Renaissance

Laissez moi entrer !!!

Alors qu’elle gesticulait pour échapper aux gardes, Li Wei ne comprend que trop bien qu’elle n’a aucune chance. Quel poids a encore ses visions alors que depuis dix ans elle a fui le monde, vivant dans la simplicité, la pauvreté et la rigueur de ses hautes montagnes, ignorant le Royaume. Il y a dix ans, face au déclin de l’Empire, elle s’est enfermée, jurant de ne sortir que lorsqu’elle aurait une réponse à ce mal qui le ronge.

Elle sait la mort de l’Impératrice. Elle l’a vu. Elle sait qu’elle ne pouvait rien faire et ne le souhaitait pas. Non pas qu’elle l’ait détesté non. C’est exagéré. Elle était indifférente à vrai dire. Si elle regrette le départ d’une vie, elle n’est ni triste ni heureuse de ce trépas. Elle en veut d’avantage à ses conseillers qui ont réduit le Royaume à ce monde là. Le résultat est si terrible à ses yeux.

Quant à tous ces gens qui veulent trouver la mort… Certes certains lui sont odieux, mais elle aime trop la vie et ce qui va se passer est pour elle un carnage, un massacre dont on ne prononce pas le nom, dans un Royaume où chaque vie est devenue trop précieuse. C’est injuste. Elle a failli à sa promesse pour les sauver. Au moins un, que son combat ne soit pas vain.

Vous ne pouvez pas faire ça !
L’Impératrice n’est visible qu’aux gens du palais.
Je ne souhaitais pas lui rendre hommage mais vous arrêter dans votre folie ! Vous ne pouvez pas faire ça. Pensez à vos familles. La mort d’une femme vaut elle le sacrifice de tant de monde ? Ne voyez vous pas le monde dans lequel nous vivons ? Ouvrez les yeux !

Un petit groupe de courtisans la regarde, étonné. Des murmures montent. Son nom commence à être prononcé. Li Wei, descendue de sa montagne. Aurait elle eu une vision ? Pourtant, au-delà de cette curiosité, nul ne semble songer à faire demi tour. Li Wei s’échine, prie, supplie, demande et invoque. Nulle réponse positive. Le silence, la mort pour seuls échos.
Finalement las de ses demandes, on ferme les portes du Palais. Les mains posées sur l’une d’elle, le front appuyant sur le métal froid, une larme solitaire glisse sur sa joue.

Seule …

Un simple mot vous diront certains alors pourquoi résonne t’il aux oreilles de Gaya comme une sentence, une condamnation ?

Qu'a t elle fait dans ses vies antérieures pour mérité un tel traitement?

Le regard vide, elle fixe les portes closes du palais comme si son simple regard pouvait changer les choses …

Partie dans les montagnes pour apprendre à apprivoiser son don avec quelques villageois, la nouvelle de la mort de l’impératrice lui avait causé un terrible choc. Elle avait chevauché à bride abattue pour rentrer et c’est là qu’elle avait découvert la terrible décision prise pour honorer la mémoire d’ Akeru…

Ses supplications, ses cris et ses hurlements de colère n’avaient pas réussis à faire fléchir les gens du palais. Ils voulaient mourir pour elle …
Elle avait pourtant tout essayé, tout tenté pour sauver quelques âmes mais en vain. On lui avait demandé alors de faire un choix et elle avait choisit … la vie.
Elle sentait que ce n’était pas la fin pour elle et que la déesse Isis avait encore des projets la concernant …

Gaya avait voulut voir les enfants une dernière fois pour leurs expliquer et tenter de les convaincre que tout cela n'était que folie mais ce droit lui avait été refusé en raison de son choix et on lui avait demandé de partir.

Assise à présent sur une souche non loin du palais et les larmes coulant sur ses joues, elle revoyait leurs visages souriants et éprouvait un sentiment de rage intense contre le destin qui semblait aimer mettre sa vie sans dessus dessous !!

Par Isis ... Que faire à présent ?

