Le guide

<< avant "un doc pour Griffon"

Il galérait joyeusement à la chasse, même s'il s'était un peu amélioré, et il lui fallut un bon moment pour réunir autant de proies que nécessaire pour nourrir quatre personnes.
D'abord, ces abrutis de lapins avaient tendance à bondir juste comme il tendait une serre, et c'était pas de la tarte pour en choper un. Ensuite, les piafs se faisaient la malle quand il s'approchait et il devait les courser, ce qui était fatigant, et parfois un avait l'idée de se planquer dans un creux d'arbre ou entre deux pierres, là où Griffon ne pouvait pas l'atteindre, ce qui mettait ce dernier en rogne.
Heureusement, coup de bol, il était tombé sur une andouille de chevreuil et il l'avait étalé d'un coup de patte arrière.
Ca, ca améliorait sacrément l'ordinaire!
Il lui fallut à nouveau un bon moment pour arriver à caler toutes les proies sur son dos: le chevreuil glissait sans arrêt, les lapins, même noués par les oreilles, n'étaient pas en équilibre, et les oiseaux, pire que tout, étaient impossible à accrocher par quoi que ce soit.
Quand il eut finalement réussi, il lui fallut encore plusieurs minutes pour les remettre sur son dos différemment (le chevreuil sur le dos et tous les autres entre ses pattes) parce qu'au premier coup d'aile tout s'était retrouvé par terre, et Griffon d'assez mauvaise humeur...!
Il réussit néanmoins à obtenir un équilibre qui, quoi que précaire, semblait suffisant pour revenir, ce qu'il eut toutes les peines du monde à faire parce qu'avec le temps qu'il avait mis, les autres avaient encore avancé.
Repérant une petite clairière qui semblait sympathique pas trop loin en avant, il y déposa son butin et attendit que ses compagnons le rejoignent. Oui parce qu'avec le mal qu'il s'était donné, il ne lâchait pas la barbaque des yeux, des fois que les autres termites se ramènent avec une petite faim. Ca mangeait la viande, les termites? Quoi qu'il en soit, il ne prendrait pas le risque.
Il s'éloigna à peine, le temps de ramener quelques branches pour pouvoir allumer du feu, et revint illico frétiller à côté de ses proies.
Il attendait donc impatiemment afin de présenter fièrement le produit de sa chasse, avec le sentiment d'avoir nourri sa tribu.
Son attitude de contentement était visible et il aurait fallut être aveugle pour ne pas s'apercevoir qu'en ayant tué cinq bestioles il se prenait pour le roi des chasseurs!

59.

Tandis qu’ils avançaient au gré du chemin qui serpentait dans la forêt, Jesse à plusieurs reprises repéra Griffon en plein vol. Ils finirent par l’apercevoir à travers la ligne de quelques arbres et dirigèrent les chevaux hors du sentier pour aller à sa rencontre. La pirate retrouva brusquement le sourire en voyant l’attitude de la chimère qui s’était postée à côté d’un tas de gibier, et semblait le garder pour empêcher quelconque voleur d’approcher.

Mais surtout, elle était soulagée de le retrouver, n’aimant pas le savoir loin d’elle. La pirate se laissa glisser à bas de cheval, et s’approcha.

- AAah et bien !!! Tu as chassé tout ça ?

Jesse fit une inspection rapide des proies, identifiant à quoi ils avaient affaire. Elle se tourna avec un large sourire, tandis que Goltech et Xit la rejoignaient.

- Et bien ce soir, nous allons faire un sacré bon repas. Mais priorité à Griffon pour ce magnifique butin !

Elle rit et s’approcha, se pencha et le serra dans ses bras avant de se redresser. C’était une légère marque de tendresse mais quand on connaissait la façon dont la pirate détestait d’ordinaire toute familiarité, c’est un grand pas en avant. Elle aida Xit et Goltech à alimenter le feu que Griffon avait préparé, puis ils discutèrent avec entrain tandis que Xit vidait les proies, tout en laissant la plus belle pour Griffon. Il le méritait bien.

