Camps des Kurgans.

78. ( auparavant, quelque part au delà de la muraille)

Les ténèbres lentement et douloureusement se déchirèrent pour laisser la réalité reprendre sa place. Un terrible mal de crâne lui vrillait la nuque et un énorme poids pesait sur sa poitrine quand enfin Jesse ouvrit les yeux. Aussitôt elle fronça les sourcils et récupéra rapidement ses esprits :

- Hey ! Mais poussez-vous de là !!!

La pirate repoussa vigoureusement la tête de Mad Martigan qui reposait sur elle. Le sourire bienheureux qu’il affichait pendant son inconscience s’envola aussitôt. Le retour à la réalité était un peu plus brutal pour lui.

- hein ? quoi ? Qu’est-ce qui se passe ?
- rien mis à part le fait que vous m’avez confondue avec un oreiller..
- ha ?
- et inutile de sourire ainsi !!
- cette scène est des plus charmantes, mais je ne saurai trop vous conseiller de vous calmer, si vous ne voulez pas voir nos bourreaux revenir pour nous remettre une correction.

Simultanément, Mad et Jesse qui s’étaient redressés sur leurs séants, se tournèrent vers Rool qui était assis non loin. Jesse se souvint alors de ce qui s’était passé et observa, le regard plissé l’endroit dans lequel ils se trouvaient. Il ne fallait pas être sorcier pour comprendre qu’ils se trouvaient dans une tente et aux vus des liens qui liaient et leurs poignets et leurs jambes, prisonniers !

En même temps, Jesse et Mad tentèrent de défaire les liens étroits, sans succès et finirent par renoncer alors que Rool poursuivait dans un soupir.

- inutile d’essayer de les enlever, ils nous ont solidement attachés ! Et puis on est sous bonne garde.
- Qui ??
- je ne sais pas qui ! Vous croyiez qu’ils se sont gentiment présentés à moi ?
- Rool, ils t’ont assommé toi aussi ?
- non.. j’ai rendu les armes avant.. ben quoi, ne me regarde pas comme ça. Je n’avais aucune chance.
- Vous les avez vu ?
- oui, et j’ignore d’où vienne ces gars là, mais ils ne sont pas commodes du tout, de grands abrutis qui ne s’expriment que par borborygmes.
- un peu comme lui là alors…
- ha ha, vous vous êtes regardée, madame la capitaine pirate sans navire et sans mari ?

Jesse le foudroya du regard, mais elle avait d’autres préoccupations que cet idiot de chevalier. Elle se retrouvait prisonnière de guerriers inconnus, en terre étrangère, sans personne pour leur venir en aide. Encore une fois, elle se retrouvait dans une situation très ennuyeuse.

- Il faut qu’on sorte de là..
- moi je veux bien, vous voulez peut-être nous dire comment on va faire ?

Jesse ignora le ton ironique, pour se trainer jusque vers l’ouverture de la tente, afin d’en apprendre plus sur leur situation. Elle venait à peine de repérer les deux gardes devant leur tente qu’elle repéra du mouvement à droite et recula aussitôt en arrière et se dépêcha de regagner son coin de la tente.
Le pan de tissu qui cachait l’entrée se souleva pour dévoiler un guerrier impressionnant, de par l’armure de cuir qu’il portait et par sa physionomie. Il les regarda tour à tour d’un air mauvais, et leur dit quelque chose dans un langage étrange, fait de sons gutturaux et graves.

- génial…ça s’annonce pas très bien on dirait.
- lgrmu !!

Jesse recula vivement alors que l’homme s’approchait d’elle. Il la saisit alors par les cheveux et voulu la faire se redresser quand un autre homme entra, à l’air bien moins abruti mais tout aussi impressionnant. Au moins le regard de celui-ci brillait un peu plus d’intelligence que l’autre. Il lui dit quelques mots et l'autre relâcha Jesse qui s'éloigna aussitôt du grand abruti.

- vous voilà réveillés ! Bien, très bien..
- Qu'est-ce que vous nous voulez?
- J’allais vous poser la question..
- nous ??
- que faisiez-vous à cet endroit ? Vous n’êtes pourtant pas de Sunliao ?
- de toute évidence non.. j’étais.. nous étions de passage seulement.

L’homme la dévisagea et regarda les deux autres qui approuvèrent.

- cette embuscade ne vous était pas destinée, il s’agit d’une erreur.
- haa vous nous en voyez fort soulagé !
- cependant, nous sommes toujours à la recherche de nouvelles recrues.
- des recrues ? des recrues de quoi ?
- pour guerroyer..
- ahh alors si c’est pour faire la guerre, pas de problème, je suis votre homme !
- une minute… contre qui êtes-vous en guerre ?
- contre Sunliao, enfin c’est assez particulier..

