est pas aujourd’hui que je vais pouvoir commencer ma quête.. mais.. Permettez moi de vous remerciez pour tout ce que vous avez fait pour moi…
- ce n’est pas la peine, c’est un honneur de vous recevoir, peu de voyageurs passent par ici, et surtout peu de femmes…blanches.. Veuillez m’excuser, je vais aller vous préparer un repas pour vous.

La jeune fille lui adressa un nouveau sourire timide et après une nouvelle révérence recula jusqu’à sortir de la pièce, entraînant le jeune enfant qui avait observé toute la scène en silence. Jesse fronça les sourcils, intriguée par les paroles de la jeune fille, puis le panneau coulissant se referma sur eux..
Elle était restée cinq jours inconsciente et n’était pas encore totalement remise.. Jesse s’interrogea sur ces gens et ce peuple qui semblait bien hospitalier, heureusement pour elle.

...

- 40 - Tornade

Enya: the council of elrond

Jesse devinait que le moment était venu pour elle de repartir. C’était encore une fois le temps de dire au revoir à des gens merveilleux qui l’avaient accueilli chez eux à bras ouvert, un sens de l’hospitalité rare, une culture si différente qu’elle avait marqué la pirate. Lady Sparrow avait elle aussi marqué le cœur de ces gens si discrets qui n’étaient que politesse et soumission pour les femmes… Sa voix, ses rires tonitruants resteraient dans leurs mémoires, et si au départ ses façons, son exubérance, sa personnalité à l’extrême opposé de la culture sunlaoiste avait choqué les villageois, tous avaient fini par apprécier la bonne humeur et l’entrain de la pirate.

Ce matin, Jesse se leva comme bien souvent aux aurores pour sortir seule, appréciant toujours ce moment de la journée qui lui rappelait autrefois quand elle sortait chasser.. Le meilleur moment car elle pouvait ainsi être la première à admirer le lever de soleil et ici à l’est, il était plus spectaculaire que jamais. Ses pas l’avaient donc menée jusqu’au petit port où elle venait souvent observer les pêcheurs qui revenaient les cales pleines d’un riche butin de poissons fraîchement pris dans leurs filets.

Seulement ce matin là, un tout autre genre de spectacle attendait la pirate, alors qu’elle admirait les lignes du galion qui se découpaient dans les rayons du soleil levant, des cris, des appels dans son dos l’intriguèrent et Jesse se retourna pour comprendre pourquoi cette agitation….

- mais qu’est-ce que…

Elle pensa d’abord à une vision, une illusion sortant tout droit de son esprit, tant l’image avait un côté surnaturel…. Son regard suivit l’évolution de deux superbes étalons, l’un à la robe d’ébène, longue encolure flottante dans son cou et l’autre à la robe d’or… un Akal téké, un cheval si rare, un cheval unique comme Tornade. Le couple d’équidés galopait à une allure régulière, traversant les champs qui entouraient le village, jusqu’au chemin, traversant l’allée longée d’arbres qui doucement semaient dans le vent les légères pétales de leurs fleurs..

Le galop des deux étalons souleva à leur passage des nuages de pétales et Jesse hypnotisée, immobile les regarda se diriger vers le village....

- Tornade ?..

Le vieil homme qui s’était arrêté dans sa tâche pour lui aussi admirer le passage des étalons sacrés se tourna vers elle et dans un sourire, lui expliqua.

- Ce sont les étalons de l’impératrice, on dit que ceux qui ont la chance de les voir traverser leur village connaîtront bonheur et prospérité..
- quoi ? de l’impératrice ? mais alors ..que font-ils ici ?
- ils sont libres d’aller et venir à leur guise, car telle est la volonté de l’impératrice Akeru.

Jesse voyant les deux étalons s’éloigner, posa deux doigts dans sa bouche et émit un puissant sifflement. Elle allait être fixée, peut-être se faisait-elle des idées, il serait vraiment incroyable que…qu’il s’agisse réellement de son cheval, celui qu’elle avait hérité de Jézabel, et l’autre elle ne l’avait pas vu souvent, mais la coincidence était trop belle.. Jesse se souvint de sa course poursuite pour empêcher l’étalon de sauter de la falaise, puis la façon dont son amie avait de suite apprivoisé l’étalon…

- que faites-vous ??

Mais Jesse ne lui répondit pas, à la place un large sourire éclaira son visage. L’Akal Téké avait stoppé net sa course et à présent, hésitant regardait dans sa direction, ses oreilles à l’affut du moindre son.. L’autre étalon s’arrêta à son tour et revint dans un léger trot tourner autour de son compagnon de course.. Jesse avança encore et cette fois l’appela de vive voix…

- Tornade ? Hé bien, tu ne me reconnais plus ?

