Un doc pour Griffon

<< avant 51.


Ah ça, que ce soit Griffon ou Griffon, il savait comment l’émouvoir. Le pauvre avait sans doute pris froid pendant cette nuit, sans rien sur sa peau et..Non, elle ne devait pas y penser. Elle devait trouver de quoi le requinquer, mais pour ça, il leur fallait un shaman, ou médecin ou….vétérinaire ? Jesse fit la grimace, guère convaincue par cette dernière solution. Il lui fallait pourtant un soigneur, car il avait vraiment l’air d’aller mal et Jesse était inquiète.

- Je ne vais pas t’abandonner voyons, jamais……je te promets Griffon, dit-elle en caressant l’aile. Mais il va falloir qu’on trouve une personne apte à te soigner. J’avoue que je ne m’y connais pas en maladie de chimères. Et comment te soigner aussi et.. bref, il me fait le conseil d’une personne avisée.
- On peut poursuivre jusqu’au village suivant, et nous verrons bien, proposa Xit.
- Tu as raison.. allons-y, avant que son état ne s’empire.

Jesse s’efforça de sourire pour rassurer le Griffon qui la regardait inquiet.

- On va bien s’occuper de toi, ne t’inquiète pas.

C’était toujours plus facile à dire qu’à faire. Et quand enfin ils virent les toits des premières maisons d’un village, Jesse eut l’impression que ça faisait des heures qu’ils voyageaient. Elle fit arrêter le charriot à la première maison de village et alla frapper à la porte avec force.

- Oui ? Qui êtes-vous ?

Jesse dévisagea la petite vieille qu’elle dépassait de trois bonnes têtes.

- Madame, elle toucha le bord de son chapeau en guise de salut.
- Je suis Lady Sparrow, nous voyageons actuellement sur les routes d’Arcadia mais, mon ami est malade et.

BLAM, la vieille lui claqua la porte au nez.

- Rooohh mais vous auriez pu attendre que j’aie fini au moins avant de me claquer la porte au nez !!!

Elle tambourina de plus belle contre la porte.

- On vient pas vous faire du mal, je cherche juste un docteur pour mon ami !
- Chuis pas docteur, j’en ai rien à cirer de vos conneries, Barrez-vouuuus où j’appelle Léon !! lui cria la vieille depuis l'intérieur de la maison.
- Hein Léon ?

Jesse entendit brusquement un terrible rugissement. Elle haussa un sourcil perplexe, ravala sa salive et se dit qu’il valait mieux ne pas insister.

- Tout de même ces habitants, ils ne sont guère hospitaliers.

Faisant un signe à Xit de la suivre avec le chariot, elle redescendit l’allée et alla frapper à la porte de la maison voisine. Elle frappa à nouveau et, vit un canon de carabine se glisser à travers l’encadrement de la porte.

- Hey, du calme, je cherche juste un docteur pour mon ami, il est malade !
- Allez plus loin… c’est pas ici.
- Plus loin ?
- Là bas, la maison avec les volets rouges, vous y trouverez votre docteur. Laissez-moi à présent, fit une voix féminine.

Et Jesse haussa les épaules, ne cherchant pas à comprendre pourquoi ces gens semblaient soudain si méfiants. Elle fit un geste en direction du chariot, pointant la maison aux volets rouges.

- C’est par là qu’on va !

Et cette fois, si l’homme se montra de la même méfiance que ses voisins, lui ouvrant à peine la porte pour lui parler, quand elle évoqua le fait qu’elle voyageait avec un malade, il soupira et les invita à entrer chez lui. Seulement il ne s’attendait pas du tout à avoir un Griffon comme client !

Vu l'accueil chaleureux, Griffon en était venu à penser qu'il aurait du rester à être malade comme un chien dans la carriole plutôt que de venir ici.
Il regarda le docteur d'un air peu amène, ayant envie de lui grogner dessus mais trop fatigué pour même couiner.
L'homme râla mais l'air décidé de l'escorte le convainquit de ravaler ses refus et il fit porter Griffon sur un lit, lui mit une couverture chaude sur le dos avant de lui administrer une poudre diluée dans un bol d'eau, affirmant que c'était un simple coup de froid et qu'on n'aurait pas du le déranger pour si peu.
Griffon peina a avaler la mixture, la gorge brûlante, et s'affala à nouveau, se sentant très vite bien plus mal qu'avant.
Il lui semblait manquer d'air et il restait stupidement le bec ouvert comme pour en aspirer davantage.
Sous les yeux ébahis de ceux qui étaient à son chevet, ses serres d'abord reprirent progressivement leur forme de mains, laissant l'homme là où se tenait quelques instants auparavant le griffon.
Un homme tout à fait mal en point, brûlant de fièvre bien davantage que le Griffon.
Atterré, le médecin avait pâlit visiblement

