Pic de Dantes

La vague de feu est si violente et surprenante que je ne peux m'empêcher de me pousser précipitamment, m'éloignant d'un bon mètre, tout en fronçant les sourcils de rage. M'aurait-elle ainsi agressé tandis que je possédais mes pleins pouvoirs, et je l'aurai écartelée sur place.

Mais à son regard très surpris, je vois qu'elle ne comprends pas. Mon regard glisse alors vers l'objet qu'elle a récupéré. Il n'y a donc aucun doute.

Je la fixe du regard. Pour détourner son attention de ma réaction, la faire réagir sur un autre domaine. Vite. Et je sais quel sujet peut la mettre très en colère et hors d'elle, au point qu'elle pourrait, au moins pendant deux jours, ne plus penser à cet incident où j'ai perdu de mon habituel contrôle de moi. Mais j'ai été surpris.

Après-demain soir ? C'est bien. Et moins bien. J'avais entendu vanté les mérites de ce bateau. Je suis un peu déçu qu'il n'aille pas plus vite qu'une vulgaire barque de pêche. Pourtant, pourtant... On dit qu'il pourrait se trouver de l'autre côté du monde en moins d'une nuit. On dit aussi que pour réussir un tel exploit, il lui faut un véritable capitaine à la barre. Est-ce une légende ?

Ma question reste ouverte. Elle peut comprendre que je remets en cause son bateau, ou ses propres compétences... M'est avis qu'elle va exploser.

94.

En combattante chevronnée, elle n’aurait pu manquer de remarquer la vive réaction du naufragé et le regard vers le sabre de Saladin. L’avait-il reconnu ? En tout cas, il avait réagi comme quelqu’un qu’elle aurait attaqué. Alors oui elle fut surprise, mais le discours qu’il lui tint ensuite, empêcha toute question sur cette attitude. Quand il referma sa bouche, elle n’eut qu’une envie, le balancer à la flotte. Cependant il y avait ses menaces et plus elle le découvrait, plus elle comprenait qu’elle n’avait pas affaire à quelqu’un d’ordinaire. Un exilé oui, mais il y avait autre chose. Cette misérable tentative pour noyer le poisson, ne fit que renforcer cette impression.
Cependant, il ne serait pas dit qu’on puisse l’insulter, et pire insulter son navire sans en être aussitôt puni.

- Vous avez entendu parler des mérites de ce navire ? Voyez-vous ça ! Plutôt surprenant, vu qu’il n’a plus navigué depuis dix longues années. Quant à sa vitesse, si vous pensez aller plus vite dans une barque de pêche, je peux vous laisser en faire l’expérience. Une chaloupe, des rames, du pain sec et un peu d’eau, cela devrait suffire à vous faire ravaler votre langue !

Jesse se tourna vers les Taïnos pour les prendre à témoin.

- Mon navire est le plus rapide, mais surtout le plus puissant des navires de ce monde. Ne remettez plus jamais en cause, ni les capacités de ce navire, ni les miennes. J’aurai du vous laisser crever en pleine mer, plutôt que de vous porter secours.

Et comme pour approuver, Parangon qui était hors de lui, fit brusquement et violemment tanguer le navire à tribord, jetant quelques hommes sur le plancher, tandis que Jesse qui avait senti ses intentions, se retint rapidement à la lisse. Il contrebalança aussitôt à bâbord, remontant en même temps une lame qui aurait fait perdre l’équilibre au meilleur des marins. Puis il se laissa tomber avec force dans le creux de la vague, secouant tous les hommes à bord.

Ayant peu le pied marin, surpris par le brusque mouvement du navire, j'avais nécessairement moins de chance que les marins de m'en sortir. Je finis donc au sol, sur le pont, sous le regard goguenard du capitaine et des membres d'équipage qui ne purent s'empêcher de clamer leur joie à cette réaction du bateau.

Par tous les Démons et ce Maudit Sage ! Quelle était donc la nature de ce navire, pour qu'il puisse réagir ainsi à ma provocation et surtout à la colère de la capitaine ? Je commençais à mieux comprendre les étrangetés depuis que j'étais ici : pas de rats à bord, un bateau d'une propreté irréprochable, le fait que la capitaine soit informée de la présence d'Invisible... Décidément, cette capitaine cachait bien son jeu. Quand j'avais appris que ce bouffon de Sage l'avait désignée pour aller chasser les Démons que j'avais invoqués, je m'en serai rouler au sol de rire. Mais maintenant, avec cette arme malfaisante et ce que je découvrais peu à peu, je commençais à croire qu'elle avait quelque chose, même s'il faudrait qu'elle fasse preuve de beaucoup de qualités pour vaincre les 9 cercles de Démons que j'avais invoqués...