Jesse n’ajouta plus rien. Il valait mieux car qu’aurait-elle pu dire ? que Sunliao était l’empire dirigé par son amie ? Si ces gens menaient une guerre contre Sunliao, s’ils apprenaient qu’elle était une amie de l’impératrice, ils possèderaient alors un atout majeur. Non, jamais ces hommes ne devraient le savoir.

10.

Sans tenir compte de l’air contrarié de la capitaine pirate, Mad se redressa tant bien que mal et avec un large sourire, s’adressa à celui qui devant sans doute être le chef de cette bande d’étranges barbares.

- Moi je veux bien me battre pour vous, mais faut voir combien vous payez.

L’homme le dévisagea longuement en silence, puis eut un étrange sourire.

- vous serez logés et nourris, et une solde par semaine de sept pièces.
- sept pièces, d’or ou …

L’autre rit et ne prit pas la peine de répondre.

- nous verrons ça plus tard, pour l’instant nous devons nous préparer pour cette nuit.
- cette nuit ?
- nous attaquons toujours de nuit, c’est.. plus efficace.

Mad fronça les sourcils, perplexe. Il commençait à se poser des questions sur le genre d’attaque que ces hommes pouvaient mener. Et puis pourquoi avoir tendu ce genre d’embuscades, et à qui ? Et tandis que l’autre voulait se retirer, Mad ajouta :

- vous avez dit que c’était particulier, pourrait-on en savoir plus ?
- vous aurez déjà à nous prouver que vous savez vous battre. Vous saurez bien assez tôt de quoi il en retourne.
- Et pour qui nous battrons-nous ?

Mad jeta un regard en direction de la pirate, puis vers l’étrange guerrier qui la jaugea des pieds à la tête.

- pour moi… Viktor Kurgan, chef des Kurgans.
- des Kurgans ? Jamais entendu parler ! enfin moi ce que j’en dis, du moment qu’on est payé. N’est-ce pas Mad ?
- ouais, moi ça m’va.
- et toi ma jolie ? Qu’en penses-tu ? Veux-tu prêter ta lame à mon service ? Et pour toi, on pourrait voir pour d’autres compensations.

Mad fronça les sourcils, mais la pirate ne cilla pas, et écarta la main que ce Viktor tendait vers sa joue.

- Et si nous refusons ?
- Vous ais-je dit que vous aviez le choix ?… Gardes, détachez-les.. On va vous trouver une tente pour vous installer… Ou peut-être que vous préfèreriez partager ma tente ?

Il éclata de rire devant le regard méprisant de la pirate, et Mad se dit qu’il allait encore s’attirer des ennuis. Cet homme ne lui inspirait pas du tout confiance.

- une dernière chose…

Les autres le regardèrent alors qu’il se retournait une dernière fois, à la sortie de la tente.

- Je déteste les déserteurs, alors ne me donnez pas l’occasion de vous montrer le traitement que les Kurgans réservent aux lâches.
- Nous ne sommes pas des lâches !
- hmm..

Viktor Kurgan sourit, et les laissa entre les mains de ses gardes qui tranchaient leurs liens.

79.

A peine l’homme avait-il quitté la tente que Jesse s’approcha en deux pas de Mad, poings sur ses hanches.

- bon sang !! mais qu’est-ce qui vous a pris ??
- quoia ? Il propose un travail qui me convient tout à fait !

La pirate secoua la tête.

- mais vous êtes inconscient ou quoi ? Vous avez vu de quoi il a l’air ??
- euh.. sa tête m’importe peu, du moment qu’il paie.
- et vous pensez vraiment qu’il va vous payer ???
- Il a tout intérêt !
- sinon quoi ?

Mad ne répondit pas , regarda Rool, et secoua la tête, avec l’air de dire.. Qu’est-ce que je peux bien répondre à ça ?

- de toute façon, ce monsieur ne nous laisse pas vraiment le choix, alors il est inutile de s’énerver.
- inutile de s’énerver hein ?? Il nous a clairement fait comprendre que soit nous nous battions pour lui, soit Kouik..

Jesse fit un geste éloquent et soupira alors que Rool déglutissait avec peine.

- alors nous nous battrons pour lui !
- est-ce que vous vous êtes posé la question à un moment ou à un autre, si moi j’avais vraiment envie de me battre pour ces sauvages ?
- pour vous, c’est pareil que pour nous, vous n’avez hélas pas le choix !
- et puis après tout c’est mieux que d’être juste ses prisonniers… je plains déjà ceux qui sont prisonniers de ces barbares.
- nous sommes peut-être libre d’aller et venir, mais il n’en reste pas moins que nous sommes ses prisonniers. Vous avez entendu comme moi ce qu’il a dit au sujet des déserteurs !
- alors nous en revenons toujours à la même conclusion, il ne nous reste plus qu’à nous battre !