- Hey! Mais c'est un humain?! Mais fallait me le dire! Vous m'amenez une bestiole comme ça, je lui ai donné une dose importante! Mais il va en crever maintenant!

Griffon avait jeté un regard désabusé sur ses doigts en entendant le soigneur: comme avait dit l'oracle alors, s'il mourait, il reprenait sa forme humaine. Hé bien, ça lui faisait une belle jambe!
Il croisa le regard halluciné des deux Taïnos, tenta de sourire et du se relever pour cracher l'écume rougeâtre qui lui emplissait la bouche. Tant qu'à faire d'y passer, cet imbécile aurait pu lui donner quelque chose de plus doux...

52.

Jesse était de plus en plus inquiète, mais ce ne fut rien à côté de ce qu’elle ressentit quand le médecin lui donna son diagnostic. Elle n’avait pas eu confiance, dès le départ. Enfin Jesse n’avait jamais confiance, c’est dire que ce qu’elle entendit ne lui plus pas du tout. Et quand Jesse était inquiète pour les siens, elle pouvait devenir redoutable.

C’est donc aussitôt qu’elle braqua son pistolet sur la tempe du médecin et menaça d’une voix sourde.

- Il ne mourra pas, il ne mourra pas parce que tu vas tout faire pour qu’il s’en sorte, ou toi aussi tu mourras. T’es médecin, sauve-le !!
- Mais je l’ai dit que je ne pouvais….

Jesse engagea le chien du pistolet.

- Tu pourras, tu as tout intérêt à pouvoir.

L’homme la dévisagea, regard écarquillé par la peur, puis inclina la tête.

- D’accord, d’accord, je vais essayer, mais laissez-moi prendre ce dont j’ai besoin.

La pirate s’écarta donc pour le laisser passer, et le surveilla avec la plus grande attention tandis qu’il fouillait dans ses potions, ses onguents et tout ce bric à brac dont il disposait dans cette pièce. Puis elle tourna la tête un bref instant vers le Griffon, vers l’homme étendu sur la table et dut prendre sur elle pour ne pas céder au désespoir qui menaçait. Il ne pouvait pas la laisser tomber à présent, il devait lutter…

- Bats-toi Griffon, bats toi pour vivre, pour moi…pour nous.

Elle inspira profondément pour ne pas laisser les larmes envahir ses yeux. Elle ne céderait pas à la peine, elle lutterait comme lui, et pour lui.
Le médecin prépara une seconde mixture qu’il fit ingurgiter au Griffon, demandant à Xit de soutenir l’homme pendant qu’il lui faisait avaler la potion. Puis il prépara un feu, dans le foyer tout proche et bientôt il fit dans la pièce une chaleur terrible. La sueur perlait sur le front de chacun et Jesse douta de la méthode qu’avait choisi le médecin pour sauver le Griffon. Pourtant, elle n’avait pas d’autre choix que de lui faire confiance.

Après quelques minutes, Griffon régurgita la potion que le médecin lui avait donné et Jesse pointa à nouveau son pistolet.

- Non non, c’est normal, c’était le but. Espérons qu’il a rendu une bonne partie du médicament donné avant.
- Comment savoir ?
- Attendre, attendre, c’est tout ce qui nous reste à faire….. Il doit transpirer pour évacuer plus vite encore. Sa fièvre va encore monter… c’est prendre un risque énorme, mais c’est la seule solution que j’ais.

Attendre ? Elle ne savait pas attendre, mais encore une fois, elle n’avait pas le choix. Au fil du temps qui s’écoula cette nuit là, son arme baissa peu à peu et Jesse finit par renoncer à menacer le médecin au bénéfice du Griffon qu’elle veilla toute la nuit, épongeant son front, et tremblant d’inquiétude pour lui tandis qu’il entrait dans différentes phases de délire, des cris de douleur, aux suppliques terribles qui arrachèrent le cœur de la pirate.