La jeune femme pousse un profond soupir quand elle prend soudain conscience de quelque chose.
Un silence impressionnant règne sur le palais et un frisson glacé parcoure l’échine de la prêtresse.

La mort rôde en ces lieux et elle ne va pas tarder à venir reclamer son dût ...

Elle a frappé à la porte du Palais jusqu'à s'abimer les mains. Sa voix est éraillée à force de supplier. Mais en vain, toujours en vain. Beaucoup de gens hors du palais ne la connaisse pas ou plus. Elle a vieilli, elle a changé. Et les regards avec. Mépris, étonnement, beaucoup doivent la prendre pour une folle. Elle se sent devenir folle en sachant combien de vies vont disparaitre sans qu'elle ne puisse rien faire. Elle déteste cet instant, se demandant ce que son vieil ami aurait fait s'il était là. Peut être aurait il dit que de toute façon il n'y avait que des vauriens puisqu'ils étaient tous des politiciens. Ou alors il aurait donné la charge, bravant les Esprits, les Dieux, pour les sauver tous ou même un seul. Peu lui aurait importé si le Royaume en avait tiré partie.

Li Wei se recule d'un pas et scrute l'horizon à sa gauche. Le soleil décline lentement, inexorablement. Elle recule encore d'un pas et voit la course de l'astre décroitre encore, comme s'il était pressé que le jour se finisse.

Li Wei tombe à genoux, les bras écartés, suppliant les Esprits de lui venir en aide. Mais comme depuis dix ans, il n'y avait plus rien. Seul le rêve de la mort de l'Impératrice avait troublé le calme de son retrait du monde. Elle abandonne. Elle doute de ses dons désormais. à quoi bon ? Si elle n'est même plus capable de sauver une seule vie, à quoi sert elle ?
Elle se relève sans l'aide de ses mains, efface les traces de terre sur ses genoux et recule sans jamais quitter le palais des yeux. D'ici une heure au plus, il ne restera plus rien de ce lieu.

Il ne représente rien pour elle. Ensemble purement matérialiste, bien trop confortable et luxueux pour les esprits et les Dieux. Elle n'est pas attachée à ce genre de choses. Pourtant l'aura qui s'en dégage semble lui dire qu'un vide énorme va découler de sa fin. Elle tremble, serre ses mains l'une contre l'autre. Ses épaules s'abaissent doucement, en signe de résignation. Elle restera là à voir son échec.

Admin Nombre de messages : 318 Points : 374 Date d'inscription : 25/10/2009

<< avant.

" Injection"

Le Prophète s’envola de son antre, au pied des montagnes sacrées pour un rare périple en direction de la fameuse cité de Sunliao. Le dragon rouge gagna en quelques instants seulement, la cité entourée par ses hautes enceintes et atterrit avec souplesse sur l’une des plus hautes tours. De là où il se trouvait, il pouvait voir le palais, en admirer ses dômes d’or, et son délicat travail d’architecture.

Elle avait voulu que cet endroit fut sa dernière demeure, elle et les siens seraient les derniers à y avoir résidé. Car ensuite, il ne resterait plus que des cendres. Il faudrait tout reconstruire, il faudrait un peuple avec une volonté puissante, une force soudée pour y parvenir et ce n’était pas le peuple qu’il avait sous les yeux en ce moment. Le doute planait, le doute, la peur, l’hésitation, trop de sentiments qui seraient néfastes pour l’avenir de Sunliao. Mais c’était ce qui était prédit et il faudrait le courage de plusieurs d’entre eux pour parvenir à sauver l’empire du soleil levant.

Les ailes aux repos dans son dos, il courba le cou et ferma les yeux, versant quelques dernières larmes pour ceux qui avaient avalé le poison et reposaient désormais aux côtés de l’impératrice dans un sommeil commun et éternel. Il n’y avait plus âme qui vive au palais de Sunliao, sauf… non loin de là.