La pirate s’éloigna de quelques pas. En cette conclusion résidait bien son problème. Elle ne pouvait se résigner à tuer des soldats de l’impératrice. Mais elle était coincée… Sauf qu’elle détestait qu’on lui force la main, et qu’elle était seule maitresse de son destin, quoiqu’il lui en coutât.

11.

Ils étaient bel et bien coincés, ou prisonniers, ce terme là était encore moins flatteur que le premier, mais que pourraient-ils faire d’autre ? Ces gars-là n’avaient pas l’air de plaisanter, et Mad ne tenait pas à finir la tête au bout d’un piquet, ce qui semblait tout à fait être le genre de ces guerriers. Il avait déjà croisé pas mal de barbares dans sa vie, mais jamais des comme ça !

- Mad, y’a quand même un souci dans cette histoire.
- hm je sais, ce n’était pas prévu qu’on se retrouve prisonniers et contraint de nous battre sans discuter. Mais il faut regarder le bon côté des choses, après tout, on va être payé, et ça sera toujours ça de gagné !
- Non Mad, ce n’était pas à ça que je pensais. Tu oublies un détail qui me concerne moi.

Mad se tourna pour observer Rool, cherchant le détail anatomique qui aurait pu gêner. Il eut un sourire un peu moqueur.

- ben à part ton chapeau ridicule là, je n’vois pas non ! Je t’ai déjà proposé d’en acheter un autre, un vrai casque, mais tu as jamais voulu !
-Noon Mad pas ça !! Voyons, réfléchis un peu, pourquoi je suis avec toi en ce moment ?
- parce que tu m’as cru quand je disais qu’ici nous trouverions du boulot. Ben je ne me suis pas vraiment trompé, non?

Rool inspira puis se tut un instant, histoire de garder son calme. Ensuite il reprit lentement, et espérant cette fois être assez clair pour se faire comprendre de Mad.

- Non, ce n’est pas ça.. Notre marché Mad, je t’aide à t’instruire un peu, et toi… toi hmm ?
- et moi je t’apprends à te battre !
- voilààà, c’est ça !
- et bien c’est ce que je fais !
- Mais je ne suis pas encore prêt !!! Mad cette nuit nous allons devoir nous battre, et je serai face à .. face à toute une armée ou que sais-je ??? Comment veux-tu que je m’en sorte ?
- ah oui, effectivement, pour toi, ça sera un peu plus difficile. Peut-être qu’on peut leur demander si y’a pas une place de marmiton ou de palefrenier d’encore disponible.
- Mad !
- quoi ?
- ce n’est pas le moment de plaisanter !
- mais j’étais sérieux !

Alors Rool se frappa le front de la main et se dit qu’il ne passerait jamais la nuit.

80.

Cette nuit, c’était cette nuit qu’ils allaient attaquer, quoi , qui et où, Jesse l’ignorait encore. Mais ce qu’elle savait c’est qu’elle ne tuerait pas, pas pour ces sauvages, pas des sujets de l’impératrice. Non elle trouverait un moyen. Et tandis qu’autour d’eux, les soldats se préparaient autour des feux de camps, vérifiant leurs armements, la sangle de leur monture, le tranchant de leur lame, Jesse observait toute cette agitation d’un regard noir, visage impassible, mais intérieurement, son esprit était en ébullition.

- Alors femme, tu ne te prépares pas ?
- il n’y a rien à préparer, j’ai mes armes sur moi, toujours affutées, toujours parées à être utilisées.
- haha, c’est bien…. Vous irez en tête de nos troupes.

Jesse ne bougea pas, mais Mad et Rool s’étaient redressés, dévisageant le général kurgan qui les jaugeait du haut de son cheval.

- et c’est quoi la cible ?
- un village pas très loin.
- un village ? Je pensais que nous allions affronter une armée, une bataille, une vraie !
- la bataille ne se mène pas toujours sur un champ de bataille. Il faut d’abord installer quelques foyers de guerre.

La pirate leva les yeux, et regarda le barbare par-dessous la visière de son chapeau. Ces paroles étaient bien mystérieuses, attaquer des villages n’avait rien à voir avec une véritable guerre, ou alors si… des foyers.. Jesse comprit. Si ces barbares s’en prenaient à des villages, c’était pour une raison bien précises, car ce n’était de toute évidence pas juste le pillage qui les intéressait, non, l’embuscade ratée le prouvait. Elle baissa les yeux, pour fixer le feu jusqu’à ce qu’elle entendit le général s’éloigner.