Griffon voulu protester comme la pirate menaçait le médecin, il avait trop mal pour vraiment souhaiter survivre à ce qu'il était en train de vivre.
Oh si, il voulait mourir, il avait l'impression de se liquéfier de l'intérieur
Il ne voulait pas se battre, il voulait mourir en paix, le plus rapidement possible, sentir cesser cette souffrance indescriptible.
Ne pouvant articuler un mot, il se retrouva soulevé par Xit tandis qu'une nouvelle mixture infâme lui était administrée.
Il ne fallut que quelques minutes pour que son estomac réagisse et se révolte, le laissant affalé sur le lit, haletant et suant.
Pour la chaleur, il ne s'était pas trompé, cet horrible médecin, Griffon se sentait brûler à petit feu et se débattit pour rejeter les couvertures qui lui étaient systématiquement rabattues dessus.
Il voulait juste qu'on le laisse y passer au lieu de s'entêter à le sauver.
Bientôt, il ne sut plus ce qui se passait autour de lui, appelant inlassablement la pirate qu'il ne reconnaissait pas alors qu'elle lui tenait la main.
Puis progressivement, il s'apaisa et finit par sombrer dans un sommeil presque calme et relâcher ses doigts crispés sur le poignet de Jesse.

- On dirait que c'est bon...

Le médecin avait sans doute raison, car après une heure d'accalmie, les plumes refirent leur apparition et recouvrirent l'homme qui reposait entre les draps pour le transformer à nouveau en Griffon, qui se releva comme si de rien était en se réveillant, semblant avoir parfaitement oublié ses souffrances

- Ah, j'me sens mieux... Bah j'ai faim maintenant...!

A l'évidence, le médecin aurait adoré les voir déguerpir... Mais se rappelant sans doute du pistolet de la pirate, il proposa de nourrir les voyageurs...

53.

Jesse redressa lentement la tête, les membres engourdis par le fait d’avoir dormi dans cette position, assise et la tête coincée entre ses bras, à moitié avachie sur la table qui avait servi au médecin pour soigner Griffon. Elle cligna des yeux en découvrant la table vide et Griffon qui comme à son habitude réclamait à manger. Alors pendant un instant, elle crut que tout ce qui s’était passé cette nuit n’avait été qu’un affreux cauchemar…

Mais quand le médecin se proposa pour leur servir un petit déjeuner, Jesse réalisa que tout ça était bien réel et qu’elle n’avait pas imaginé cette nuit agitée, n’était-ce que l’allure qu’elle avait après avoir eu si chaud, et après avoir si peu dormi, trop inquiète jusqu’à ce que le Griffon s’était calmé dans ses crises de délire et qu’elle s’était endormie malgré elle, épuisée par toutes ces nuits sans sommeil.

La pirate se frotta le visage et murmura.

- On dirait que Griffon est tiré d’affaire. Dieu ce que tu m’as fait peur !

Elle se laissa glisser au sol pour enlacer la chimère, car elle avait cru l’espace de plusieurs heures qu’il ne s’en remettrait pas, mais voilà les dieux en avaient décidé autrement. Jesse s’écarta lentement, lui sourit puis se redressa.

- Ok, allons manger, je crois que du coup je retrouve l’appétit. Mais après ça, je vais avoir besoin d’un peu de repos. J’ai cru que je ne verrai jamais la fin de cette nuit.

Ils se dirigèrent donc vers la petite pièce qui servait de salle à manger et servi par un médecin quelque peu tendu, ils mangèrent ensembles, avec Xit et Goltech, prenant des forces pour poursuivre leur voyage. Bien que quand la question fut abordée, Jesse évoqua à nouveau le besoin de se reposer.

- Et puis Griffon, tu dois te ménager, tu viens d’être très malade, je ne voudrais pas présumer de tes forces.

Elle se tourna alors vers le médecin.

- Je sais que je vais abuser, surtout après que vous ayez sauvé mon ami mais… me permettriez vous de me reposer encore un peu avant de repartir ?

L’homme n’osa pas refuser bien sûr et fit préparer par sa bonne, une chambre à l’étage. La bonne voulut signifier que le griffon ne devait pas monter à l’étage, mais Jesse encore une fois, n’en eut cure.

- Il ira là où j’irai, s’il le veut bien. Griffon ça ne t’ennuie pas que j’aille me reposer un peu ?

