La légende

Invité

Au sud d'Asgard, s'étend Coilltean bho buaile, "la forêt qui clôt", si dense que le voyageur serait bien imprudent de s'y aventurer seul. Pourtant s'il connaissait les sentiers cachés, une journée et demie de marche lui suffirait à atteindre le royaume d'Ynys Prydein, discrètement niché au coeur de cet enfer vert.
Ce pays, confiné sur lui même, coupé de tout contact avec le monde extérieur, a vu naitre, dans les creux de verdure de ses nombreuses collines, un peuple vénérant la nature généreuse qui s'y était développée.

Les habitants d'Ynys Prydein coulaient des jours heureux, vivant dans une parfaite harmonie avec leur environnement, jusqu'à ce jour maudit de l'accession au trône du prince Meldron. Cet homme, descendant d'une longue lignée de monarques ayant régné sur Ynys, était imbu de son propre pouvoir sur le pays, sur ses vassaux et sur leurs vies.

Dès la première année de son règne, tandis que chacune des décisions de Meldron conduisait peu à peu la verte Prydein à sa perte, le peuple, qui avait toujours eu du respect pour son dirigeant, laissa enfler envers lui colère et mécontentement, trouvant le refuge auprès de leurs guides spirituels, les druides.
Ces derniers, ayant pour vocation le respect et le culte de la Nature, source de toute vie et de toute possession des hommes, appelaient la population au calme et à la réflexion, tentant ainsi d'influencer les décisions du monarque en douceur.

Mais Meldron commit une erreur, ultime sacrilège que la communauté druidique ne put tolérer. Afin d'accroitre toujours plus son armée et son pouvoir, celui-ci ordonna la déforestation de la Coilltean, blessant irrémédiablement la Nature que vénéraient tant les druides, et fit ériger un rempart de bois autour de sa tour, nommée celle de l'Emrys, en référence à une vieille légende de l'ancien monde.
La fureur des druides fut digne des orages que Mère Nature semblait leur envoyer en punition. Ils soulevèrent une armée, recrutant chaque homme valide afin d'en gonfler les rangs et engagèrent le combat contre l'armée régulière.

Les femmes de ces nobles guerriers, également concernées par l'avenir du royaume, se tenaient à l'écart. Jusqu'à ce que l'une d'elle, du nom de Charis, prenne la tête d'un complot qui, tandis que les hommes affaiblissaient les défenses de Meldron sur les remparts, sapait les fondations même du pouvoir. De la servante à la femme bien née toutes prirent par à la lutte.

Une matin, alors que le soleil rougeoyait, la nouvelle tomba : Meldron était mort dans d'atroces souffrances au cours de la nuit, ne laissant aucun héritier. Malgré les circonstances mystérieuses de la mort du tyran, la foule des hommes se transforma en une liesse sans précédent. Ils chantèrent leur joie, dirigeant leurs pas vers la clairière abritant l'autel principal pour y remercier leur Mère Nature de leur avoir accordé la victoire.

C'est là que le complot des femmes fut découvert. Certaines d'entre elles avaient osé revêtir la blanche robe des druides, et usant d'un savoir qui leur était interdit, elles s'étaient approchées de Meldron dans l'ombre pour l'affaiblir et le tuer petit à petit. Fortes de leur succès, elles revendiquaient à présent les mêmes droits que leurs époux. Ainsi, elles désiraient avoir accès à toutes les formes de pouvoir auxquelles les hommes pouvaient prétendre, aussi bien en politique, religion que dans la vie de tous les jours.

Certains hommes, reconnaissant l'active participation des femmes à la chute du tyran, se rangèrent leur côté. Les druides consentirent alors à examiner la question et avec la contribution de Charis, ils mirent en place un nouveau régime basé sur la mixité. De plus, les druides qui ne s'étaient auparavant jamais mêlés des actions du pouvoir furent sollicités par une partie de la population. Dorénavant, le pays serait dirigé par deux conseils, le conseil des druides et le conseil du peuple, chacun des deux conseils devant se prononcer en faveur d'une décision avant qu'elle ne soit prise. Il en est toujours ainsi aujourd'hui.

Le conseil des druides compte un nombre aléatoire de membres. C'est l'accession au rang de thogadh dans la hiérarchie druidique - accordé à ceux qui ont montré leur sagesse et leur bravoure par leurs actes et leurs paroles - qui permet d'y sièger. Il est dirigé par l'Emrys, couple formé d'un druide et d'une druidesse nommés à vie parmi les thogadhs les plus sages. Lorsqu'un des deux membres de l'Emrys n'est plus en mesure d'assurer sa fonction, l'autre désigne le couple qui leur succèdera et cède également la place. C'est aujourd'hui à Ollathir et Scatha que revient l'honneur et la responsabilité de former l'Emrys.

Le conseil du peuple est composé d'un représentant à vie pour chaque corps de métier. Lorsqu'un de ses membres décède ou démissionne, c'est aux membres restants de désigner son successeur, choisi parmi les plus sages et les plus méritants du corps de métier concerné. Le conseil est dirigé par l'un de ses membres, élevé à vie au rang de monarque par ses pairs lorsque sa nomination a été également approuvée par le conseil des druides. C'était la fonction qu'occupait le sage Avallach. Son décès laisse le conseil du peuple et le royaume sans dirigeant, son successeur n'ayant pas encore été désigné.

C'est dans ce contexte politique en déséquilibre qu'Ynys Prydein oscille, les conseils ne parvenant pas à s'accorder quant au choix de leur nouveau roi.

Méléandra et Zarryiosiad