Puis aussitôt, elle fit un pas pour s’installer aux côtés de Mad qui s’était rassis autour du feu, indifférent aux préparatifs alentours, songeur tout à coup.

- Mad !

Il redressa vivement la tête, surpris qu’elle l’appelât pour la première fois par son prénom, mais aussi surpris de la voir si proche de lui. En effet, comme les regards de quelques uns des soldats, dont cette grande brute sans cervelle à qui elle avait eu affaire à leur arrivée, étaient fixés sur eux, Jesse jugea plus prudent de jouer la femme qui cherchait juste un peu d’attention avant le combat.

- et bien qu’est-ce qui vous prend ? dit Mad surpris, mais déjà le sourire aux lèvres.
- chut, plus bas s’il te plait ! Penche-toi un peu vers moi…

C'est alors que du remue ménage eut lieu dans le campement.
Deux Kurgans armés jusqu'au dents rentrèrent de ronde poussant devant eux un petit homme salement amoché.
Magré son visage tuméfié et en sang, c'était visiblement un sunliaoite, peut être un chasseur ou un éclaireur au vu de ses habits de fourrure et ses armes.
Riant les Kurgans le regardaient tituber sous les coups qu'ils lui infligeaient en le forçant à marcher devant eux.
Les mains de l'homme étaient entravées, son visage n'était plus qu'un amas sanglant, l'œil gauche fermé, l'arcade sourcilière ouverte, le sang coulait sur son front et ses joues.
Ses mains étaient écorchés et ses vêtements déchirés par endroit, il avait été battu presque à mort et tenait à peine sur ses pieds, trainés par les deux hommes
L'un des barbares poussa l'homme tandis que l'autre lui faisait un croche-pieds.
Il s'effondra dans l'herbe tandis que les deux hommes s'esclaffaient.

Viktor regarde ce qu'on t'a attrapé !
Un sale petit espion.

Le Kurgan décocha un coup de pied dans le ventre à l'homme au sol.
Celui ci ne gémit pas, il n'en avait sans doute plus la force, mais se mit instinctivement en chien de fusil se protégeant ainsi le ventre et le visage.
Viktor Kurgan s'approcha et regarda de haut la larve au sol.

Vous l'avez eu où ?

Il était pas loin d'ici, à quelques centaines de mètres du campement.
Je pense qu'il nous avait repéré quand on l'a attrapé il revenait sur ses pas, surement pour aller prévenir les guerriers de l'impératrice.

Et je peux savoir comment Il A TROUVE LE CAMPEMENT ? rugit Viktor !

Il grogna devant la mine déconfites d ses deux soldats et appela le chef de ses rôdeurs

Très bien vous trouvez moi un autre emplacement
On bouge ce soir
Et vous m'effacer nos traces TOUTES NOS traces !
je ne veux pas qu'ils nus trouvent
Pas encore

et qu'est-ce qu'on fait de lui chef ?

On va le faire parler le nain jaune
attachez le solidement, je m'occupe de lui après la bataille
vous pouvez vous amuser avec mais ne le tuez pas.


Les deux hommes se regardèrent avec un sourire malsain et soulevèrent l'homme à présent inconscient.
Il l'attachèrent à un poteau et à après avoir vérifier ses liens s'éloignèrent en riant et en évoquant la capture.

12.

Mad commençait à regretter d’être venu jusqu’à Sunliao, tout ça parce qu’il avait écouté les affabulations d’un vieil homme. *Tu parles d’un boulot, et comme c’est parti, il ne va même pas nous payer* Car bien sûr à aucun moment, Mad ne songeait qu’il pouvait y laisser sa peau, cela ne lui effleura même pas l’esprit. Il n’était pas encore né celui qui le ferait passer de vie à trépas.
Mais bon, au moins était-il en agréable compagnie, et justement voilà qu’elle semblait enfin succomber à son charme :

- chut, plus bas s’il te plait ! Penche-toi un peu vers moi…

De bien entendu, Mad ne se fit pas prier, et se pencha vers elle pour s’emparer de ses lèvres dans un ardent baiser, glissant ses bras autour de sa taille pour l’attirer un peu plus contre lui mais..si le baiser fut ardent, il fut aussi très bref, bien trop bref au goût de Mad qui troublé, se vit brusquement repoussé.