Sans un mot, je me redresse, m’époussette.

-"Bravo. Belle démonstration. Mais totalement inefficace. Nous n'avons pas bougé d'un seul mètre. Menez-moi à ma destination en moins d'une journée, et alors, capitaine, vous pourrez dire que vous m'avez impressionné."

Je tape alors du pied sur le pont.

-"Et c'est valable pour toi."

95.

* Je n'irai pas plus loin, tant que cet homme restera à bord!*

Naturellement, il n'avait pas eu besoin de partager ses pensées qu'elle avait deviné à quel point les remarques du naufragé, avaient énervé Parangon. Et combien cette colère était partagée.

Sans parler du fait qu'il semblait avoir compris la nature du navire. Dans ce cas, il n'était plus utile de jouer au chat et à la souris.
Chaque homme d'équipage perçut aussitôt le changement, et comprit ce qui s'était passé. Quand le White Star défiant toutes les lois de la nature et des courants marins, se figea sur place. La réponse au naufragé était évidente:

- Parfait!! Nous voilà immobilisés par votre faute! Alors si vous souhaitez arriver rapidement à bon port, je vous laisse réfléchir à un discours plus adapté à me faire entendre, sans que vous ne remettiez en cause, mes capacités et celles de mon navire.
C'est à vous de voir.

Pourquoi ne suis-je pas surpris ? Le déni. Vous vivez dans le déni. Le déni de justice. Le déni de responsabilité. Le déni du droit. Et maintenant, plutôt que démontrer ce que vous prétendez, vous vous réfugiez une fois de plus dans le déni. C'est tellement plus facile. Et si peu digne de vous. A moins que non. En tant qu'amie du soi-disant Sage, sans doute faut-il que je ne m'étonne pas de cette réaction du déni enfantin. Finalement, vous ne me décevez même pas.

Puis, je fais demi-tour et me dirige vers ma cabine.

Reste à savoir maintenant jusqu'à quelles souffrances vous êtes prête à mener votre équipage dans votre entêtement à ne pas faire une chose pourtant si simple... Ma nature me permet de me passer des futilités et impératifs humains longtemps. Et vous ?

96.

Bon là, il l’avait énervée et au diable tous les malheurs dont il avait l’intention de.. de quoi en fait ? Rien du tout, depuis le départ, il n’avait que menacer, et jouer d’atouts dont elle était de moins en moins sûre qu’il possédât. Et puis énervée comme elle l’était, il pouvait bien lui envoyer ses malédictions à la con, elle n’en avait plus rien à foutre.

- XIiiiiit !!! qu’on mette immédiatement un canot à la mer !

Elle regarda l’autre avec un air qui était prêt à en découdre.

- Un canot mon capitaine ?
- Ouais, donnez-lui celui qui est en réparation.
- Mais…. Justement… Les charpentiers n’ont pas terminé.
- Aucune importance ! Monsieur ici présent aura tout le loisir de tester la solidité de cette coque de noix et d’ensuite regretter mon hospitalité. EXECUTION!!! hurlat-elle encore

Puis à l’exilé :

- La côte ne doit pas être très loin, à vue de nez, un bon rameur pourrait l’atteindre en ..hum… quelques heures, à condition que le canot tienne le coup bien sûr !

Elle se recula tandis qu’on hissait le canot par-dessus la lisse pour le laisser descendre lentement dans l’eau. Une fois qu’il fut à la mer, les taïnos ne constatèrent pour le moment aucune voie d’eau.

- Bien, votre bateau est avancé, MOnsieuur ! Si vous voulez bien vous donner la peine, ou dois-je vous forcer à débarquer ?

Je m'arrête.

Lentement, je me retourne, me dirige vers la bastingage, sans un mot, pour regarder la barque.

Puis, je lui fais face, avec ce sourire que beaucoup auraient fui en Orkhôn.

Et maintenant, on perd ses moyens. Pourquoi ne suis-je ni surpris et encore moins déçu. Dès le moment où j'ai compris que vous fricotiez avec le Sage, je savais à quoi m'en tenir à votre sujet. Le Sage ne s'entoure pas des meilleurs, et ce pour éviter d'affronter une quelconque concurrence qui pourrait menacer son rang et le rôle qu'il se donne.

