Augurae

1.

Un pied sur la table, Reptus Veronus mangeait avec grand soin son raisin. Il allait gagner une belle bataille voire toute la guerre. La disparition miraculeuse de Lucrezia Cornelia était un signe. Lui qui ne croyait pas aux Dieux allait réviser son jugement. Installé depuis plusieurs jours à Augurae il avait fait bonne figure en attendant la Grande Vestale. Mais les jours étaient passés et elle n’arrivait toujours pas. Lui qui avait craint de la voir arriver sa noble personne. Habillé d’une tunique rouge impeccable et d’une grande toge blanche dont les plis retombaient avec soin sur ses pieds, il avait tout du plus grand Sénateur qu’il était.

Depuis une semaine qu’il était là, il avait pris ses aises et obtenu du Conseil des Augures des appartements privés. Ici tout appartenait aux Religieux. Tout était commun. Des chambres aux latrines, ce qui lui déconvenait fort. Cependant après s’est entretenu avec le Conseil, il les avait avertis du défi lancé à Lucrezia et les risques dans le royaume.
Voyant combien son absence pesait sur la Cité et donc les affaires de l’Empire, les 13 Sages avaient décidé d’écouter Reptus et de lui mettre à disposition ce dont il aurait besoin.
C’était une reconnaissance rare pour un Sénateur et il savait profiter de cette aubaine. Il faisait de nombreux dons, forces prières et moult dévotions pour s’attirer la faveur de ceux qui pourraient avoir la tête de sa pire ennemie.

Depuis une semaine, donc tout allait pour le mieux. Il aurait bientôt la tête de Lucrezia. Que demander de plus que la mort de celle qui avait condamnée son fils. Elle allait simplement payer son horrible crime.
Il se leva, ajusta sa tenue et s’admira dans le miroir. Il avait l’air majestueux. Il était très beau pour son âge. Il faisait toujours tourner des têtes. Il continuait de séduire des jouvencelles. Il avait une pléthore d’enfants illégitimes. Plus qu’il ne pourrait jamais en compter. Il ne restait donc qu’à trouver une jeune épouse… Après s’être débarrassé du bébé qui lui servait de fiancée.

- Sénateur Reptus Véronus ?

Reptus se tourna lentement, relevant la tête et dans un dernier coup d’œil, vérifia que la couronne de Laurier trônait toujours sur sa tête.

- Lui-même ! Que veux-tu serviteur ?

Il reconnut de suite un aide de camp d’un Sénateur revenu dans son giron à la disparition de sa perfide ennemie.

- Noble Reptus Veronus de la maison de Veronia, Marcus Lucius de la maison des Lucii, te salue. Il te fait porter ce message urgent.

Le serviteur, courbé en deux lui tendit un pli cacheté qu’il se saisit.

- Bien. Reptus Veronus va le lire. Dispose.
- Noble Sénateur, mon maître vous fait dire qu’il souhaite connaître votre décision.
- Bien. Il va se retirer pour lire et te fera apporter la réponse.

Reptus remit sa toge en place et passa dans une autre pièce. En lisant le pli, il fronça les sourcils de mécontentement.

- ADRIEEEEEN !
- Votre grâce ?
- Lucrezia Cornélia a été retrouvée dans la matinée. Et retourne à Vestalia selon un espion. Fais préparer mes malles. Nous devons nous hâter de soulever le peuple contre celle qui défie les Augures de cette cité.

Cette fois il était sur de sa victoire définitive. Lucrezia Cornelia devait venir pour subir les épreuves d’Augurae. Si elle fuyait, elle prenait les pires risques. Mais il n’avait aucune confiance. Elle pourrait toujours manipuler le peuple. Et les gens de la Capitale étaient ceux qui l’adoraient le plus. Il devait rentrer la discréditer au plus vite. Reptus leva sa main droite, paume vers lui et conclut sa tirade.

- Avé moi.

( Suite dans le Pomerium)