- mais ça va pas ???
- mais quoi ?? Tu me dis de…
- je voulais juste qu’on croie que.. que nous….roh laisse tomber..
- tu devrais savoir Mad que les femmes ne savent jamais ce qu’elles se veulent. Un fois elles disent oui et ensuite, elles t’envoient promener.
- mais nOn m’enfin ! Je voulais juste qu’on puisse..parler sans que..
- inutile de chercher des excuses à présent.
- mais je ne cherchais pas des excuses ! Je voulais simplement parler de la bataille que nous allons avoir à mener cette nuit !
- et tu avais besoin de te rapprocher de moi pour ça, ma belle ? Oh mais c’était p’t’être juste un prétexte hm ?
- je ne sais pas si tu as remarqué, mais nous sommes surveillés. Je ne voulais pas que ce que j’avais à te dire soit entendu de tous.
- ah

Il commençait à comprendre, non sans une certaine déception. Et lui qui avait pensé qu’elle était tombée sous son charme !
A ce moment, tous trois observèrent deux gardes venir attacher un pauvre bougre après un poteau et l’y laisser avant de s’en retourner d’où ils venaient.

- Oh mon dieu, si c’est le sort qu’ils réservent aux déserteurs, je crois que nous ne sommes pas près de quitter cet endroit !
- ouais, ils l’ont pas épargné, pauv’gars.

81.

Si elle s’était attendue à ça ! Jesse voulait lui expliquer son problème, mais au lieu de quoi il l’avait embrassée et, et elle devait avouer que même si le geste l’avait surprise, elle avait apprécié, un peu trop apprécié ce baiser. Mais ce n’était pas le moment de faire dans la bagatelle, ils avaient des ennuis, enfin elle surtout, puisque le fait d’être retenus prisonniers par les Kurgans ne semblait pas déranger Mad outre mesure.

Et elle eut beau essayer de parler de tout ça avec Mad, mais lui et son acolyte n’étaient que des ânes bâtés. En outre, les Kurgans venaient d’amener un homme qui semblait drôlement amoché. Si c’était eux qui l’avaient mis dans cet état, Jesse, Mad et Rool auraient en effet du souci à se faire, le jour où ils souhaiteraient ne plus se battre pour la cause Kurgan. Et la première bataille aurait lieu cette nuit, ou ce qui avait tout l’air d’être un pillage en règle d’un pauvre village Sunlaoiste ; des paysans, hommes, femmes et enfants.. Non Jesse ne voulait pas participer à ce massacre, elle était une pirate oui, sans pitié aussi, mais n’assassinait pas de pauvres paysans sans raison valable, et là elle n’en avait aucune.

Un coup d’œil autour d’elle lui permit de constater qu’ils étaient plus ou moins tranquilles pour quelques instants. Discrètement, Jesse se rapprocha du prisonnier dont la tête retombait piteusement en avant. Était-il encore conscient ?

- hey mon pauvre vieux, ils t’ont pas raté.. Tu comprends ce que je te dis ?

Jesse fit une grimace. Il broncha à peine en l’entendant, mais elle ne pouvait deviner si c’était parce qu’il ne l’avait pas comprise, ou qu’il était trop gravement blessé pour parvenir à émettre un seul mot. La pirate jeta un coup d’œil autour d’elle, pour voir s’ils étaient encore surveillés puis avisa une outre qu’on avait abandonnée là. Elle s’éloigna pour s’en saisir et revint auprès du blessé pour lui donner à boire.

- allez, bois un peu, ça te fera du bien
- mais à quoi tu joues ?!!
- j’vais pas le laisser crever là quand même ! Et puis qui sait ? Peut-être qu’il aura des choses à nous apprendre sur cette guerre ou encore au sujet de ces Kurgans.

Mad s’était approché à son tour et jetait des regards inquiets autour d’eux puis sur le prisonnier.

- pourquoi faire ?
- Mad Martigan, je crois que tu n’as pas encore compris que non seulement je ne souhaite pas me battre pour ces gens, mais encore moins contre le peuple de Sunliao..

Oubliant un instant le prisonnier, Jesse se redressa pour faire face à Mad.

- Je ne peux pas car l’impératrice de Sunliao est mon amie.
- quoi toi ? amie avec l’impératrice ?
- chuuuuut bon sang !!!! Il ne faut surtout pas que les Kurgans l’apprennent, c’est compris ?

Subotaï se redressa machinalement en entendant prononcer le mot Impératrice.
Il n'était pas soldat et sunliaoite pour rien.
Il prononça quelques mots incompréhensibles avant de tousser et de cracher du sang.
Il ouvrit le seul oeil capable de le faire.
Se présenta un drôle de visage pointu encadré de cheveux blond à sa vue limitée et troublée.
Amie avec l'impératrice avait dit cette feme étrangère ?
Ouiiii sans doute une des femme venues d'ailleurs et mariées avec la fine fleur des guerriers de Sunliao.
Il parvint à souffler

Genkan...prévenez le Général Genkan....

13.