Puis, je passe le bastingage et me laisse descendre dans la barque. Avant même qu'ils aient eu le temps de larguer ou reprendre les cordes, je sors mes griffes et les coupe d'un geste sec.

Ce qui est amusant, Capitaine, c'est que dans votre colère, vous avez oublié de considérer ce que j'aurai pu vous apprendre concernant les Démons que vous chassez. Je vous ai dit que j'avais voyagé avec eux. Sans doute ai-je oublié d'autres détails intéressants. Mais vous les découvrirez, votre équipage les découvrira. Je suis sûr que l'idée d'affronter des Démons provenant des neuf Cercles les amuse d'avance. Mais je comprends que vous... cela ne vous inquiète guère. Vous êtes venue chercher une arme qui vous garantit la survie. Euh, ce ne sont que vos esclaves à bord, même si vous leur faites croire autre chose. Donc, vous avez une chance de survivre. Eux, aucune. C'est là encore la vision d'une Servante du Sage. Je ne suis donc pas surpris. S'ils ont quelque intelligence, ils le comprendront pendant le voyage et prendront les décisions qui s'imposent pour regagner leur liberté. S'ils n'ont pas la force ni le courage de le faire, alors ils mériteront la mort que les Démons leur donneront : lente et douloureuse, sans certitude que leur âme s'en sorte. Ah, mais j'oubliais... Sans doute n'aviez-vous pas l'intention de leur révéler ces détails.

J'ai parlé assez fort pour que les marins m'entendent. Puis, je jette les rames à la mer et reste debout, tournant le dos au bateau. Un frôlement dans l'air me conforte dans mon idée. Je murmure :

Invisible, installes-toi sur l'arrière de cette embarcation et bats avec tes ailes pour nous faire gagner ce rocher. Je veux aller étudier moi-même ce que cette femme y a découvert.

Et lentement au début, puis de plus en plus vite, la barque se dirige vers le Pic de Dante.

Évidemment, dès que nous sommes hors de portée d'écoute de l'équipage, Invisible se met à me casser les oreilles avec ses récriminations sur le caractère dégradant de la tâche que je lui ai confiée.

Alors, je lui réponds et lui confie mon ordre suivant.

Cela le calme rapidement et je sens même qu'il bat un peu plus vite des ailes. Sans doute l'excitation.

Ils sont tellement manipulables, ces petits Démons.

97.

Si Jesse avait été énervée par l’arrogance de cet odieux personnage, elle le fut encore plus en le voyant faire son grand numéro et proférer de nouvelles malédictions à leur encontre.

- Va au diable !!!!! hurla-t-elle, tandis que le canot s’éloignait.

Quand elle constata qu’il prenait la direction du rocher, elle plissa les sourcils.

- Je vois, je lui propose de m’accompagner, il refuse, mais par contre monsieur préfère aller tout seul. Et bien non !
- Qu’allez-vous faire ?
- Le suivre…. Je crois que ce chevalier qui réside dans ce pic rocheux, ne mérite pas qu’on le laisse se débrouiller avec cet…..cet abruti !!
- Vous devriez vous méfier !! Cet homme est dangereux, j’ignore qui il est vraiment mais il semble maîtriser la magie.

Jesse se tourna vers le professeur, surprise de le voir prononcer ce mot.

- Mouais… quelque chose comme ça.

En tout cas, il en savait trop au sujet de ces démons…. Ce qui lui donna brusquement une idée.

- Parangon ?
- Oui ?
- Saurais-tu faire venir le Sage ?
- Je l’ignore….
- Alors essaie donc je te prie. Il a quelques explications à me donner je crois.
- Capitaine que fait-on ? lui demanda Yao

Jesse se tourna pour regarder son second et les autres Taïnos qui attendaient, la peur visible sur leurs traits.

- Personne d’entre vous n’aura à affronter ces démons. J’ai reçu seule cette mission, je la mènerai seule. Vous n’aurez pas à les approcher. Pour qui me prend-il, cet imbécile ? Il ignore qui je suis, il ignore qui vous êtes, il ignore tout et profère son jugement en aveugle !
- Nous le savons bien, mon capitaine. Mais nous ne pouvons pas vous laisser aller affronter seul ces…démons.
- Je ne serai pas seule ! Je possède le meilleure navire qui soit, et une arme qui semble drôlement efficace..

La pirate eut un sourire en coin, en regardant le canot s’éloigner.

- Bon vous attendez quoi pour mettre une chaloupe à la mer ???

