Loxley, une petite ville à la lisière Ynys Prydein

93.

Ils venaient à peine d’arriver au marché et Ysao venait tout juste de le prévenir pour les pickpocket qu’Hélios sentit quelque chose l’effleurer au niveau de sa ceinture, là où il accrochait sa bourse. Il fut très prompt à réagir et saisit le malandrin à la gorge, le soulevant de terre aussi facilement qu’il l’aurait fait d’une plume. L’homme, un ptit vieux dans la soixantaine, gigotait des jambes tout en essayant de se défaire de l’étaux des mains d’Hélios.

- Arghl lâcherff-moi ! Help !

Hélios fronça les sourcils en détaillant le voleur et le laissa retomber si soudainement que l’autre perdit l’équilibre, se tenant toujours le cou. Hélios avait déjà récupéré sa bourse qu’il cacha cette fois sous quelques couches d’étoffe. Le ptit vieux ne demanda pas son reste et à peine retrouvait-il son souffle qu’il détalait comme un lapin. Il était sacrément leste le bougre !
Enfin il se tourna vers Sahar qui attendait toujours sa réponse :

- je ferai attention dorénavant. Merci du conseil.. Quand à mes vêtements, certes quelque chose de plus léger m’arrangerait..

Puis sourcils froncés, il ajouta, méfiant soudain :

- Mais à quel genre de fringue tu songeais ? Je veux bien jouer le rôle que tu veux, mais pas de robes hein !! et pour l’arme, il faudrait voir un bon forgeron. Cette dague que j’ai récupérée chez les celtes, ne vaut rien. J’ai besoin d’une arme plus solide, plus tranchante..

94.

Une armure typiquement Djamilienne ??
Hélios regarda Sahar s’éloigner dans la ruelle encombrée, ses yeux s’attardant inconsciemment sur les délicieuses formes de la voleuse…
Hum..il n’avait pas vraiment le type d’un djamilien avec ses yeux bleus et ses cheveux blonds.. Quoique Sahar non plus n’avait rien de commun avec les femmes de la région, si ce n’était un corps très bien dessiné…

- Alors vous y ach’tez?? ou vous’y ach’tez pas ?

Hélios se tourna pour dévisager le vendeur de la boutique. L’homme était d’une taille ridicule et pourtant ses mains noueuse démontraient une vigueur qui se reflétait dans le regard, un regard intéressé par la bourse que Sahar lui avait laissé. Hélios s’empressa de la ranger sous ses vêtements, se sentant plutôt à l’aise dans ces habits amples et légers, et s’intéressa de plus près aux armes que l’armurier proposait.

- je ne sais pas trop ce dont j’ai besoin.. quelque chose qui convienne à un djamilien…
-Aaah parce que vous êtes djamilien ?? ça alors, jamais je ne l’aurais deviné, enfin sauf vot’tenue. Mais comme on dit par chez nous, l’habit ne fait pas le moine..héhé… hm voyons voir ce qui serait bien pour un soldat du sultan.. J’ai un vaste choix d’article vous savez. Y passe pas mal de monde dans le coin. Et puis quand y’a une bataille, suis le premier sur place, le marché est excellent dans ces moments.. Tenez là par exemple, j’vous dis qu’ça sent la guerre.. Regardez tous ces soldats autour de vous. D’habitude, y’en a pas autant..

Hélios hocha la tête silencieusement. Qu’est-ce qu’il était bavard ce commerçant.

- enfin moi j’dis ça, j’dis rien.. hey, ça ça s’rait bien pour vous !

L’homme sortit d’une caisse, un énorme sabre courbe, comme Hélios en avait déjà vu.

- un sacré beau cimeterre !! belle arme que v’là !

Et l’homme lui vanta les mérites d’un tel sabre, plus rare qu’un sabre normal, mais plus efficace pour trancher dans la chair. Certes l’arme exigeait un maniement différent d’un sabre ou d’une épée droite. Mais Sahar s’était recommandée, alors Hélios se dit qu’il saurait bien manier cette étrange arme. Seulement en entendant le prix, il faillit crier au vol.

- Maiiis qu’est-c’qu’vous voulez ! Les temps sont durs !