Plus tard, tous installés autour d’un feu, Jesse fit la remarque, une cuisse de lapin à la main, rôtie à souhait.

- Hum… tu te débrouilles bien en chasseur. Je me demandais demain…. Le prochain village qu’on trouve, on va se fournir divers matériels, ceux que ces stupides chenilles nous ont bouffé… des cordes, des couvertures, de la nourriture, enfin du moins de quoi agrémenter tes chasses, des outres, et puis… et puis je me demandais, si tu préfères continuer à voyager ainsi, jusqu’à ce que nous ayons atteint l’Olympie, ou si tu préfères qu’on trouve un nouveau chariot ?

Il avait englouti sa part sans se faire prier et grattait après les os tandis que les humains finissaient leur repas, écoutant la conversation sans y participer: il avait faim, il avait à manger, pas question de babiller!

- Quoi? Olympie?

Griffon était surpris d'apprendre qu'ils se rendaient là-bas, et à vrai dire pas certain que ce soit une excellente idée de s'approcher du Mont des dieux...

- Moi ça m'est égal, c'est plutôt vous, si c'est pour transporter le matériel et pas fatiguer les chevaux, si vous avez froid, moi je suis en pleine forme...

Il le prouva sur le champ en baillant à s'en démettre la mâchoire.
En fait, il était fatigué d'avoir couru derrière ces lapins et ces oiseaux et il profita de la proximité du feu pour s'étendre de tout son long à côté.
Il posa sa tête contre les genoux de la pirate et se mit à ronronner faiblement, bercé par le bourdonnement de la conversation.
Il avait chaud, il avait bien mangé, Jesse avait posé sa main dans ses plumes et les ébouriffait machinalement...
En conclusion, il était bien et il glissa lentement dans le sommeil, ignorant que cette fois, son sommeil n'amènerait pas la transformation espérée

60-

Jesse fit une petite grimace imperceptible. Elle ignorait comment elle devait prendre le comportement du Griffon qui se montrait soudain, indifférent ? indépendant ? Elle fut rassurée en le voyant se coucher contre ses genoux pour poser sa tête contre elle. Et c’est ainsi qu’il s’endormit tandis qu’elle réfléchissait au lendemain, à ses projets, à ses idées.

La pirate s’apprêtait à s’allonger de même contre Griffon pour s’endormir quand soudain un bruit, un tressaillement d’un buis non loin la fit se redresser. Ils n’étaient plus seuls et cette fois, après la rencontre avec les centaures, et celles avec les chenilles voraces, Jesse fut aussitôt sur le qui-vive. Sur quoi allaient-ils bien pouvoir encore tomber dans ce pays étrange ?

Soudain un grognement étouffé la fit se saisir de son pistolet qu’elle pointa en direction du buisson suspect. Le déclic du chien se fit nettement entendre tandis que Jesse élevait la voix.

- Qui va là ? Montrez-vous où je tire !

Les branches s’agitèrent et soudain un homme s’approcha du feu, quelque peu hésitant. Jesse découvrit stupéfaite un homme d’une cinquantaine d’année, souffrant quelque peu d’embonpoint mais dont les vêtements de ligne noble étaient en un drôle d'état.

- Veuillez m’excuser ma dame. Je ne voulais pas ..vous effrayer.

Jesse fit une grimace, l’idée était ridicule.

- Vous ne m’avez pas effrayé, mais il est plutôt dangereux d’approcher un groupe armé, de la façon dont vous venez de le faire. Qui êtes- vous et que voulez-vous ??

Elle le vit jeter un regard intrigué à Griffon, glisser un regard sur les reliefs du repas et revenir à elle. Il semblait quelque peu mal à l’aise. Et Jesse crut lire de la faim dans son regard.