Non non décidément, Mad ne comprenait rien à cette femme. Elle faisait à présent tout un mystère au sujet d’une certaine amitié avec l’impératrice. Et ben voyons, c’était sûrement un petit mensonge pour se donner de l’importance. Mad pourtant lui, ne s’était pas vanté d’être ami avec le roi d’Utopia. Et pourquoi vouloir éviter à tout prix cette bataille alors qu’elle avait été la première à brandir son sabre lorsque les gars à qui ils avaient volé les chevaux, les avaient pris en chasse ?

Le mercenaire secoua la tête, renonçant à comprendre et haussa les épaules. C’est là qu’il entendit l’homme murmurer tout bas quelques mots, trop bas pour que lui, puisse entendre, mais curieux, il s’enquit de la teneur de ces paroles auprès de la pirate.

- qu’est-ce qu’il a dit ?
- ben pas grand-chose en fait.
- hey, n’essaie pas de me cacher des trucs, déjà ton histoire là avec l’impératrice, c’est louche !
- Mais plus doucement bon sang !
- rah oui oui c’est bon… bon alors qu’est-ce qu’il a dit ??
- il dit qu’il faut aller prévenir le général Genkan.
- encore un ami à toi ?
- mais non, je ne le connais pas !
- ah ben je me disais que comme tu connais l’impératrice.. oui oui ça va j’ai compris, je ne parlerai plus de l’impératrice. Mais tu pourrais peut-être m’expliquer comment ça se fait que toi, une pirate, tu connaisses une impératrice asiatique.
- elle n’est pas asiatique.

Mad qui avait croisé les bras sous son torse et attendait ses explications, fronça les sourcils.

- comment çaa, elle n’est pas asiatique ?!
- ben non, c’est une occidentale comme moi et comme t..euh.. comme moi quoi..
- hm..

Cette fois Mad se dit qu’elle exagérait quand même un peu dans ses mensonges.

- Bon alors mademoiselle je sais tout, on fait quoi à présent ?
- tu fais ce que tu veux..
- oui mais toi ?
- je dois essayer de trouver une solution pour me tirer d’ici et vite fait ! Et aller chercher ce Genkan…
- alors tu vas écouter les paroles de ce pauvre bougre ? Tu ne veux pas te battre pour les kurgans, mais tu es prête à croire sur parole cet homme là ?
- oui c’est exactement ça…

Mad leva les bras au ciel en désespoir de cause. En plus elle n’était pas bavarde, et il fallait qu’il lui tire les vers du nez pour qu’elle lui sorte en plus de grossiers mensonges. Il se dirigea vers Rool qui était resté auprès du feu.

- Bon en attendant, on doit se préparer pour la bataille, il ne faudrait pas l’oublier !
- oui, je sais, mais je sais aussi que je n’ai aucune chance de m’en sortir vivant.
- allons, Rool un peu de courage, je resterai près de toi, je te l’ai dis !
- LAISSEZ CET HOMME !

Mad leva brusquement la tête pour voir arriver l’un des Kurgans qui fonçait droit sur Lady Sparrow.
Il tenta une petite diversion.

- Alors c’est quand qu’on attaque hein ? Je suis chaud là, je sens que je vais faire un malheur !
- ça pour faire un malheur, ça va être terrible !

L’autre oublia la pirate qui s’était très vite écartée du prisonnier. Il regarda Mad.

- Les plans ont changé. Il va nous falloir attaquer à nouveau le chantier de la muraille.

82.

Profitant de la diversion de Mad, Jesse s’écarta rapidement du prisonnier et lâcha la louche dans son seau, avant de se rapprocher du feu pour écouter ce que le général Kurgan avait à leur apprendre.

- Le chantier de la muraille ?
- oui le chantier ou Rool pensait qu’on trouv..
- ahhh mais oui cette fameuse muraille dont tout le monde parle, le coupa brusquement Rool, en lui marchant à dessein sur le pied. Mad fit une grimace mais devinant le message que lui avait fait passer Rool, s’abstint d’en rajouter.

Jesse dévisageait le Général, attendant des détails supplémentaires.

- pourquoi attaquer un chantier de construction ?
- cela ne vous regarde pas. L’important c’est de vous battre pour nous, et nous verrons alors votre valeur sur le terrain de bataille.
- oui vous verrez et après peut-être que vous nous traiterez un peu plus d’égards.
- euh Mad, je ne crois pas que ça soit le moment de vanter nos mérites.
- Nous partons dans une heure, tenez vous prêts !

Jesse ne répondit rien et regarda le kurgan s’éloigner. Elle allait bientôt être mise au pied du mur à moins de trouver très vite une idée de génie, mais sans rhum à sa disposition pour l’aider à cogiter, cette idée ne serait pas facile à trouver. Une heure, il ne lui restait plus qu’une heure.