Maintenant que tes récriminations se sont terminées, expliques-moi donc ce qui s'est passé.

Invisible me raconta alors ce à quoi il avait assisté. Mais malgré son discours, j''étais incapable de me rappeler quoique ce soit à ce sujet. Ainsi donc, il fallait qu'il y ait des secrets qui soient cachés au Seigneur Sombre, mon père. Des secrets, en revanche, connus du Sage. J'avais senti la morsure de l'arme que la pirate avait rapporté de ce lieu. Rien que pour ça, je devais savoir de quoi il retournait. Je l'avais poussé dans ses retranchements que dans l'attente de ce résultat : qu'elle me force à débarquer.

Simplement, je n'avais pas prévu qu'elle me suivrait. Faut-il que le Secret soit si important qu'elle veuille le protéger de moi ? Sans doute pense-t-elle que je mettrais du temps à rechercher le mécanisme, comme elle l'a fait. Mais elle ignore que Invisible l'avait observée. Il lui sera bien difficile de me rattraper.

Et puis, ce contretemps n'est pas si fâcheux. Le vieux templier sera ma première source de sang. Les marins qui rament en ce moment pour amener leur capitaine me serviront de complément. Je n'avais pas l'intention de me révéler ici et maintenant, mais après tout. Que la Gardienne me repère dans un lieu où est tapi un Secret du Sage, voilà qui servira ma grande œuvre de déception.

En définitive, les choses sont à mon avantage, à condition que je garde l'initiative, car la capitaine doit porter son sabre trouvé ici et contre cette arme, je serai bien faible, je le sens. Je devrais donc éviter l'affrontement.

Je donne de nouvelles consignes à Invisible, qui ne va pas s'en plaindre, puisqu'il va pouvoir s'y prendre plus tôt que prévu. Tandis qu'il manœuvre pour faire entrer la barque dans le repère, il me répète les séquences nécessaires pour mettre en œuvre le mécanisme.

Puis, il part se mettre à poste pour la prochaine mission que je lui ai donnée.

Tourner le mécanisme, puis monter l'escalier, et enfin frapper le code à la porte, tout cela avait été jeu d'enfant.

Je m'apprêtais à voir arriver ce fameux combattant, mais il n'en fut rien. Alors que je remontais avec précaution les couloirs, j'entendis un bruit sur ma gauche. Moins qu'être le fils du Seigneur Sombre, mes origines plus sombres encore me dotaient d'un ouïe particulièrement développé. Ce petit bruit, presque régulier, faisait penser à celui de vastes parchemins qu'on manipule.

Et de fait, en les suivant, je me retrouvais dans une bibliothèque immense, qui devait remplir tout l'intérieur du rocher.

Aurait-on oublié quelque chose ? s'amusa le Templier, sans tourner le regard. Notez cependant que connaître ma retraite ne vous autorise pas à venir troubler en permanence ma solitude bien-aimée.

Je ne répondis pas, avançant lentement, laissant mes griffes rétractiles sortir.

Finalement, son sixième sens, ou toute autre capacité, lui fit comprendre que quelque chose n'était pas normal. Il se tourna avec vivacité pour un vieillard penché sur un vieux livre. Saisissant une épée que je n'avais pas vue la seconde d'avant, il se mit en garde. Son regard avait perdu toute sensibilité pour devenir dur comme du marbre.

Maudite engeance, que oses-tu venir troubler ce lieu sacré ! La mort sera le prix de cette témérité !

Je me contente de sourire.

Je suis Mhyédabur, le fils du Seigneur Sombre, Maître d'Orkhôn. Je suis l'Exilé qui a quitté les terres maudites sans y être autorisé, celui qui a ouvert les portes de la prison que gardaient les Gardiennes de Thémis. Je suis le Juste qui vient délivrer la juste réponse d'Orkhôn à l'injustice dont ils sont victimes. Je suis le Premier, celui qui libérer la peuple enfermé et mettra fin au règne du Sage et de ceux qui cachent ses secrets. Livres-moi son secret et tu pourras garder la vie sauve. Mais pas seulement la vie, car je vois qu'ici reposent des trésors sans nom. Refuses mon offre et je mettrais le feu à ce lieu pour en détruire jusqu'à la moindre parcelle de parchemin. Les livres ne font que forger la conscience et la conscience n'est que ce que les faibles ont inventé comme principe pour empêcher les forts de régner.