- Oui , j’aurai du commencer par là. Je suis le professeur Barossa, Lucio Barossa.

Jesse qui avait noté le léger accent, s’étonna :
- Vous êtes espagnol ?

Ce fut au tour du professeur d’être surpris.
- Oui, tout à fait !! Vous connaissez mon pays ?
- Bien sûr, j’y ai fait pas mal d’escales, il y a longtemps.
- Oh ça c’est incroyable, s’exclama le professeur en s’avançant, oubliant qu’elle pointait un pistolet sur lui.
- Hey doucement. Vous ne m’avez pas dit ce que vous faites dans le coin.
- C’est que…euh…*nouveau regard vers le feu et les restes de nourriture* Je voyageais en direction d’Olympia quand j’ai été attaqué par des voleurs. Ils m’ont hélas tout pris ! Je n’ai plus rien sur moi et… je dois avouer que je meure de faim.
- Je vois, marmonna Jesse en baissant son pistolet. Je vous en prie, approchez, il ne reste pas grand-chose, mais vous pouvez vous servir.

Griffon s'était réveillé soudain, frappé à la tête par quelque voleur qu'il était tout prêt à déchirer de ses griffes quand il comprit que c'était simplement sa tête qui avait percuté le sol, parce que la pirate s'était levée.
Pointant son bec dans la même direction que le regard du reste du groupe, il aperçut celui qui avait causé cette agitation.
Un pauvre type désarmé?
On l'avait tiré du "lit" en sursaut pour ça?
Poussant un soupir à fendre l'âme, Griffon se rallongea un peu plus près du feu, jetant de temps à autre au nouveau venu des regards peu amènes tandis qu'il dévorait les restes de leur repas. De SA chasse!
L'Espagnol le regardait aussi et Griffon marmonna tout bas à l'intention de Jesse

- Je l'aime pas, ce type. J'aime pas comme il me regarde.

Il se remit à dévisager l'importun de ses yeux d'or.
En plus, il était maniéré comme s'il n'avait jamais mangé avec ses doigts de sa vie, celui-là...
Il était Spagnol, c'était très bien, sûrement un très beau pays la Spagnie, mais Griffon aurait bien voulu pouvoir dormir sans craindre d'être égorgé dans la nuit.
Ou enlevé? Si ça se trouvait, c'était une chasseur de primes qui faisait semblant d'avoir été dépouillé pour s'attirer leur sympathie et en profiter ensuite!
Battant furieusement le sol de sa queue en signe de mécontentement, Griffon se laissa pourtant progressivement aux récits de l'inconnu et finit par sombrer à nouveau dans le sommeil.

Son repos fut tout sauf réparateur, troublé par d'étranges rêves où un petit nabot le pourchassait en criant qu'il devait devenir professeur sous peine d'être changé en beefsteak parce qu'il était pas gnol.
Il se réveilla (encore!) en sursaut et chercha la chaleur du corps de la pirate contre le sien mais ne trouva que le vide.
Affolé, il commença à la chercher, peut-être qu'elle avait eu froid et qu'elle s'était couchée sous les braises? Il les retourna une par une sans résultat, souleva Xit puis Goltech, quelques pierres, mais elle était introuvable.
Cette fois il en était sûr, c'était le vilain Spagnol qui l'avait enlevée! Il n'était pas chasseur de prime mais marchand d'esclaves!
Furieux, Griffon se lança à sa poursuite, mais le traitre avait semé des embûches sur le chemin et Griffon tomba la tête la première dans un puit sans fond, il tombait tombait tombait... Ce fut à cet instant qu'il se réveilla à nouveau, en sueur, haletant, mais couché contre la pirate qu'il avait emmitouflée comme à son habitude dans une couverture de plumes.
L'horizon rosissait à peine et il blottit sa tête dans les bras de Jesse, refermant les yeux pour oublier les chimères de la nuit

61.