Elle lui sourit comme il acquiesçait, et monta suivie du griffon pour s’installer dans le grand lit après avoir retiré ses bottes.

- Je me sais … vraiment épuisée tout à coup…

La pirate passa une main fébrile sur son front, et s’allongea, ne tardant pas à s’endormir. Mais quelques heures plus tard, quand Griffon vit qu’elle dormait encore, il put constater que c’était elle qui avait de la fièvre à présent.

Il s'était assoupi en la regardant dormir, amusé par l'allure échevelée de la pirate, ému également parce qu'il comprenait confusément que c'était en veillant sur lui qu'elle s'était épuisée de la sorte.
Il se réveillait de temps en temps, constatait qu'elle dormait toujours, alors il se blottissait un peu plus contre elle, baillait, et se rendormait à son tour.
Tout de même, au bout d'un certain temps, comme la lumière indiquait qu'il faisait grand jour au dehors, il s'étonna qu'elle dorme aussi profondément et frotta sa tête contre le visage de cette belle au bois dormant, voulant savoir si elle comptait vraiment dormir toute la journée ici.
C'est à ce moment-là qu'il réalisa qu'il était anormal qu'elle soit toujours couverte de sueur, puisque la température de la chambre n'avait pas été élevée comme celle de la pièce commune. Et puis après plusieurs heures, même en bas tout devait être rentré dans l'ordre, et il ne faisait pas, en cette saison, suffisamment chaud pour justifier son état.
Il l'appela timidement, un peu honteux de s'inquiéter bêtement alors qu'il devait y avoir une explication évidente, mais il n'y pouvait rien.

- Jesse?

Elle ne réagit pas, pas plus qu'elle n'ouvrit les yeux comme il la secouait davantage.
L'inquiétude l'avait gagné définitivement.
Pas de doute à avoir, elle était malade, et c'était sûrement à cause de lui.
Il couina pitoyablement, hésitant entre aller chercher de l'aide, ce qui impliquqit de la laisser seule, ou rester auprès d'elle alors qu'il n'avait aucun soulagement à lui offrir.
La raison l'emportant, il annonça qu'il allait chercher le médecin et fila à toute vitesse, faisant soupirer l'homme qui s'était cru enfin tranquille.
Griffon ne lui laissa pas de le choix, le poussant vers l'escalier d'une manière qui n'admettait pas la réplique.

- Mais heu faut que j'prépare le remède!

Ha oui... Pas bête ça...!
Brûlant d'impatience, Griffon dû pourtant attendre avant de pouvoir courir dans l'escalier pour retrouver la pirate.
Il grimpa sur le lit et se serra contre elle tandis que l'homme lui faisait boire une autre rasade de cette décoction écœurante.
Xit et Goltech semblaient également morts d'inquiétude, et il sentit la culpabilité l'envahir encore davantage et détourna les yeux.
Le médecin demanda du calme et Griffon s'immobilisa sur le lit, faisant comprendre par la même occasion à tous qu'on ne le ferai pas sortir de cette pièce.
A reculons, les Taïnos le laissèrent finalement veiller leur capitaine et sortirent monter la garde devant la porte.

- Je suis désolé, Jesse... Je n'ai pas pensé que tu serais malade à ton tour...

Il s'allongea auprès d'elle, l'enveloppant à nouveau de ses ailes, protection bien dérisoire contre la maladie.
Il voulait juste qu'elle guérissse

54.

Jesse rêvait…. Elle se trouvait dans les bras de cet homme qui avait foudroyé son cœur et sa vie, par un simple contact, un contact qu’elle recherchait, qu’elle rêvait…. Une réalité qui devenait rêve…. Elle dérivait…. Dans un lit de plumes, douces, soyeuses, brûlantes comme sa peau, comme les muscles roulant sous la peau, comme le souffle soulevant son torse, chaud comme son regard de velours, troublant comme son sourire…. Jesse glissait vers d’étranges images, mélanges de chimères et d’humains qui se mêlaient et s’emmêlaient dans un ballet lascif et confusément sensuel.

Elle se laissait porter par la vague doucereuse et dangereuse, tentatrice et diabolique de cet homme qui l’appelait. Elle le cherchait, il s’esquivait, jeu qui la rendait impatiente. Il disparaissait, la retrouvait, lui souriait, l’enlaçait. Et Jesse soupirait d’aise, mais le jeu ne durait pas.