Pour seule réponse, l'homme me chargea. Pauvre fou qui ne savait pas qui j'étais, formé dans l'art de la Mâgie par les meilleurs maîtres, autodidacte dans l'art Noir de la Mâgie du Sang, combattant formé par le Maître d'armes des Gardes Noires, l'élite qui veille sur la forteresse de mon père.

Mais les premières passes me font comprendre que l'homme n'est pas un combattant facile à vaincre. Son âge est loin d'être un handicap, d'autant qu'il semble doté d'une vivacité hors du commun. Ce qui signifie qu'il dispose d'une longue expérience.

Pour autant, je ne suis pas un misérable combattant. Mes ongles plus durs que l'acier, terriblement tranchants, laminent sa peau et son corps et je sens bien que, si l'homme avait eu le temps d'être en armure complète, j'aurai eu bien du mal à le vaincre. Simplement, le fait de l'avoir surpris en un moment de détente, sans doute parce qu'il était rassuré par la visite précédente de la pirate, sera mon avantage décisif.

Et effectivement, il s'affaiblit. Sans doute ne comprend-t-il pas non plus qu'à chaque blessure que je lui inflige, je lape son sang sur mes ongles, me nourrissant peu à peu de sa force. Tandis qu'il s'amenuise, moi, je gagne en puissance. Et quelle puissance ! Cet homme possède plus d’énergie que je n'ai jamais vue dans un être humain, ce qui me confirme qu'il est un être exceptionnel.

A un moment, il rompt le combat et me regarde. Je vois que certaines de ses blessures se referment déjà, ce qui est encore la preuve de sa nature hors de l'ordinaire.

Aucun homme ni aucune femme ne peut me tuer. C'est écrit. Nous pourrions combattre ainsi une éternité que tu ne pourrais changer la règle qui fut dictée pour moi. Ne crois-tu pas qu'il vaudrait mieux partir ?

Je souris. Aucun homme ni aucune femme ?

Je repars à l'attaque brusquement, l'acculant peu à peu dans un combat défensif. Finalement, prenant un peu de temps, j'attends que son épée soit exactement comme je le souhaite avant de frapper par deux fois avec mes ongles, coupant la lame qui tombe au sol. Je vois son regard surpris.

Il n'a pas le temps d'éviter mon attaque suivante. Mes griffes se plantent dans son ventre et je le soulève haut pour planter l'extrémité de celles-ci dans le mur derrière. Ainsi, le sang qui coule suit mes bras et je peux m'y abreuver. Tandis que ses yeux se voilent, il répète, comme espérant sans doute repousser son destin.

Aucun homme, ni aucune femme ne peuvent me tuer.

J'éclate de rire tandis que sa puissance passe en moi, que je m'en nourris, que je sens revenir mes pouvoirs. Il m'aurait fallu cent humains pour arriver à ce que ce seul personnage me donne. C'est incroyable. Bien sûr, je suis conscient que je suis en train de briller de mille feux pour la Gardienne et je ne doute pas la voir venir bientôt.

Dans mon exaltation, je ne fais pas attention aux bruits derrière moi, ces petits bruits de pas comme ceux de rats qui trottinent. Non, j'ai trop de jouissance à absorber cette puissance énorme. Je peux désormais prononcer les paroles de l'Art Noir de la Magie du Sang et la peau de l'homme perd de sa capacité à contenir le précieux liquide. Ce dernier commence à sortir par les pores, lui infligeant une douleur qui me régale. Puis les gouttes s’élèvent dans l'air jusqu'à s'assembler et venir à ma bouche, me permettant désormais de boire par grosse quantité ce sang de qualité.

Je ne peux résister à l'envie de lui faire comprendre qu'il va vraiment mourir, de lui ôter tout espoir.

Pauvre fou ! Je suis Mhyédabur, engeance issue d'un Démon et d'une Humaine. Je ne suis pas un homme !

C'est alors que les bruis attirent mon attention, enfin, et je me retourne vers la porte d'entrée, pour y voir la capitaine du navire.

Je ne doute pas qu'elle a entendu ma dernière phrase. D'une seule parole, j'accélère le processus de mon sort et le sang de l'individu quitte la totalité de son corps pour former une masse complète au-dessus de ma tête. J'incline celle-ci en arrière et m'abreuve de tout ce sang.

Je sors alors mes griffes de ce corps désormais sans vie, le laissant tomber, sac vide, au sol.

J'essuie une parcelle de sang qui me reste au coin des lèvres.

Alors capitaine, vous êtes venue prolonger nos petites conversations ?

98.