Jesse ne dit rien au commentaire de Griffon, se contentant d’observer l’homme et ses réactions. Visiblement il paraissait surpris d’entendre Griffon s’exprimer comme n’importe quel être humain, aussi surpris qu’elle l’avait été la première fois qu’elle l’avait entendu. Un léger sourire affleura au coin de ses lèvres mais, elle ne relâcha pas pour autant sa vigilance.
Pourtant si ce professeur était surpris, il ne s’en arrêta pas moins de manger avec appétit, ce qui lui rappela aussi l’épisode au marché. Peut-être était-ce pourquoi Griffon ne l’aimait pas. S’ils avaient à partager un autre repas avec leur « invité » il aurait donc plus de gibier à ramener.

Encore une fois Jesse sourit et regarda Griffon s’installer pour la nuit. Ce qui lui fit penser que s’il se transformerait à nouveau, voilà qui ne manquerait pas de surprendre plus encore le professeur. En quelque part l’idée que cette sorte de secret soit découvert par un autre ne lui plaisait pas trop. Et tandis que Barossa engloutissait le reste d’un lapin, Jesse réfléchit à la manière de protéger le griffon. Après tout, elle ignorait encore tout des intentions de cet homme…

- Que faites-vous dans le coin ? Avant que vous ne tombiez sur ces voleurs ?
- Oh je visitais tout simplement.
- Vous visitiez ?
- Oui… je suis professeur en histoire, enfin je l’étais. J’accompagnais le capitaine Felipe Cortes quand…enfin c’est une très longue histoire. Mais disons que.. si mon capitaine a préféré rentrer au pays, j’ai quant à moi, préféré saisir l’opportunité qui se présentait.
- Une opportunité ?
- Oui… un nouveau monde qui m’ouvrait ses bras, je ne pouvais pas repartir sans l’avoir visité de long en large. Et je dois vous dire, madame… que pas un instant je n’ai regretté mon choix depuis que je parcours Liberty Human.

Jesse plissa les yeux, observant le bonhomme. Il était espagnol, c’était indéniable à son accent, ce qui voulait dire que…

- Vous êtes donc un « voyageur** »?

L’homme cessa de mastiquer le bout de viande qu’il venait d’arracher à un os pour dévisager à son tour, la pirate avec un sourire curieux.

- Hmm je vois que j’ai affaire à une connaisseuse.
- Mouais, disons que j’ai déjà pas mal bourlingué… du moins avant la nouvelle aube.
- Je comprends, et ce serait un plaisir d’échanger plus encore avec vous… madame..

Jesse fit la grimace. S’il l’appelait encore une fois madame, c’est lui qu’elle allait faire rôtir sur le feu.

- Lady Sparrow, capitaine Lady Sparrow, ajouta-t-elle avec une note de fierté.
- Oh une capitaine ? voyez-vous ça ?

Goltech et Xit écoutaient la conversation non sans échanger des regards amusés. Il semblait bien curieux leur mystérieux visiteur.
Barossa se rappela soudain qu’il manquait sans doute d’éducation en se montrant par trop curieux.

- Veuillez m’excuser milady, je manque à tous mes devoirs. Je voulais donc vous remercier pour votre générosité, et je ne voudrai pas vous ennuyer plus longtemps. Il faudrait que je trouve le moyen de rallier Arcadie, j’aimerai rendre visite à la reine Lyra. Enfin il me faut d’abord trouver un cheval et..
- Les routes ne sont guères sûres pour un voyageur seul.

Jesse avait soudain eu une idée, une idée qu’elle brûlait de vérifier…. Mais il fallait pour ça que ce professeur trop bavard accepte de rester un peu.

- Nous devions aller en direction d’Olympia mais.. nous pourrions ensuite aller en direction d’Arcadie, la capitale. Vous pourriez voyager avec nous, là c’est sûr que vous ne risqueriez rien. Nous avons déjà eu affaire à une bande de voleurs, mais ils ne nous ont pas embêté longtemps.