Le prophète tourna la tête dans une direction, puis l’autre, puis une dernière et poussa un puissant rugissement qui serait entendu de tout Sunliao. Le règne de l’impératrice se terminerait ce soir. Il attendit que le soleil se fut couché à l’horizon que les couleurs s’estompent peu à peu pour laisser place aux ténèbres, il attendit de voir les gens de la cité allumer des lampes à leur fenêtre en signe de deuil, pour prendre son envol….

Il traça plusieurs cercles autour du palais impérial, un premier, majestueux vol d’un prédateur qui ne l’était pas, un second plus rapide, plus serré et piqua soudain en direction du Palais. Un long jet de flamme s’abattit en direction du bâtiment principal, embrasant aussitôt toute chose, toute construction et tout ce qu’on avait laissé là. Il cracha encore et encore son feu sacré sur le palais enflammé qui se consumma en un énorme brasier dont les flammes touchèrent le ciel. Un feu dont les conteurs diraient des années plus tard qu’ils n’en avaient jamais vu de semblable et que rien n’aurait pu y résister. Ainsi en avait décidé l’impératrice.
Le Palais brûlerait toute la nuit, jusqu’au matin…. Au matin, il ne resterait plus que les cendres d’un édifice qui s’était voulu au-dessus des plus beaux palais de Liberty.
Des cendres et des écrits dans des livres d’histoire.

Elle le voit arriver, le Dragon de Sunliao. Alors qu'elle priait pour l'âme de ces pauvres êtres, alors qu'elle était à genoux pour implorer la clémence des esprits, elle pose la tête au sol dans un signe d'infini respect. Les femmes de sa lignées disent qu'il est à l'origine de leurs dons. Après ce long salut, qui ne lui fera pas voir le début de l'incendie, qui l'évitera de rendre responsable ce Dragon qui n'y est pour rien, elle s'installe dans la position du lotus et veille, médite et prie toute la nuit durant. Malgré son vêtement de soie, léger et aérien, Li Wei ne bouge pas.

Loin de ressentir le froid, ses muscles ne tréssaillent pas de la nuit. Comme si son esprit avait quitté son enveloppe mortelle pour se joindre aux Esprit. Ainsi Li Wei reste là à voir le feu tout dévorer sur son passage. Quelques personnes de la capitale apportent des fleurs ou des offrandes, profitant du moment pour sacrifier une dernière fois à l'Impératrice ou pour rappeler au Dragon de Sunliao qu'ils sont toujours là et que tout le monde n'a pas abandonné.

Alors qu'à l'est le soleil se lève très lentement, que le ciel commence à prendre des couleurs de sang, Li Wei sort enfin de sa transe. Nulle trace de fatigue. Elle s'en retourne dans la capitale, les yeux secs, les mains dénouées, sans expression aucune. Ni tristesse, ni joie. Elle sait très bien qu'un nouveau jour commence, une nouvelle vie pour tout un Royaume. Ils auront besoin d'un Guide. Elle ne saurait être celui ci. Par contre elle pourra aider ces âmes en attendant leur véritable chef. Reste pour elle à savoir si elle sera de ceux qui le trouveront ou de ceux qui lui prépareront le trône.

Elle a passé une journée et une nuit à parler aux gens de la Capitale qui souhaitaient la consulter. Il n’était pas question pour elle de voir l’avenir, ou d’avoir des visions non. Elle avait été là pour conseiller les gens, les rassurer, les inviter à se tourner vers les Esprits et les Dieux de Sunliao pour trouver la force de recommencer.
Certains d’entre eux lui avaient offert de menus présents. Nourriture, vêtements, tissus ou objets d’usage communs. Dons pour son monastère ou elle-même, pour l’aider dans la rigueur de sa vie. Li Wei remercia personnellement chacun d’eux avant d’enfin pouvoir se retirer.

Pour sa halte à la Capitale, comme elle en avait coutume autrefois, elle se rend au temple de Baiyun Guan ou temple du Nuage blanc. Là elle a l’impression d’être dans son monastère. Isolée, sans un bruit de la ville. L’air y est sain, épargné par les ondes néfastes et les pensées mauvaises.