Jesse surgit brusquement dans la pièce, ayant trouvé la porte ouverte, elle s’en était alertée aussitôt. Ses soupçons se confirmèrent rapidement, mais d’une manière encore plus grave qu’elle ne l’avait présagé… Oui elle l’avait entendu, mais elle n’arrivait pas à détacher son regard du chevalier des croisades qui gisait désormais au sol. Alors voilà, sa vie avait été épargnée par les dieux pour être gâchée de la sorte, à cause de ce …démon. Comment avait-elle pu être aveugle à ce point ? Comment avait-elle pu lui sauver la vie ??? Elle aurait du le laisser se noyer, mais elle pouvait encore réparer son erreur, une erreur qui avait coûté la vie du croisé.

Les Taïnos s’étaient figés derrière elle, devant cet horrible spectacle et Jesse gronda tout bas qu’ils ne devaient pas se mêler de ça….. Son sabre de Saladin désormais en main, elle fit un seul pas pour se mettre en position de combat. Il serait donc son premier démon qu’elle aurait à affronter. Elle allait être rapidement fixée sur la valeur de son arme. Se souvenant de son sursaut sur le pont, elle avait comme dans l’idée qu’elle pouvait lui faire confiance.

Alors doucement, elle fit quelques moulinets devant elle, souple mouvement du poignet, comme pour mieux en tester la tenue en main. Il était extraordinairement léger, alors que pourtant il était deux fois plus volumineux que son propre sabre.

- Je ne perdrai plus mon temps avec toi, j’en ai déjà assez perdu…je vais te renvoyer dans tes enfers. Maudits-sois-tu pour avoir assassiné cet homme.

Et Jesse fit brusquement deux pas de plus, levant son sabre pour l’abattre sur ce monstre, visant le cou, rapide, prête à esquiver les mains griffues du démon.

Je fais face à deux problèmes. Cet homme était doté d'une telle puissance et énergie que je sais que la Gardienne ne va pas tarder - et mes options seront réduites face à elle sur cet ilot isolé. L'autre est cette stupide pirate qui veut désormais jouer la justicière - cela en serait risible si elle ne détenait pas ce sabre maudit.

J'esquive son coup non sans devoir faire preuve de vivacité et, surtout, non sans sentir comme une chaleur froide et glacée me frôler. Ainsi donc, ce sabre a bien des pouvoirs contre mon origine démoniaque. Finalement, la tempête m'avait rendu un fier service, me permettant de découvrir l'existence de cette arme. Simplement, ce n'est ni ici, ni maintenant, que je vais avoir le temps de l'étudier.

Le temps presse.

Alors, puisque je dois à la fois vaincre rapidement et vider cette énergie - à regrets, il faut le reconnaître - je décide de me déchaîner.

Puisque je ne peux espérer la combattre au corps à corps, je jouerai dans un autre domaine.

Élevant les mains, je lance en l'air les mots du parler d'Orkhôn, ceux des Maîtres de la Magie Noire, que j'ai pervertis pour m'approprier la Magie du Sang.

Aussitôt, un mur circulaire de sang se dresse autour de moi, et se met à tournoyer, tandis que des lames de sang se mettent à en émerger, devenant autant d'épées qui se battent désormais pour moi.

Je souris, tandis que la capitaine est obligée de reculer, parvenant quand même à parer plusieurs coups qui auraient du la décapiter ou la couper en deux. Adversaire redoutable... Je sens déjà mes reins s'échauffer à l'idée qu'elle serait sûrement très agréable à violer. Mais je ne dois pas me perdre dans de telles considérations maintenant.

Tu veux affronter les Démons de la Mer, Capitaine ? Pauvre folle ! Je suis celui qui les a invoqués en ce monde, 9 démons du Premier Cercle, Huit du Second, et ce jusqu'à leur Seigneur, 1 démon du Premier Cercle ! Ils sont mes créatures, soumises à ma volonté, tant qu'ils sont en ce monde et tu comprendras vite que tu ne pourras jamais les vaincre tant que tu ne vaincras pas celui qui a le pouvoir sur eux ! Je suis Mhyédabur, fils du Seigneur Sombre, l'Exilé qui a franchi les Portes de Thémis seul pour venir rétablir la Justice de ce côté-ci de l'Océan qui nous enferme ! J'ai vaincu le Sage et ses Gardiennes !!! Je suis le Maître de la Magie du Sang, la lame de mort apportant ici la main d'Orkhôn pour que les lâches et les infâmes soient punis de leurs fautes ! Crois-tu pouvoir me vaincre alors même qu'en ce jour, je vais détruire ton navire et ton équipage ?! A moi ! A MOI DEMONS QUE J'AI INVOQUES ! OBEISSEZ A MES ORDRES ET GAGNEZ CE LIEU POUR LIVRER LA PREMIERE GRANDE BATAILLE POUR LA LIBERATION D'ORKHON ET DE SES HABITANTS ! J'ORDONNE ET VOUS EXECUTEZ !