La pirate lui adressa un large sourire puis lui proposa donc de passer du moins la nuit autour du feu avec eux. Ils aviseraient le lendemain. Ce que le professeur accepta. Ce qu’il n’avait osé demander se voyait spontanément offert par la capitaine. Ah voilà qui lui ouvrait de nouvelles perspectives et surtout, ne plus faire le chemin tout seul. Il avait eu une trouille bleue en face de ces voleurs.

Et tandis qu’il s’allongeait à son tour, Jesse saisit sa boussole, attendit que l’aiguille se stabilisa et sourit, avant de la refermer et de s’allonger à son tour, tout contre Griffon, faisant mur entre lui et le professeur… Même si son instinct lui soufflait que l’homme ne leur chercherait pas d’ennuis.

Mais cette nuit là, Griffon ne se transforma pas. Jesse se redressa une fois les premières lueurs du jour éclairant le ciel, Griffon déjà réveillé à ses côtés. Elle s’assit et se frotta la nuque, faisant des grimaces pour chasser les dernières poussières de sommeil. Le professeur était toujours endormi et Griffon le regardait.

- Bonjour Griffon, bien dormi? .. hum.. … nous allons voyager ensembles avec le professeur.

La pirate se leva et lui proposa d’aller marcher un peu pas très loin, juste pour pouvoir parler seul à seul avec Griffon.

- Il a l’air d’en connaître un rayon sur Liberty Human. Je crois bien que j’ai trouvé le guide que je cherchais. Il me faudrait encore le vérifier, mais c’est l’occasion ou jamais.

Jesse lui sourit, contente de son idée. Et puis la boussole le lui avait confirmé cette nuit. Elle semblait avoir touché au but de ce voyage. Du moins le premier objectif qu’elle s’était fixé.

- Bonjour Griffon, bien dormi? .. hum.. … nous allons voyager ensembles avec le professeur.

Géniaaaaaal... Alors ça, c'était LA nouvelle de la journée... Il allait devoir voyager avec cet espèce de bon à rien qui baffrait comme s'il n'avait pas à chasser ce qu'il mangeait.
Et pour cause, c'était Griffon qui avait chassé pour lui!

Il se leva, jetant à la pirate un regard lourd de reproches
Mais pourquoiiiiiii, pourquoiiiiiiiiii lui faisait-elle ça?

Griffon tourna en rond quelques temps puis revint se coucher auprès des cendres froides en poussant un soupir à fendre l'âme, arborant un air de martyr
Il se sentait étrange, de mauvais poil, déçu, comme s'il avait attendu quelque chose, mais il ignorait quoi exactement
Et puis il avait faim, très faim, mais aucune intention de s'esquinter pour nourrir une feignasse
Non mais!
Du coup, il avait toujours faim et se sentait grognon
Il finit par aller couiner auprès de la pirate, la regardant avec de grands yeux suppliants et lui sautant dans les jambes avec toutes les démonstrations de joie qu'on pouvait espérer d'un ventre à pattes dès qu'elle se décida à s'équiper pour la chasse.
Il l'avait suivie en gambadant, ravi, et avait effectué une marche triomphale pour leur retour.

Le repas fut promptement préparé, surtout que Griffon tournait autour du foyer en poussant des piaulements plaintifs et qu'il avait réussi à leur faire comprendre qu'il était inutile de faire cuire davantage sa part.
Il avait donc pu attaquer sa viande, et une fois le ventre plein, il s'était senti de nettement meilleure humeur, presque prêt à supporter leur invité surprise.
Ensuite, il s'était vautré contre la pirate pour digérer, présentant son cou pour se faire caresser, ronronnant de contentement.