- Non, ne pars pas.

Elle s’accrocha, pour qu’il ne puisse pas cette fois encore disparaitre.

- Reste… reste avec moi…

Mais au lieu de sentir le contact de sa peau, c’est une plume qui se glissa entre ses doigts. Jesse ouvrit sa main, découvrit la plume blanche, et le vent soudain l’emporta. Alors il ne restait plus rien, que le feu qui voulait la dévorer, détruire ce qui restait… il ne restait que la souffrance qui lui arracha une plainte. Elle avait tout perdu.

- Non !
- Tu as voulu jouer, tu as perdu
- Non !
- Tu ne l’auras jamais, jamais.
- NON !
- Il m’appartient, cet homme que tu aimes, il m’appartient et contre moi tu ne peux rien !!!
- NON !! hurla encore Jesse qui découvrit le visage de cette femme qui se moquait d’elle, un visage horrible, une chimère à moitié griffonne et serpent, une femme …non, des bras de pieuvre qui retenaient cet homme prisonnier. Un monstre !

- Tu n’as pas le droit !! Laisse-le partir.
- Pourquoi ferais-je ça ?
- Parce que je l’aime….

Tout sembla soudain s’apaiser. La sorcière disparut et Jesse se retrouva dans un cocon de plume, la respiration encore saccadée. Et puis elle entendit la voix… sa voix. Elle ouvrit les yeux.

- Griffon, murmura-t-elle dans un souffle… ne me laisse pas… je trouverai une solution…. Mais reste…

Elle se serra contre la chimère, et enfin sa respiration se calma, avant de redevenir régulière. Et Jesse put enfin s’endormir paisiblement, sans rêver de sorcière, sans plus faire de cauchemars. La potion avait fait son effet, et la fièvre s’était envolée.
Quand quelques heures plus tard, elle se réveilla, elle était quelque peu désorientée. Il faisait nuit, et elle ne distinguait rien dans la pièce. Elle s’inquiéta soudain.

- Griffon ? Griffon ???

55.

Sa voix chaude et veloutée la rassura, mais plus encore quand elle réalisa tandis qu’il caressait sa joue qu’il n’était plus chimère mais redevenu homme. Elle s’en étonna, et crut un instant qu’elle rêvait encore. Ce rêve qui lui avait paru si réaliste. Mais pas autant que cette étreinte qu’il lui donna et ce baiser qui lui firent définitivement comprendre qu’elle ne rêvait pas.

- Il va falloir que tu gardes une couverture de rechange pour les autres nuits, je crois...
- Les autres nuits ?

Elle avait encore du mal à assimiler ce qui s’était passé et ce qui se passait encore là… Il était redevenu homme et la serrait contre lui à l’étouffer. Et Dieu que c’était agréable. Elle murmura tout en fermant les yeux, visage contre son torse.

- J’ai rêvé de Circé… j’ai rêvé qu’elle voulait m’éloigner de toi. Et j’avais beau lutter, elle avait gain de cause et…

Elle se serra contre lui.

- Ça m’a rendue si triste. Jamais je ne la laisserai me séparer de toi que tu sois toi ou Griffon…

Elle soupira.

- Je suis bien comme ça, dans tes bras.

Puis elle sourit, en se remémorant les derniers évènements.

- Je crois que tu m’as refilé ta fièvre. Mais ne te sens pas responsable, nous avons été liés par la maladie, et nous avons guéris ensembles. C’est un signe, tu ne crois pas ?

Jesse rit doucement…

- Tu dois me prendre pour une folle n’est-ce pas ? Disons que je suis superstitieuse. Je me dis que rien n’arrive pour rien. Et je suis contente de pouvoir encore te voir ce soir… te voir, te toucher….

Elle se troubla tandis que sa main caressait son épaule.

- Te caresser….

Et ce fut à son tour de l’embrasser, avant de soupirer. Elle se sentait encore un peu fébrile, n’ayant pas la capacité de récupération du Griffon. Cependant ça ne l’empêchait pas de sentir son désir s’éveiller au contact de cet homme.

56.

