Les Geôles

9. ( Auparavant sur les chemins de Vestalia)

Ambiance en option

Dans les sombres et froides cellules, entre les murs des geôles vestaliennes, Rachel, les yeux levés vers l’étroit carré de ciel bleu, attendait son heure.
Son regard éteint fixait cette liberté qu’elle avait tellement aimée et dont elle était à présent privée. Dans son cœur ne sonnait plus que chagrin, rancœur, et amertume. Les larmes ne coulaient plus, elle était résignée, elle avait accepté son sort.

Elle était condamnée pour trahison, et elle avait plaidé coupable. Oui, elle avait participé à l’enlèvement de la Vestale, mais elle avait juste espérer aider la cause des chrétiens, elle s’était trompée et elle le regrettait à présent. Seulement il était trop tard aux yeux de ses bourreaux pour les regrets. Le couperet était tombé, elle mourrait demain, dans l’immense arène, sur la place en sable, offerte comme ses frères et ses sœurs, en pâture aux lions. Ses chers lions qu’il aimait tant, demain, c’est elle qu’il regarderait mourir sous leurs crocs.

- Il faut prier Rachel, prier pour notre salut !

La jeune femme se tourna pour faire face à Gabriel, et son regard refléta un instant la colère mais la flamme perdait déjà son éclat. A quoi cela aurait servi ?

- il est trop tard pour prier..
- il n’est jamais trop tard pour prier, Rachel, pour espérer..
- alors que dois-je prier ?... faites que vous tous, ne mourrez point demain ? faites que je puisse ressortir de ces prisons, faites que j’aie une chance de me faire pardonner, et faites que demain, les peuples se considèrent comme frères et égaux. Je ne crois plus aux miracles..
- il y en a déjà eu par le passé, alors qui sait ?

Rachel secoua la tête..

- si je dois prier, alors je prie pour qu’un jour, les gens se souviennent de ce que les chrétiens ont eu à subir au nom de leur religion. Je prie pour que les vestaliens comprennent qu’ils n’avaient pas le droit de tous vous condamner.. S’il faut blâmer une personne que je sois la seule, pour avoir trahi la confiance de mon amie.

La colère se mêlait à sa peine et les larmes revinrent. Elle était tellement désolée pour eux, tellement désolée que tout cela se termine ainsi. Elle sentit alors sur ses épaules, les mains de son ami.

- tu ne dois pas te sentir responsable pour nous tous. Chacun est libre de ses choix et de sa vie. Peut-être juste que..

Rachel se tourna pour le dévisager en l’entendant hésiter.

- Peut-être que Corentin n’aurait pas du exiger ça de toi.
- Corentin est mort !
- tu as raison, je suis désolé.
- pas autant que moi..

La jeune femme se détourna de Gabriel pour lever encore une fois les yeux vers ce bout de ciel bleu, cette liberté qu’elle ne connaitrait plus.. vers la vie qui continuait malgré tout.

( A suivre, dans les appartements de la grande vestale)

17.

Une silhouette encapuchonnée se faufilait le long des étroits couloirs menant jusqu’aux geôles de Vestalia Imperii. Elle se tenait tête baissée, pour que personne ne puisse reconnaître son visage, car cette personne ne tenait pas à ce qu’en hautes instances, l’on fut au courant de cette mystérieuse visite aux chrétiens enfermés là. Parvenue devant les gardes, elle glissa un mot dans les mains de ce dernier :

- Ho qu’est-ce que tu veux toi ?.. Une lettre ? Qu’est-ce que c’est ?
- C’est pour vous.. lisez ! répondit une petite voix fluette.
-hmm.. le sénateur Octavius me demande de me rendre immédiatement auprès de lui. Je vais appeler quelqu’un pour qu’il me remplace.
- Inoutilé, jé vais rester ici ! Et le sénatoré a dit immédiatémenté !! Alors presto !
- mais je ne peux pas…
- si..subito ! Daï !!
- mouais, enfin ces lascars là ne risquent pas de s’évader, sont aussi inoffensifs que des agneaux… Je reviens tout de suite.
- sisi… tout dé souite..