Il s'était levé quand on avait parlé de départ, sans rechigner, et avait volé auprès de ses compagnons, écoutant d'une oreille distraite un récit du Spagnol, pendant qu'il était en réalité à l'affut d'un petit en-cas qui aurait la bonne idée de passer à proximité
Il avait bien une drôle de sensation, comme si quelque chose clochait.
Mais quoi?

62.

Ils avançaient lentement, Jesse retenant son cheval par la bride et marchant aux côtés du professeur. Là-haut Griffon avait pris son envol et semblait veiller de loin sur eux. Ils avaient pris un repas plus tôt dans la journée et là s’étaient mis en route pour virer lentement vers l’est, ce qui contrariait quelque peu Jesse qui elle, avait toujours l’intention de se diriger vers les monts Olympes, puisque c’était là qu’elle pourrait le voir, l’animal de légende.

Mais il lui fallait aborder la question en douceur avec le professeur, pour espérer obtenir son aide. Il ne lui faudrait pas le brusquer et surtout, il faudrait qu’il consente à devenir son guide attitré, mais cela, c’était certain, ne se ferait pas en un jour. De plus vu la réaction de Griffon ce matin, la présence du professeur ne semblait pas lui plaire. Elle soupira, avant de se tourner vers le professeur.

- Vous me disiez hier que vous souhaitiez vous rendre à Arcadia afin de parler à la reine. Un message particulier à lui remettre ? Je dois dire que j’ai été si longtemps absente que je ne suis plus du tout au courant de ce qui se passe ici et là. Mais de toute évidence, vous avez l’air d’en savoir plus que moi.
- Et bien, à force de me promener à droite et à gauche, on en apprend des choses, c’est certain. Mais non pas de message particulier pour la reine. Il se trouve que je souhaitai juste la rencontrer pour comme vous dites, me tenir au courant des évènements, et lui présenter mes hommages. Je n’y manquerai pour rien au monde.
- Oh je vois.

Jesse se plongea à nouveau dans d’intenses réflexions. Donc il n’avait rien à faire de particulier à Arcadia, il voyageait beaucoup, il connaissait un tas de chose sur tout, il aimait en apprendre d’avantage, et … il voulait aller présenter ses hommages à la reine. Donc…. Celle-ci ne l’attendait pas vraiment. Donc..

- Un souci, Milady ?
- Euh non non, enfin……. Si… disons que j’aurais aimé me rendre aux Monts Olympe avant d’aller à la capitale.
- Les monts Olympe dites-vous ? Et qu’est-ce qui peut bien vous attendre là-bas ?

La pirate le dévisagea un instant avec une expression indéfinissable, puis lâcha..

- Pégase..
- Pégase ? vous voulez parler de..
- Du cheval ailé oui… On m’a évoqué sa présence dans cette région.
- Ah oui je vois mais…. La région comme vous l’avez-vous-même constaté, n’est pas du tout sûre ! On y fait d’étranges rencontres…
- Je ne vous l’fais pas dire… Enfin je ne dis pas ça pour vous bien sûr.

Jesse rit légèrement et lui évoqua cette histoire de chenilles bouffeuses de bois, ce qui amusa fort le professeur qui en avait effectivement déjà entendu parler. Il aurait du reste bien aimé les voir à l’œuvre. La pirate aussi, mais elle, y aurait mis le feu sans attendre de les laisser terminer leur repas à ces bestioles.

- Hum je vois. Donc vous n’êtes pas du genre à vous laisser impressionner par ce genre de …rencontres. Du reste j’ai été très surpris de vous voir voyager en compagnie de ce griffon. Il vous suit depuis longtemps ?

Jesse sourit, la façon de présenter du professeur était si loin de la vérité.