Le vendeur lui fournit en plus et gratuitement pour le coup, un bouclier qui avait sauvé la vie de plus d’un soldat.. Et oui une arme de seconde main, il ne fallait pas rêver, le marchand n’allait pas lui faire de véritables cadeaux. Puis juste avant de partir, pour faire bonne mesure avec une arme qu’il ne maîtriserait peut-être pas parfaitement, Hélios acheta un poignard au manche court, mais à la lame sévèrement affutée qu’il lui fut facile de cacher dans son étui, sous ses vêtements. Il paya donc ses achats, et abandonna le vendeur qui lui aurait bien vendu encore une lance, article, disait-il indispensable à un bon guerrier djamilien, ainsi que des genouillères en cas de chute et tout un tas d’accessoires. Mais Hélios refusa poliment en s’éloignant le plus vite possible. Il n’allait pas dépenser toutes les économies de Sahar, déjà qu’il avait eu du mal à ne pas refuser la bourse. Enfin c’était pour l’aider dans sa quête…

Hélios retourna à l’auberge, et dans sa chambre, s’essaya à quelques mouvements d’attaque avec son étrange sabre. Il faillit briser le pot de chambre et le joli vase qu’on avait disposé sur la commode. Mais heureusement qu’il avait de bons réflexes. Et Hélios sentit la faim le tenailler, il aurait voulu partager son repas avec Sahar, mais elle l’avait prévenu.. Elle rentrerait tard. Alors quoi, allait-il rester là à l’attendre ? Cette idée l’agaça.. non, il n’en était pas encore réduit à rester sagement là à attendre qu’elle rentrât gentiment à la maison…

Alors l’arcadien-djamilien, descendit dans la salle de l’auberge et commanda un repas consistant ainsi que quelques carafes de vin, en guettant l’entrée. Mais Sahar ne rentrait toujours pas. Hélios but le vin tout seul, puis commanda une autre carafe, et encore une autre, et une autre, puis refusa les avances de la jolie serveuse, elle était brune.. Elle aurait été blonde encore ! mais nan.. il l’envoya balader sans façon.
Et quand la pièce commença à tanguer autour de lui, il se résigna à monter dans sa chambre et s’affala sur le lit sans même prendre le temps de se déshabiller..

95.

Tandis que les premières lueurs d’un nouveau jour éclairaient la fenêtre de la chambre d’Hélios, celui-ci se perdait dans d’agréables rêves dans lesquels il retrouvait la jolie voleuse et dans lequel il ne faisait pas du tout chambre à part. Mais comme si même en rêve, il ne pouvait pas profiter de quelques instants de félicité, soudain une ombre surgit, une impressionnante épée en main et menaça de l’abattre sur Sahar. Hélios hurla et voulut éviter le coup fatal à Sahar, mais au lieu de quoi, il se réveilla en sursaut dans son lit…seul..

- Sahar ??

Elle n’était donc pas encore rentrée ! Hélios eut soudain un mauvais pressentiment, sans doute provoqué par son mauvais rêve, enfin la conclusion de cet étrange rêve qu’il avait fait. Il lui fallait absolument la retrouver pour s’assurer qu’elle allait bien. L’arcadien bondit sur ses pieds et sortit en courant dans le couloir quand sa mémoire lui rappela soudain un détail..
Si elle n’était pas dans son lit ce matin, c’est parce qu’encore une fois, ils avaient fait chambre à part.

Hélios laissa retomber les épaules, mais malgré tout, il avait besoin de la voir. On ne sait jamais, se dit-il… Il frappa à la porte voisine de la sienne, mais comme il n’obtint aucune réponse, il n’attendit pas avant d’entrer… Oh mais, elle avait verrouillé sa porte ??? Ou pire, elle était enfermée dans cette chambre, et peut-être en danger ? Se laissant à nouveau envahir par l’image de son cauchemar, Hélios n’hésita plus. Il lui fallut deux bons coups d’épaule pour enfoncer la porte et forcer le verrou.

Celle-ci s’ouvrit à la volée, et Hélios surgit dans la pièce comme un beau diable.

- Sahar ?? Tu …tu vas bien ?

Délicieusement enveloppée dans les vapeurs d'alcool, Sahar dort d'un sommeil de plomb.

BLAM

hu?

BLAAAAM

La voleuse sursaute sortant brutalement du sommeil pour voir sa porte voler en éclat



- Sahar ?? Tu …tu vas bien ?

...

La voleuse reste quelques secondes sans voix en voyant un Hélios échevelé entrer comme une furie dans la chambre.
Elle cligne des yeux et regarde autour d'elle, non elle est bien seule dans la chambre, la fenêtre est close. Que se passe-t-il ici ?