La pirate se mit à faire les cents pas autour du feu, en réfléchissant au moyen d’éviter cette bataille et d’entrer en contact avec ce général. Profitant d’un bref moment d’inattention des soldats, Jesse se glissa à nouveau auprès du prisonnier..

- dis-moi, tu m’as parlé d’un général Genkan.. mais Ou puis- je le trouver ?
- trouver.. général..
- oui oui, mais où ? Les kurgans veulent attaquer un chantier, celui de la muraille, alors il faut que j’en sache un peu plus, si tu veux que je t’aide.
- chantier oui ! Genkan est… au chantier..

Et l’homme perdit conscience devant la mine stupéfaite de Jesse. Ainsi le général Genkan se trouvait être l’ennemi qu’ils allaient affronter dans un instant.. Au cours d’une bataille que Jesse n’avait pas souhaité. Alors tout à coup, elle sut exactement ce qu’elle allait faire, mais auparavant il fallait qu’elle en parle à Mad et à Rool.

Un peu plus tard, après leur avoir expliqué son idée, la troupe des barbares avec à sa tête, entre autre le grand abruti Kurgan, trois cavaliers étrangers, se dirigeaient tout droit en direction du camp des troupes du général Genkan.

( A suivre au chantier de la nouvelle muraille )

85. ( Auparavant aux chantiers de la nouvelle muraille)

Jesse ne fut pas surprise au bout d’une heure de cavalcade de voir surgir Mad Martigan à ses côtés, suivi de près par son ami Rool. Elle lui adressa un sourire amusé tandis que le général le jaugeait d’un air mauvais. Mais Genkan s’abstint de tout commentaire, sans doute le devenir de ce guerrier étranger devait l’indifférer.

- Vous ne pensiez pas pouvoir vous battre sans moi j’espère !
- Je ne pensais pas qu’il vous tenait tant à cœur de vous battre pour eux, répondit à voix basse Jesse qui sentait sur eux le regard du général.
- je suis mercenaire, et là où il y a la guerre, il y a Mad Martigan.
- hm je vois, guerrier dans l’âme.
- exactement.. comme pour toi, la piraterie.
- oh vous savez, moi je ne tenais pas tant que ça à me battre, mais j’ai préféré ne pas vous perdre de vue. Sait-on jamais.

Jesse se tourna pour adresser un sourire narquois à Rool, personne ne fut dupe. Au fond, elle était contente de les revoir, car elle devait bien reconnaitre que l’homme savait très bien se battre et que de l’avoir à ses côtés, serait un atout. Elle était aussi soulagée que Genkan ne trouva rien à redire à leur présence. Et c’est en silence qu’ils parcoururent le reste du chemin jusqu’au camp.
Seulement, parvenus sur place, force fut de constater que les Kurgans l’avaient déserté, et ce de manière très précipitée à voir tout ce qu’ils avaient laissé derrière eux.

Le général ordonna à ses hommes de fouiller partout, et visage tendu, dut finalement se rendre à l’évidence. Les Kurgans avaient emmené avec eux le prisonnier dont Jesse leur avait parlé. Elle vit la colère se peindre sur son visage, et attendit sa décision, se gardant bien d’intervenir.

15.

Genkan était furieux, les hommes qui les avaient attaqué, ces Kurgans avaient déjà quitté les lieux. Comment espérer retrouver Subotaï en vie à présent ? Il ne pouvait pourtant pas abandonner son ami, son compagnon d’arme qui avait lutté toutes ces années à ses côtés, aussi appela-t-il à tous ses soldats à se remettre en selle.

- Nous ne les laisserons pas filer aussi facilement. En route, si nous nous dépêchons, peut-être parviendrons-nous à les rattraper.
- mais dans quelle direction chercher, mon général ?
- Je sais ! Lui saura vous aider à suivre les traces de ces hommes !

Genkan dévisagea l’homme qui accompagnait la pirate, le mercenaire qui semblait tant impatient de se battre, un valeureux guerrier sans doute, mais un peu trop téméraire. Le général avait préféré ignorer le guerrier avant qu’il n’intervint une nouvelle fois, ce qui l’agaça prodigieusement. Pourtant il ne pouvait ignorer aucune des chances qui seraient mises de son côté pour retrouver Subotaï. Il jaugea donc l’homme qui lui n’avait pas du tout une carrure de guerrier et demanda :

- tu saurais nous aider à retrouver la trace de Subotaï ?

16.

- MOiaa ???

Rool s’en était presque étouffé de surprise. Mais qu’est-ce qu’il lui prenait de dire que lui saurait retrouver la trace de ces abrutis de Kurgans ? Rool était un penseur, un poète, mais pas un pisteur !