Si la fièvre qu’elle avait contractée s’était envolée, il en était une autre qui brûlait dans son corps et qu’il savait attiser de si délicieuse façon. Et si au départ, elle avait juste voulu profiter un peu de cette proximité, elle avait vite perdu la maîtrise de ses gestes, de son corps qui se tendait vers lui, contre lui. Si ses mains avaient lentement glissé sur le corps musclé de son amant, il n’était lui-même pas resté indifférent et lui prodiguait bientôt des caresses qui achevèrent de mettre ses sens en feu.

Jesse se cambra dans une longue plainte quand il prit possession d’elle, et retint ses reins tandis qu’elle accordait ses mouvements aux siens, heureuse de cet instant, totalement abandonnée à ce désir réciproque qui les dévoraient. Et cette fois nul témoin gênant ne vint les empêcher d’aller jusqu’au bout. Il mena la cadence de plus en plus rapidement, jusqu’à l’extase finale qui les saisit en même temps, au sommet du plaisir, vertigineux et salvateur qui les laissa ensuite à bout de souffle, ivres de ces échanges, de cette danse endiablée, pour retomber l’un contre l’autre dans le lit, le cœur battant.

La pirate se lova alors tout contre lui, et murmura des mots d’amour que la nuit enroba d’un voile de velours, les laissant doucement récupérer de leurs ébats, avant de céder le pas à la lumière qui bientôt changerait les apparences de toute chose et bien plus encore…
Mais avant que Griffon ne soit à nouveau transformé, Jesse lui murmura encore combien elle l’aimait.

Ensuite et seulement ensuite, quand sous son nez, elle sentit que les plumes avaient remplacé la peau, elle se laissa aller dans les bras de Morphée, tandis que dehors un coq annonçait le début de la journée. Avec un sourire, elle songea qu’elle aussi allait se transformer en oiseau de nuit pour pouvoir mieux profiter de lui….. Le soleil importait peu à côté de cet homme dont la lune en possédait la clef.

57.

Jesse entendit l’appel de Griffon mais elle état si bien, et peu importait l’heure qu’il devait être, ils avaient le temps après tout. Tiens justement le temps….. Il lui fallut quelques secondes de réflexion pour se souvenir de ce qu’elle était venue faire en Arcadia. Ah oui le guide, il leur fallait un guide pour explorer le continent. Mais tout cela s’était vu perturbé par tous les derniers évènements, la rencontre de Griffon, son enlèvement par les hommes à moitié bouc, les minotaures, et cette maladie qui les avait saisi à tour de rôle…

Là elle réalisa qu’il avait tenté de la réveiller. Alors Jesse ouvrit les yeux et les écarquilla quand elle vit Xit et Goltech debout au pied de leur lit.

- M’enfin vous faites quoi là ??

Elle tira le draps sur sa poitrine, par-dessus les plumes de Griffon et jeta un œil vers les vêtements éparpillés sur le sol, regarda l’air emprunté des Taïnos et ce fut à son tour de piquer un fard monumental. Par la barbe de Neptune qu’allaient-ils penser ??

- Griffon était inquiet pour moi, il.. il a vu que j’étais malade et il a voulu me tenir chaud….et comme…..

Elle les regarda échanger un regard perplexe et s’interrompit. M’enfin ! Pourquoi se justifiait-elle ?? Elle n’avait pas de comptes à leur rendre, même si le fait qu’ils pouvaient penser qu’elle et la chimère…. Oui ça, ça la dérangeait énormément.

- Alors que faites-vous là ?? Vous ne savez pas frapper ?
- Si mais… mon capitaine, nous ne savions pas si vous étiez guérie et …et il semblerait que nous ayons un problème avec le chariot.
- Quoi ? qu’est-ce qu’il a le chariot ?
- Je crois qu’il faudrait que vous le voyiez vous-même, mon capitaine.

Jesse grommela.

- Soit, dans ce cas, laissez-moi le temps de m’habiller, allez ouste !

Elle les chassa et aussitôt qu’ils furent sortis, se tourna vers Griffon.

- Pff qu’est-ce qu’ils vont penser à présent ?...

Réalisant que sur ce terrain, Griffon pourrait mal prendre les réflexions de la pirate, elle haussa les épaules et tout en s’habillant, changea de sujet.

- Me demande ce qui se passe encore… Ce pays je te jure, tu fais pas un mètre qu’il t’arrive des embrouilles. Va falloir vite fait qu’on trouve ce guide et après….

Elle se redressa et réalisa qu’elle n’avait jamais demandé à Griffon s’il avait envie de quitter son pays.