Alors je ferme mes mains l'une sur l'autre et me met à les faire tourner sur elles-mêmes. Le cercle de sang et d'épées se met à tournoyer et à s'élever, commençant à aspirer les plus légers parchemins du lieu.

Ma puissance est telle que la tornade que je vais élever sera la chose la plus terrible que ce côté-ci du monde aura contemplé depuis de longues années. Si puissante qu'elle devrait retarder l'arrivée du Sage et de la Gardienne, bien en mal d'affronter l'air déchiré par la magie du chaos et du sang.

Oui, la première bataille depuis les exploits de mon Père en ce monde qu'il avait failli conquérir - n'étaient le mensonge de Gallisée et la lâcheté des habitants qui avaient échangé leur liberté contre l'accès à la Magie, ultime traitrise des Dieux et du Sage - venait de commencer. Par une simple passe d'arme entre une ridicule capitaine et moi, Mhyédabur.

La Bataille du Pic de Dante.

Son retentissement et les puissances déchaînées allaient être tels que le monde des lâches allait connaître de nouveau la peur.

Le Taïnos qui gardait la barque ouvrit tout-à-coup les yeux en grand. Il baissa la tête vers son torse, désormais percé de part en part d'un trou de deux centimètres de diamètre. Et sans aucune trace de ce qui avait pu faire cela.

Il mourut debout, sans doute en se demandant encore ce qui lui était arrivé.

Les petites griffes d'Invisible ne lui laissèrent pas le temps de connaître le repos de la mort, le déchirant jusqu'à livrer ses entrailles à sa faim démoniaque. Quand il se fut repu, il fit ce qu'attendait son maître, prenant le cœur encore chaud, se gardant de le dévorer malgré son envie, et se mit à voleter dans le couloir pour aller tuer les autres.

Sa queue fouettait l'air d'excitation, son dard ensanglanté restant invisible.

<< avant à Cosme 18.

Ils s’étaient à peine éloignés de Cosme que le Sage entendit l’appel de Parangon, un appel désespéré et inquiet même si faible. Il changea aussitôt de cap, suivi par Karayan pour se diriger vers le White Star. Mais à peine s’était-il approché qu’il senti les éléments se déchaîner, Mhyédabur avait fait appel à tous les démons, à sa plus grande magie et il se trouvait en ce moment même à l’intérieur du Pic de Dante.
Le Sage poussa un rugissement. Il n’était plus guère temps de filature pour déjouer les plans du démon, mais de l’arrêter avant que le mal qu’il avait déjà commencé à faire, soit trop important. Karayan avait senti tout comme lui, mais ne put suivre le dragon tant son vol était puissant et rapide.

Le Dragon atterrit sur le sommet du pic rocheux et rugit tant et si bien que l’océan s’agita, forçant le White Star à s’éloigner, tandis que la mer submergeait le pic. Les vagues montèrent à l’assaut des falaises et s’engouffrèrent dans le moindre recoin. La puissante vague ainsi déclenchée, forcerait tous les occupants du pic à fuir très vite ou à mourir noyé.

Sauf que les intentions du Sage n’étaient bien évidemment pas de noyer les innocents qui se tenaient à l’intérieur. L’eau le plus dévastateur des éléments…
L’eau qui s’infiltra par tous les orifices du rocher et mit aussitôt fin au combat.
Il en appela alors à la force de Neptune et de ses armées, pour venir en aide à la pirate et à tous ceux qui se trouvaient encore dans le rocher……

L'onde de choc provoquée par la venue du Sage me fit frémir.

Le Sage...

Ainsi donc, ma puissance était telle qu'il avait perçu la menace que je représentais ! Il s'était déplacé en personne pour tenter de sauvegarder sa position et sa main-mise sur les esclaves humains de ce côté-ci, ceux qui avaient bradé leur libre-arbitre contre la suprématie du vieux dragon fou.

Mais je ris à l'imaginer tentant de pénétrer dans ce roc, au risque d'y faire périr sa petite pirate favorite.