Hein ?Euh...oui ca va....
Et...et toi ?

Des pas se font entendre dans l'escalier, c'est l'aubergiste qui accoure

Qu'est-ce qui a ?
Un meurtre ? Un vol ?

euh non non juste une erreur je crois

Ma Poooooooooorte !!
Ah Madre de Dios, MA PORTE, ça va me couter une fortune.

Ne vous en faites pas, je paierais les dégats

assure Sahar en comprenant le manège de l'aubergiste.
Après quelques jérémiades et lamentations elle parvient à le renvoyer assuré d'être dédommagé.

Soyez gentil allez donc preparez le p'tit déjeuner.
Avec du café.
Bien Noir.
Aïe...

La voleuse soupire rappelée à l'ordre par ses cheveux qui protestent contre pareil traitement, être réveillés brutalement après une cuite
Sahar regarde alors Hélios qui cloué au silence par un regard noir de la voleuse est resté là les bras ballants pendant la tractation avec le patron de l'auberge

Mais enfin...
Qu'est-ce qui t'a pris ?
Ca va pas bien non à défoncer ma porte comme ça ?!!

96.

Hélios prit un air d’enfant pris en faute.. Il se sentait un peu idiot tout à coup, mais c’était pour elle qu’il avait agit ainsi :

- C’est à cause de ce cauchemar..

Voyant les yeux de Sahar s’arrondir, il ajouta :

- je voyais quelqu’un te… te tuer avec une grande épée.. et..et quand je me suis réveillé et.. bref.. j’ai cru que tu étais en danger, et puis ta porte était fermée alors..euh j’ai utilisé les grands moyens..

L’arcadien passa une main derrière sa nuque, puis fit un sourire d’excuse à Sahar.

- Je la lui payerai moi cette porte à l’autre et …euh.. ça nous ferait faire des économies, si on dormait dans la même chambre et puis..

Hélios se rapprocha de Sahar..

- et puis je serai plus tranquille de t’avoir près de moi.. cette ville n’est pas sûre, tu me l’as dit toi-même.. J’ai besoin de .. de savoir que tu vas bien, de te garder à mes côtés, ..

Il eut encore bien d’autres mots qui lui vinrent à l’esprit, mais Sahar semblait encore très contrariée par son entrée peu ordinaire. L’arcadien avait posé ses mains sur les hanches de la jeune femme, penché au dessus d’elle. Il ne pouvait rien faire contre ça.. contre cet attrait qu’elle exerçait sur lui..
Rien que de la voir là, au lever du lit, les cheveux en bataille, et ses grands yeux d’ambre… il la désirait..

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Il avait tenté un geste, un rapprochement, mais elle se défila et les remarques qu’elle lui fit ensuite, acheva de briser ses vains espoirs. Il l’avait pourtant su au premier regard, elle ne se laisserait pas apprivoiser, il avait fait fi de cette première impression et à présent il payait le prix le plus élevé. Où était passé la douce et malicieuse Sahar, cette femme qui s’était joué de tout, même d’Arès ? Hélios la regarda quitter la pièce, bras ballants, ressentant une douleur aussi vive au cœur que si elle lui avait planté un couteau..

Il comprit qu’il s’était bercé d’illusion, il comprit qu’il ne servirait plus d’espérer. Certes, il avait un rôle à jouer, il avait voulu la suivre, pour l’aider, mais aussi pour être encore un peu avec elle. Il venait de se heurter à un mur. L’arcadien venait de passer une mauvaise nuit, la soirée avait été désespérante, et l’avenir s’annonçait bien pire encore. Il fut tenté là de repartir au camp d’Ynys Pridein, de retrouver son frère et de rentrer chez lui avec Jason… Mais l’homme était de parole, alors soudain en colère d’avoir été traité avec si peu d’égards alors qu’il en avait toujours eu tant pour elle, Hélios ne la rejoint pas dans la salle de l’auberge, mais quitta cette dernière en faisant claquer la porte si fort que celle-ci menaça de se briser comme la première..

Il avait besoin de réfléchir, et surtout de prendre ses distances. De toute façon, elle n’avait pas besoin de lui…

98.