Alors qu’elle n’a pas dormi depuis deux jours révolus, Li Wei retourne dans une petite chambre qui lui est allouée et sans un mot pose les dons qu’elle a pu porter. Ensuite, elle prend elle-même une bassine, posée devant le panneau de bois glissant et va chercher de l’eau. Elle ne la fait pas chauffer. Inutile. Rapidement, elle organise une petite toilette, se cantonnant à laver bras, visage et cou. Le reste pourra attendre son réveil car elle sent enfin la douleur d’une trop longue absence de sommeil. Après, elle pourra plus facilement envisagé l’avenir.

A son réveil, Li Wei esquisse une grimace douloureuse. Soudain son corps se rappelle à elle. Il lui dit combien il a peu apprécié qu’elle le néglige ces derniers jours. Entre ce voyage depuis les Hautes Montagnes, la nuit de veille devant feu le palais Impérial puis cette dernière journée à faire fi de ses besoins.

Avec patience, elle se redresse, ménageant ses muscles. Pour ceux qui protestent le plus, elle procure un léger massage. De quoi les détendre suffisamment pour trainer sa vieille carcasse jusqu’aux bains. Elle sent soudain le poids de son âge plus que jamais. Elle regarde avec une pointe de tristesse ses mains flétries par le temps, regrettant de n’avoir pas eu d’enfant pour continuer après elle. Elle a tellement voulu se détacher du monde, qu’elle en a oublié l’essentiel.

Li Wei se lève et choisit une des tenues offertes. Simple mais belle, d’un vert eau subtile. Et se dirige vers les bains. C’est une salle spacieuse, aux effluves d’eucalyptus. Des vapeurs sortent d’une pièce attenante. Avec plaisir, Li Wei se débarrasse de ses oripeaux de la veille et verse un baquet d’eau chaude sur des pierres en rentrant. Elle s’assoit ensuite dans un coin, attendant tranquillement que son corps se recouvre lentement de perles de sueur. Elle continue de fixer son corps d’un œil sévère. Le temps. Ce vieil ennemi qui gagne toujours à la fin. Pourtant, elle a regardé les étoiles et n’a pas vu encore le moment de sa mort. Mais après la mort de temps de gens, comment ne pas y penser. Et comment ne pas être tenté de regarder en arrière pour trouver des erreurs. Et le bilan reste qu’elle est partagée. Pour le bien du Royaume, aurait elle du être moins tournée vers les esprits et donner naissance à toute une progéniture ? Les femmes de sa famille passaient pour fertiles. Mieux, il est dit que sa grand-mère avait invoqué les esprits pour lui offrir un enfant et l’avait eu, sans connaître charnel. Mais Li Wei doutait quand même. Elle n’a pas connu sa grand-mère mais pourquoi lui auraient ils offert un enfant ?

Après avoir fini par s’assoupir, Li Wei s’occupe de sortir de la pièce, et d’aller se plonger dans de l’eau froide. Elle se rince doucement puis retourne dans la pièce première ou elle attrape quelque crème pour adoucir sa peau. Elle en profite pour masser chaque muscle, pour les délier, les frotter jusqu’à ce qu’elle ne ressente plus aucune douleur. Elle brosse ses longs cheveux noirs, que, pour une fois, elle laisse libre. Puis revêt la robe. Une fois n’est pas coutume, elle décide de faire un effort de coquetterie et se farde un peu. Elle tente, doucement, maladroite par méconnaissance. Heureusement, elle a déjà vu des femmes qui étaient en train de se badigeonner le visage de ces choses. Reste seulement le geste peu sur.

à peu près satisfaite du résultat, Li Wei se contemple dans un miroir. Heureuse du résultat, bien que consciente de la futilité absolue de ce moment, elle décide que maintenant, son corps étant satisfait, il est temps de remplir son estomac.