Le garde s’éloigna donc, et enfin Lucius put s’approcher des barreaux des geôles, en espérant voir la dame de son cœur.

- Rachel ? Dove sei ? Rachel ?

Il s’accrochait aux barreaux, espérant sincèrement la revoir encore une fois, lui dire tout ce qu’il n’avait jamais pu lui dire…

- Lucius ?
- si !! Il fallait qué jé té vois.
- pourquoi ?
- pour té dire que jé ne vais pas les laisser faire.
- il est trop tard Lucius, c’est la décision de Lucrézia.. Tu ne peux rien faire contre ça..
- ma si !! Elle m’a dit que jé devais lui faire confiance ! Elle m’a dit qu’elle te sauverait.
- et tu l’as crue ?
- ma, c’est mia sorella !
- tu ne devrais pas rester là, Lucius.
- si, je voulais voir encore ton joli visage.. ti amo, mia principessa..

Voilà, il l’avait dit, le cœur battant, et craignait à présent qu’elle le rejette. Il n’osait plus la regarder, mais les douces mains de Rachel qu’elle avait glissé à travers les barreaux, caressèrent son visage.

- tu es si gentil Lucius. Depuis le départ, tu as été si gentil avec moi, je t’aime beaucoup moi aussi.. mais il est trop tard à présent.. tu comprends ? trop tard…
- nan, tou né dois pas dire ça !

Brusquement des bruits de pas dans le coubloir derrière lui, détourna son attention de la belle Rachel qui retira ses mains.

- Il faut qué jé parte, ma jé té promets que je te sauverai mia principessa !

Lucius remit sa capuche et se retira avant que le garde qu’il avait envoyé auprès d’Octavius, revienne lui demander des comptes, car jamais le sénateur n’avait écrit ce billet.

Les gardes le ramenèrent dans les geôles, et refermèrent la porte derrière lui dans un bruit terrible de ferraille qui claque. Le voilà retourné auprès de ses frères et sœurs avec une bien étrange mission qui ne lui avait été non pas commandé par ce Dieu auquel il avait appris à croire, mais par la grande vestale en personne. Et il ne savait s’il devait s’en réjouir ou non.

Pourtant, elle venait de leur donner cet espoir, une réponse à ses prières, même si elle n’était pas toute à fait la réponse qu’il attendait. Et lui qui avait enjoint ses frères et sœurs à ne pas perdre espoir, à prier encore et encore pour leur salut, il n’avait pu refuser l’offre qu’elle lui avait faite. Seulement en revenant auprès des autres prisonniers, il ne pouvait se défaire de l’impression d’avoir pactisé avec le diable en personne, même si en l’occurrence, le diable revêtait le visage d’une magnifique madone.

- alors ?

Gabriel redressa la tête pour croiser le regard inquiet de Rachel. Il se souvint de ce qu’il lui avait dit juste avant d’être emmené par les gardes. « Tu vois, il faut croire aux miracles, tout espoir n’est pas perdu »… Mais ce qu’il avait à lui dire à présent, ne relevait pas du miracle. Mais devait-il lui en parler ? Ou valait-il mieux que comme les autres, elle crût elle aussi au scénario préparé par la vestale, afin de garder la crédibilité du public ?

- alors.. je ne sais que trop en penser..
- ça n’a pas l’air d’aller. Les nouvelles n’étaient pas aussi bonnes que tu t’y attendais finalement ?

Rachel posa sa main sur l’épaule de Gabriel. Il soupira pour se tourner vers elle.

- il est vrai que je ne m’attendais pas vraiment à ça..
- à quoi ?

Gabriel regarda autour de lui, et vit que les autres avaient tous leur attention fixée sur lui. Il était temps, peut-être aurait-il l’occasion ensuite d’en parler avec Rachel :

- Il nous faut continuer à prier mes frères, maintenant plus que jamais. La grande vestale m’a confirmé que demain aurait lieu les jeux les plus grands jamais organisés et que… que nous serions jugé pour nos actes à la fin de ces jeux.
- jugé ?
- par l’intermédiaire des fauves, Rachel… C’est eux qui décideront de notre vie ou de notre mort.

( A suivre aux Arènes )