Hélios avait sellé Orion et galopé pendant des heures dans la campagne aux alentours de la cité d’Oxley. Il était rentré une fois l’animal épuisé par sa course et s’en voulait de l’avoir ainsi poussé au bout de son effort physique. Il songea soudain à Andromède le second étalon du quadrige que ce Sekret lui avait volé, le retrouverait-il un jour ? Un animal aussi précieux, il allait avoir du mal à expliquer la chose à Arès..

Alors il pensa à son pays, l’Arcadie, au général qu’il exécrait, à son histoire qui n’était pas ici à Utopia. A Jason resté otage d’un général mégalo, pour en revenir bien sûr à Sahar, à cette esclave qu’Arès lui avait offerte, à la femme à laquelle finalement il avait rendu sa liberté. Avait-il commis une erreur ? Oui, mais pas celle de lui avoir rendu sa liberté, juste celle de s’en être épris.
Orion hennit surpris par le coup tiré sur ses rênes. Hélios se rendit compte à quel point il avait oublié qui il était vraiment, ne pensant plus que pour elle..

Il était temps qu’il se reprenne, il était temps de passer à autre chose. Hélios soupira, ce ne serait pas facile puisqu’il avait promis de l’accompagner dans sa mission. Mais s’il y avait au moins une chose dont on pouvait être sûr avec Hélios, c’est qu’il tenait toujours ses promesses. Il se décida donc à tirer un trait sur cette femme qui commençait à le regarder comme un objet encombrant..

De retour à l’auberge, Hélios prit longuement soin de l’animal, comme pour se faire pardonner de l’avoir tant sollicité. Il l’étrilla, le brossa, le nourrit et une fois cela fait, décida de monter dans sa chambre pour se laver. En passant devant la porte de SA chambre, il ralentit à peine. Aucun son n’en sortait, il remarqua que la porte avait été réparée, mais ne s’attarda pas. Il poussa la porte de sa propre chambre et attendit que la domestique de l’auberge vint lui remplir son bain. Il y resta un long moment, s’y assoupissant à moitié, puis se décida enfin à en sortir pour se coucher aussitôt après. Il n’avait pas faim pour l’instant.

La journée s’était écoulée lentement, sans qu’il ne l’ait croisée, sans qu’il n’eût seulement cherché à la croiser. Et c’était mieux ainsi. Elle saurait où le trouver si elle avait besoin de lui.

99.


Au petit matin, Hélios résigné dorénavant, se décida tout de même à aller prendre des nouvelles de Sahar. La veille, il ne l’avait pas vue de la journée, pas beaucoup plus l’avant-veille. Il espérait donc qu’ils allaient enfin bouger un peu et se diriger vers Camelot, le fameux château qui n’attendrait sûrement pas une délégation étrangère.

Après quelques ablutions, Hélios revêtit donc les vêtements qu’elle avait choisi, les armes qu’il avait acquis au vieux marchand, et alla frapper à la porte toute neuve.

- Sahar ? c’est Hélios.. tu es réveillée ?

Puis après une pause..

- j’aurais voulu savoir ce que tu as prévu pour la suite..

Le ton était impersonnel, mais il l’avait décidé ainsi.

100.

Hélios cilla quelque peu à l’annonce du rôle qu’il aurait à tenir. Esclave, c’était soit, elle se moquait de lui, soit elle lui faisait payer un statut qui avait été le sien à Arcadia… Il grogna un oui à sa question. Ses affaires étaient déjà empaquetées et attachées à la selle d’Orion. Ils pouvaient donc aller déjeuner avant de partir..

Il lui ouvrit la porte, lui faisant ainsi comprendre qu’il acceptait son rôle, sans rechigner et qu’il serait capable, contrairement à ce qu’elle avait l’air de croire, de se tenir à son rôle, vu leurs relations ces derniers jours, ce ne devrait pas être trop difficile de jouer les esclaves n’ayant pas son mot à dire.
Mais comme elle hésitait, il ajouta :

- Si madame veut bien avancer que je puisse refermer la porte derrière elle. Madame souhaite-t-elle que j’emporte ses affaires ? Il ne faudrait pas que madame se fatigue de trop, un long voyage l’attend.

Le regard bleu azur, croisa celui d’ambre jaune de la jolie voleuse. Un air de défi peut-être, il ne sut le dire. Hélios pensa seulement qu’elle était très belle dans cette tenue, mais se garda bien de le lui dire. Il serra la mâchoire tandis qu'elle passait devant lui, résistant à l'envie qu'il avait eu soudain de lui voler un baiser, mais non. La voleuse l'aurait sans doute envoyé bouler.