- chuuutt.. mais oui toi.. Lui murmura Mad, sans quitter des yeux, le général sunlaoiste qui les observait lui aussi. C’est pas bien compliqué, tu cherches des traces sur le sol, et avec l’intelligence qui est tienne, tu devrais rapidement savoir quelle direction ils ont prise.
- Mais voyons Mad…
- chuuutttt
- mais voyons Mad.. On ne s’improvise pas pisteur.. Il faut avoir un certain flair pour… enfin non laisse tomber..
- Alors, ne me faites pas perdre plus de temps !
- Nous voilà dans de beaux draps, c’était pas malin ça, monsieur le mercenaire.
- mais si mais si, Rool y arrivera très bien. Hein Rool ?
- ma foi, on dirait bien que je n’ai plus vraiment le choix..

Et Rool la mine dépitée, mit pied à terre et laissa les rênes de son cheval à Mad avant de sonder le sol du regard. C’était un véritable labyrinthe d’empreintes, un chevauchement de piétinements qui partaient dans tous les sens… Il n’osa même plus lever les yeux vers le général et garda le nez baissé vers le sol..

Les Kurgans étaient partis en catastrophe, emportant le strict minimum, brûlant les tentes pour ne laisser aucune trace. Rool n’avait jamais été aussi nerveux, il se creusait les méninges pour trouver un indice, mais le regard sur lui, du général, son impatience flagrante, ne l’aidait pas à se concentrer..
Il regarda plus loin autour de lui, les vestiges de ce camps, la place qu’ils avaient occupés autour du feu, le poteau où avait été attaché le prisonnier… là-bas les chevaux qui avaient été laissé dans un enclos….

Soudain inspiré, Rool se dirigea vers l’enclos qui n’était plus que quelques planches brisées sur le sol. Là, il y avait les marques de leurs fers. Les chevaux avaient été rassemblés à l’ouest du camp, puis plus loin, Rool aperçut un reste de torche qu’ils avaient du utiliser, il fonça dans sa direction, observa le sol, et avec un sourire satisfait, annonça, en pointant de la main..

- ils sont parti par làà !

86.

Jesse observait Rool en silence puis le général Genkan à la dérobée. Il semblait vraiment beaucoup tenir à ce malheureux prisonnier, mais était-il seulement encore en vie? Et Pourquoi les Kurgans se seraient-ils embarrassés d'une charge supplémentaire comme un prisonnier blessé? et peut-être agonisant?

La pirate songeait à tout ça, tout en maintenant maintenant son cheval au trot.. Elle se souvint du voyage qu'elle avait débuté pour retrouver Max et aujourd'hui, tout cela n'avait plus de valeur. En ce moment, il devait être en train de jouer avec son chien, se moquant éperdument d'où elle pouvait se trouver et puis...
Et puis Jesse avait compris qu'ils n'avaient plus rien en commun, une fois quitté la guilde des mercenaires, ils avaient perdu ce qui auparavant les motivait vers un même but. A présent, plus rien de motivait son mari...Leur histoire était belle et bien terminée..
Depuis combien de temps, était-elle partie à présent ?..

- Hey ça va madame la pirate? T'en fais une tête!
- hm je songeais au passé..
- et bien il n'a pas l'air très gai ton passé.
- si.. il le fut, j'ai eu la chance de vivre des moments qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire, mais je réalise à présent, qu'il est temps pour moi de tourner la page et de continuer mon chemin, quoiqu'il arrive..

Mad à ses côtés, haussa un sourcil intrigué, puis finit par hocher la tête. Et puis soudain des éclaireurs lancés par le général Genkan revinrent vers eux. Le général avait fini par comprendre que les capacités de pisteur de Rool, étaient tout de même limitées. Il semblait aussi rusé qu'un renard, mais ne leur tint pas rigueur de ce "pieux" mensonge..

- Ils sont à trois kilomètres au nord, et ont posé le camp pour la nuit.
- Que décidez-vous mon général?

Jesse dévisagea le général qui avait plissé les yeux et regardait droit devant lui d'un air peu engageant. Il devait être un redoutable guerrier et la pirate avait vite compris qu'elle aurait plus à gagner à devenir son allié plutôt que de se comporter en ennemie..

- On continue et au triple galop! Nous les aurons, je le jure, au nom de Subotaï!

Et la pirate talonna sa monture à son tour, décidée à suivre le général jusqu'au camp des Kurgans. Ils auraient déjà eu l'occasion de fuir, mais à voir le visage décidé de Mad, elle sut que lui non plus ne renoncerait pas. Elle sourit, satisfaite de sa décision..

( Suite.. au delà de la muraille )