- En effet, je ne crains pas les rencontres étranges, je ne crains pas grand-chose à vrai dire..
Petit haussement de sourcil du professeur…

- Quant à Griffon, …. Notre rencontre a été providentielle, on va dire… Mais peut-être qu’il aura envie de vous raconter lui-même son histoire. Oh tenez, ajouta-t-elle en désignant les premiers toits d’un village qu’on apercevait au loin. Vous allez pouvoir acheter un cheval, ça sera plus pratique pour voyager, et peut-être que vous aurez l’occasion de lui poser vous-même la question.
- Moi-même ?
- Oui, …. Euh le lui demander à lui, à Griffon. Euh.. par contre j’ignore s’il vous répondra.

Le professeur ralentit tandis que la pirate avançait avec plus d’élan. Elle espérait bien pouvoir trouver quelques boutiques et quincailleries dans ce village. Sinon à défaut, elle se servirait chez un paysan ou l’autre. Car après tout, quand elle avait besoin de quelque chose, elle n’avait pas à demander de permission…. Ce qui lui donna une autre idée…

63.

Finalement ils réussirent à se procurer assez rapidement ce qu’elle souhaitait, un nouvel attelage qu’ils louèrent au maréchal ferrant du coin, ainsi qu’une chariote qui ne payait pas de mine mais qui les emmèneraient tous les quatre ou tous les cinq quand Griffon désirerait faire une pause. Ils achetèrent vin, rhum et eau, puis quelques vivres et en dernier, la pirate se procura une longe, ainsi qu’un harnachement léger. Bon du coup, ils entamaient sévèrement dans l’argent qu’elle avait emporté, mais bon de toute façon, une fois ce nouvel objectif atteint, elle trouverait un moyen de se refaire un peu.

En attendant elle était impatiente de mettre la main sur cet étalon de légende, se moquant bien de toutes les remarques du professeur qui ne manquait pas de lui prodiguer des recommandations de prudence. Et finalement renonça.

- Vous auriez pu économiser quelques pièces en évitant d’acheter ce matériel, dit-il désignant l’harnachement qu’elle tenait en main.
- Je ne suis guère économe de toute façon, et je préfère prévenir que guérir. Qui sait ? Peut-être que ce cheval n’a pas encore trouvé maître digne de lui.

Le professeur rit, il avait déjà remarqué que la pirate ne craignait rien et son assurance qui frisait parfois l’arrogance. Mais là il choisit de prendre cette dernière réplique comme une plaisanterie grossière. Il connaissait la légende du cheval ailé, et il savait que nul n’avais jamais réussi à l’approcher jusque là excepté… quelques rares exceptions. Mais la pirate n’était pas de taille à affronter la bête. De toute façon, il avait déjà compris qu’elle ne renoncerait pas sur un simple avis de sa part, et puis il était curieux de voir comment elle allait procéder.

C’est donc très volontiers qu’il dévia de son but initial, proposant même de la guider sur les chemins menant à Olympia, la cité des dieux, ou du moins les terres qui s’étalaient au pied du mont Olympe. Parce que grimper là-haut, pour lui il en était hors de question.

Après avoir pris la nuit dans une des auberges du coin, ils décidèrent de se lever aux aurores pour prendre aussitôt la direction du mont Olympe. Quand ils arrivèrent en vue de l’impressionnante montagne, Jesse s’étonna qu’on l’appelât mont, vu la taille. C’était un puissant pic rocheux dont l’envergure devait faire la taille d’une ville et qui semblait surgir du sol pour tenter de toucher le ciel.
Elle toucha le bras de Xit pour qu’il ralentisse le chariot et se pencha pour tenter de voir les sommets de cette montagne unique en plein milieu de cette plaine.

- Je vois ! Et il va falloir grimper là-haut ??
- Ah non non ! Sans moi là mais…. Je vous rassure Milady, une légende dit qu’il aime venir paître dans les pâturages au pied de la montagne, ceux qui sont les premiers touchés par Hélios que l’herbe y serait meilleure.
- Hélios ?
- Le soleil…. Ses premiers rayons, il suffit de prendre à l’est.
- Ça va ! je sais encore où le soleil se lève !

Et ils prirent un peu plus à l’est.

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