Alors je lève les bras, mes deux mains toujours jointes et tournoyant encore plus vite, et mon anneau de sang s'amplifie tandis que je déverse en son sein la totalité de la puissance que j'ai acquise auprès de ce Templier. Un maelström de mort s'empare des lieux, plaquant le vivant autant que l'inanimé contre les murs, détruisant la bibliothèque, déchirant ses millénaires de connaissance. Mais qu'importe la connaissance ? Elle n'est que l'arme des faibles, ceux qui s'en prévalent pour tenter de dominer la véritable puissance, celle de la force pure, de la domination, celle du prédateur sur la proie.

Et soudain, j'ouvre mes mains et les pousse vers le haut, la puissance du tourbillon mortel arrachant les tonnes de rocher qui surplombent le pic, les propulsant dans les airs, comme autant de projectiles terribles qui s'élèvent aussi haut que ma puissance le permet et aussi loin. Chacun pèse plusieurs tonnes et leur trajectoire ne laisse aucun doute. Beaucoup iront dans la mer. Avec un peu de chance, un percutera le maudit vaisseau de la Pirate. Mais un grand nombre va aussi vers les terres, comme autant de rochers de la mort, qui vont dévaster les moindres zones habitées de ce coin du monde.

Il ne me reste plus qu'à libérer la puissance de la trombe de sang, de pierres, de parchemins et d'eau et je la lâche alors avec pour destination finale le vaisseau de la pirate. Je doute qu'il survive à cette rencontre !

Alors, je peux éclater de rire, heureux de voir que malgré l'intervention du Sage, rien n'a pu m'arrêter. Lui-même a déserté les lieux du combat sans doute, fuyant ma furie, ma puissance et...

Maaaaaîîîître ! hurle alors Invisible, surgissant du corridor que j'ai emprunté, tandis qu'un bruit sinistre éveille mon inquiétude. Les eaux ! Les eaux nous envahissent Maître ! Nous allons mourir noyés ! Maaaaîîîîttreeee ! A l'aide !

Alors, tandis que je suis au sommet de ma puissance, du moins celle acquise ici, je regarde l'écume blanche qui émerge du corridor, tourbillon de mort aquatique cette fois, et qui m'est particulièrement destiné. Je vois les Taïnos emportés par elle, ainsi que la pirate, qui ne lâche pourtant pas ce maudit sabre. Moi-même, je subis de plein fouet la vague monstrueuse, me retrouvant plaqué contre les murs où je cogne, ne devant mon répit qu'au fait d'avoir attrapé la queue d'Invisible, qui, dans sa tentative désespérée de remonter vers les airs, bat des ailes et finalement nous tire vers le haut.

Mais je ne veux pas remonter. Le Sage doit nous attendre. Quelle belle technique ! Noyer la fourmilière pour forcer la reine à sortir ! Combien de fois ai-je joué à ce jeu amusant, même si je préférais, et de loin, l'enfumage. Mais je ne peux plus rien faire. De façon étonnante, la puissance qui me reste se vide peu à peu tandis que l'eau de mer m'engloutit, me roule, et m’asphyxie.

Tandis que je me révolte contre cette nouvelle injustice, où il aura fallu pas moins du Sage pour tenter de m'arrêter, alors que la mort me tend les bras, je la refuse. Et le hasard me fait toucher ce qu'Invisible, dans sa peur, n'a pas lâché. Ce cœur désormais tiède.

Un cœur, un peu de pouvoir restant, je n'ai donc pas le choix, même si j'imagine avec horreur à quoi je vais me condamner, transformant mon exil sur Orkhôn en exil sur... Je n'en sais rien en fait. Je crois qu'ils viennent d'une île isolée, où ma présence ne pourra pas passer inaperçue.

Mais entre une mort certaine et une petite chance de m'en sortir, mon choix est rapide. Je plonge mes griffes dans le cœur, utilisant les dernières gouttes de sang et de pouvoir pour réaliser la Mâgie du cordon de sang... Celui qui ne peut que me ramener vers l'héritier de celui à qui appartenait ce coeur... Nulle doute que mon apparition au milieu du corps de son fils ou de sa fille, sera du plus bel effet... Espérons qu'il n'y aura pas trop de témoins que je doive immédiatement combattre.

En espérant que je me trompe pas non plus, soumis au diktat impérieux de la mer, au goût du sel, et à ce sang dilué...


Et qu'il ait une descendance, sinon, j'ignore les effets de ce sort...






vide


silence


bom
..
..
..
bom
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bom
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bom
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bom
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bom