Tous les villageois assistaient à la scène, stupéfaits encore une fois du culot de cette femme qui décidément n’avait pas fini de les surprendre. Le vieil homme intervint encore une dernière fois, espérant raisonner la pirate..

- Vous ne pouvez pas les toucher, l’impératrice interdit à quiconque de les approcher, ils doivent rester libres !
- je le toucherai si je veux ! Tornade est MON cheval.. non mais !

L’étalon qui avait longuement hésité, renâcla doucement en secouant sa crinière un peu comme si lui aussi avait du mal à croire qu’elle était revenue.. Puis enfin, il avança vers elle… lentement, prudemment, craignant peut-être qu’elle ne disparaisse, pour finir par venir effleurer de ses naseaux la paume de la main de Jesse qui rit, émue de retrouver l’animal qui lui avait par le passé sauvé la vie, mais bien plus que ça, il était le symbole vivant que tout espoir était dorénavant permis…

La pirate flatta généreusement l’encolure de l’animal sous le regard scandalisé des villageois.. Un autre hennissement lui fit redresser la tête. L’étalon noir semblait appeler Tornade.. Jesse l’observa tout en continuant de flatter son cheval… et si vraiment tout espoir était permis ? Elle avait appris une chose en ce monde, c’est qu’ici tout devenait possible… enfin tout de même ! une impératrice !

- vous dites que ces chevaux appartiennent à l’impératrice Akeru ?
- oui et jamais vous n’auriez du ..approcher cet animal ! si elle l’apprend, vous serez jugée pour cet acte.
- hein ? jugée pour quoi ? pour avoir fait quelques papouilles à un cheval ? et en plus, il est à moi.. bon c’est sûr, pas évident de le prouver..hmm.. Je crois qu’il est vraiment temps que je reparte… Tornade, tu veux bien m’attendre un instant ? J’ai quelques affaires à récupérer..

Le cheval frappa le sol de son sabot et Jesse répondit :

- hé ho patience mon beau… il me faut quand même remercier ces gens qui m’ont si gentiment accueilli !

Ainsi les habitants de Hinshoo virent la pirate rejoindre la demeure du médecin, suivie par l’étalon à la robe d’or tandis que l’autre gardait prudemment ses distances, plus loin sur le chemin. Jesse remercia la famille du médecin de tout son cœur, s’inclinant devant eux à leur façon, et promettant de revenir un jour les voir, si un dieu quel qu’il soit voulait bien lui prêter vie suffisamment longtemps. Elle récupéra ainsi toutes ses affaires, sa besace sans oublier le journal de bord du galion qui était à ses yeux un trésor aussi précieux que le bracelet maya ou le pendentif de Sahar. Sur le pas de la porte elle regarda Ruby qui se dandinait d’une patte sur l’autre, perché sur la balustrade de la maison..

- alors paré à larguer les amarres ?
- oui mon capitaine, bien mon capitaine, à vos ordres mon capitaine !

Jesse tendit la main mais Ruby préféra la voie des airs à l’épaule de la pirate. Elle le regarda voler jusqu’à un arbre plus loin et se décida à sauter sur le dos de Tornade, rouspétant sur le fait qu’il ne portait plus la belle selle qu’elle avait fait faire pour lui, une selle de grande qualité qui lui avait coûté les yeux de la tête ! Ignorant les protestations choquées des pêcheurs, elle dit sur un ton enjoué, en tapotant l’encolure du cheval :

- Bien.. Tornade, comme au bon vieux temps, je te fais confiance pour me ramener auprès d’Akeru l’impératrice… Non mais qu’est-ce qu’elle me mijote encore.. roh là lààà Jézabel et ses rêves de grandeurs… et moi qui ne suis toujours qu’une pirate…quoique non.. Capitaine Lady Sparrow.. oui, même si encore une fois je n’ai plus de navire..ahh et j’oubliais, je suis ambassadrice à présent ! mouahahaha quand je vais lui raconter ça.. hm dis-moi, tu ne saurais pas non plus où est passé Max hein ?... aie… suis-je bête. … comme si tu allais me répondre.. enfin….

Et tandis que l’étalon se mettait en route, bientôt suivi par le second cheval, Jesse continua de soliloquer, laissant derrière elle des sunlaoistes qui se demandaient comment l’impératrice accueillerait cette étrange étrangère !

...
( la suite au palais impérial)

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