- Bon après on verra….Allons donc voir ce chariot !

Entièrement habillée, les cheveux encore un peu en batailles, elle ajusta son chapeau, et sortit dans la cours où ils avaient laissé le chariot en question. Là ses yeux s’arrondirent de stupéfaction. Du chariot, il ne restait en fait que le socle en métal, l’arceau qui coiffait l’arrière, les pans de toiles blanches, et quelques affaires…. Tout le reste s’était volatilisé.

- Ventrebleu mais que s’est-il passé ici ?

Xit et Goltech qui attendaient, l’un ayant récupéré les deux chevaux qui passaient derrière la maison, ne purent que secouer la tête.

- Aucune idée mon capitaine… c’est comme s’il s’était volatilisé !
- En laissant tout ça ?? Mais quiiii s’amuserait à décortiquer un chariot pour n’en laisser que.. que ça ?
- Les chenilles Des boisetout

Jesse se tourna pour voir le médecin qui se tenait nonchalamment appuyé contre le chambranle de sa porte. Elle remarqua l’amusement dans son regard et le sien flamba de colère.

- Des chenilles ? C’est une blague ?
- Non pas du tout… elles viennent parfois… dévorent un ou deux trucs sur leur passage, et repartent… elles se déplacent en colonie et dévorent tout le bois en quelques minutes seulement, et puis elles repartent.
- Ah oouais, et je vais faire comment moi maintenant ??
- Il vous reste les chevaux.

Et le médecin disparut dans sa maison dans demander son reste. Il était bien content d’être débarrassé de ces étrangers et il était content de voir que les habitants des bois soient intervenus. Il penserait plus tard, à les en remercier.

58.

Ben ça, bien la première fois qu’elle entendait un truc pareil. Des bestioles qui bouffaient leur moyen de transport et la prochaine fois, ça serait quoi ? Des lucioles qui dévoreraient leurs chevaux ? Elle eut soudain comme dans l’idée que ce pays ne voulait pas d’eux. Oui enfin ça par contre, ce n’était pas une première, elle avait déjà traversé des contrées qui étaient plus qu’hostile aux étrangers, tiens comme les cannibales. Quoique l’exemple n’était pas le bon non plus, car les cannibales appréciaient beaucoup les étrangers, un peu trop du reste. Elle secoua la tête.

- Ouais les chevaux, bon merci pour tes bon soins le doc, si jamais un jour je repassais par ici et que j’avais des bobos à faire soigner, je ne manquerai pas de faire appel à toi !

La pirate lui adressa un sourire narquois. Elle n’était pas dupe. A voir la tête qu’il faisait, l’idée était loin de le réjouir. Et puis soudain sans attendre de réponse, Griffon prit son envol, ah oui lui c’était sûr, il avait l’avantage des ailes. Et là Jesse se posa brusquement la question…. Et s’il se transformait en plein vol ?? Non, c’était ridicule, ça devait être prévu non ?.... Quoique, il ne valait mieux pas trop y réfléchir. Elle observa un moment le vol du Griffon, puissant et toujours aussi impressionnant à admirer. Elle se demanda ce que ça devait faire de voir le monde d’en haut.

Mais elle gardait les pieds sur terre et fouilla dans ses poches pour jeter quelques pièces au doc, avant de le saluer d’un dernier signe.

- Xit tu prends nos affaires, sur un des chevaux, je prends l’autre avec Goltech. Prochain village, nous verrons quel moyen de transport nous conviendra le mieux.

Encore une fois elle leva les yeux au ciel, Griffon avait disparu. Lui n’avait pas vraiment besoin d’un moyen de transport, par contre…. Ça ne rendait pas la conversation aisée, surtout quand il partait ainsi. Sans doute appelé par la faim ? Elle ignorait à vrai dire pourquoi il était parti aussi vite. Quand elle le reverrait, elle lui demanderait ce qu’il préfèrerait faire pour la suite de leur voyage, en espérant qu’elle finirait par trouver ce qu’elle était venue chercher. Et c’est à ce moment qu’elle repensa à la légende de Pégase….

Elle fit le parallèle Pégase-Griffon et ses yeux brillèrent de ce fameux éclat quand elle venait d’avoir une idée. Une idée qu’elle eut tout le loisir d’approfondir pendant cette tranquille chevauchée.

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