Une vallée oubliée

1. Hans Zimmer: Roll Tide


Sur ces terres lointaines qui ne portaient pas de nom aux yeux des Liberty Humans, le général Jiang se tenait sur sa monture, dominant la vallée désertique qui s’étendait devant lui. Terre de sang et de larmes pour bien des hommes qui y avaient laissé leur vie dans des combats terribles, dans des batailles insensées qui n’avaient su départager ces peuplades oubliées. Aucune civilisation n’avait eu raison de la sauvagerie de ces hommes, aucun empereur n’avait réussi à réunir ces impies et ces sauvages sous sa bannière, tous sauf Genkan qui défendait les couleurs de Sunliao..

Il avait établi en ces lieux depuis plusieurs années à présent, un camp fortifié qui était devenu village puis cité. Les sunlaoïstes avaient transmis leur savoir à ces ignares afin de cultiver les champs, afin de rendre la terre prospère et surtout afin de servir leur nouvel empereur. Les soldats sous ses ordres s’étaient pour la plupart établis en ces terres hostiles, prenant femme et fondant famille. Et personne ne pouvait leur en vouloir de vouloir briser cette misérable existence en se rappelant qu’ils étaient humains avant tout. Mais tous n’avaient pas choisi de terminer leurs jours en cet endroit, et Genkan l’avait compris à la dernière expédition lancée dans les hautres montagnes aux neiges éternelles. Ses fidèles camarades s’étaient pour la première fois rebellé à ses ordres.

- Genkan! nous en avons assez!… Toutes ces batailles toutes ces attaques menées contre ces peuples et pourquoi? pour gagner un bout de terre en plus, et combien de vies y avons-nous laissé ? combien d’hommes avons- nous du tuer pour un peu de terre en plus? Et tout ça au nom d’un empereur dont nous ignorons s’il se souvient encore de nous?

D’ordinaire, Genkan aurait sévèrement remis à sa place l’homme ayant fait preuve d’une telle insubordination à ses ordres, mais le guerrier qui lui faisait face, bataillait depuis des années à ses côtés, sans avoir mis une seule fois en question ses décisions, serviteur loyal de l’empereur de Sunliao, tout comme lui, il avait plus d’une fois risqué sa vie, comme bien d’autres, d’autres dont certains étaient restés sur les champs de bataille. Et le pire, il avait raison, il avait évoqué à voix haute ce que tous pensaient en silence, ces hommes, ses compagnons d’arme qui ne rêvaient que d’une chose, revoir un jour leur pays, leurs familles.. Il les en avait déjà trop longtemps privé.

Cela faisait plusieurs années qu’aucun émissaire n’était venu de Sunliao, aucun soldat envoyé n’avait retrouvé le chemin pour revenir à eux. A croire qu’ils étaient devenus les maudits, les oubliés de l’empire et cela, Genkan ne pouvait plus l’admettre. Alors il avait annoncé qu’ils rebroussaient chemin. Cette bataille contre les tribus au-delà de ces montagnes serait longue et leur coûterait encore bien des morts inutiles.

C’est ainsi qu’après avoir passé une nuit à retourner ce problème dans tous les sens, Genkan vint à prendre la seul décision possible. Une décision qu’il avait annoncé la veille à ces autres guerriers de l’impossibles, ces hommes oubliés des leurs. Ils rentraient au pays..

Sa décision avait été accueillie par un lourd silence choqué, les hommes avaient mis un instant avant d’encaisser cette incroyable nouvelle, puis soudain leur joie avait éclaté, les larmes, les rires, les hourras, et toutes ces choses qui avaient contribuées à faire de ce dernier jour sur ces terres maudites, un jour de fête qu’ils ne seraient pas prêts d’oublier.. Le lendemain, aux premières heures, ils avaient fait leurs au revoirs à ceux qui avaient choisi de rester. Ils étaient quarante-cinq hommes à avoir choisi de rentrer au pays, quarante-cinq sur les milles hommes qui avaient suivi le général au départ… La moitié d’entre eux ne pourraient jamais retourner chez eux.

Après avoir jeté un dernier regard sur cette vallée perdue, Genkan fit faire un quart de tour à sa monture. Un long chemin les attendait.