Appartements de la grande Vestale

Invité

Dans les appartements de son palais, la grande vestale observait la ville que l’on pouvait apercevoir dans la vallée en contrebas. C’était une journée radieuse, le soleil d’hiver réchauffait doucement les façades des maisons, et éclairait de sa douce lueur dorée, la magnifique cité de Vestalia.

A l’aube d’une nouvelle année, dans son fort intérieur, Lucrézia savait que l’heure était aux changements. Elle savait aussi que si changements il y aurait, elle se devait d’en être l’instigatrice, afin de garder en main les rênes du peuple. C’est ainsi qu’un peu plus tôt, elle avait envoyé un des soldats de sa garde personnelle aux geôles de la cité, afin de faire venir dans la plus discrétion, l’homme qui avait été son soutien pendant ces jours qu’elle avait passé dans le camps des chrétiens.

Ainsi quand on frappa à la porte, c’est d’une voix assurée qu’elle invita les gardes à entrer. Ils lui amenaient le prisonnier qu’elle les avait envoyé chercher. Elle fit quelques pas dans leur direction et congédia les gardes.

- vous pouvez nous laisser..
- mais Grande Vestale, il s’agit d’un prisonnier.
- je suis au courant merci, et je vous dis qu’il n’y a rien à craindre.

Les deux gardes s’inclinèrent respectueusement et se retirèrent pour laisser l’homme qui redressa la tête et retira la large capuche qui dissimulait son visage. Il resta un instant là à la regarder sans savoir que dire, mais il n’eut pas à se donner cette peine. Lucrézia elle, savait parfaitement ce qu’elle voulait. Les traits tirés de Gabriel ne trompaient personne sur les conditions de détention, mais malgré tout, il restait toujours aussi séduisant que la première fois qu’elle l’avait vu.

- Bonjour Gabriel.
- Grande Vestale.

Lucrézia sourit. Elle trouvait étrange son titre dans la bouche de celui qui avait été son gardien tout ce temps.

- Entre nous, vous pouvez m’appeler Lucrézia, je vous en prie, comme vous le faisiez avant.
- la situation est pourtant très différente. Avant vous étiez ma prisonnière, et à présent c’est moi qui le suis.
- vous avez raison, et je suis désolée que vous ne soyez pas traité avec les mêmes égards que vous avez montré envers moi.

Gabriel sembla décontenancé par ces dernières paroles. Il ne devait pas s’attendre à autant d’amabilité de celle qui avait été leur prisonnière.

- J’aimerai réparer cette erreur, mais en temps voulu, il va vous falloir être encore un peu patient et…
- patient ? Ce mot là ne veut plus rien dire pour moi. Demain, nous serons livrés aux lions de votre arène, alors dites-moi à quoi me servirait-il d’être patient ?

Lucrézia devina la colère sous le ton pourtant calme de sa voix, et elle était justifiée, puisqu’il ignorait encore tout de ses projets. Il était temps..

- Il se trouve que j’ai des projets pour vous..
- des projets ?
- hm oui, enfin si vous vous montrez coopératif, cela va de soit. Mais avant de vous en parler, il me faut connaître le nom de l’homme qui dirige votre groupe. Et je ne parle pas des chrétiens enfermés dans les geôles, mais de celui qui dirige tous les chrétiens de Vestalia Imperii.
- Dans notre religion, nous n’avons pas de chef unique, à part Dieu.

Lucrézia soupira, contrariée. Elle n’avait pas vraiment envie d’entendre toutes ces sornettes au sujet de ce dieu chrétien. Non il lui fallait des noms concrets, pour pouvoir agir.

- Il y a bien quelqu’un qui prend les décisions pour vous tous ? Qui a décidé de me capturer dans ce camp ??
- non… enfin oui, il y avait quelqu’un.. Il s’agissait de Corentin.

Lucrézia cessa d'aller et venir dans la pièce.

- je vois. Ainsi à présent, les chrétiens se retrouvent sans chef à leur tête.
- ce n’est pas nécessaire, nous avons notre foi, elle suffira.
- ne dites pas de sottise, aucun groupe religieux ou non, ne peut avancer sans un meneur…un chef. Dans ce cas, s’ils n’en ont pas, il nous suffira de leur en donner un.. Quelqu’un qui saura guider toutes ces brebis égarées..

Le ton était légèrement teinté d’ironie, Lucrézia n’avait pas oublié les paroles entendues pendant la messe. Ces chrétiens étaient tels des brebis égarées qui attendaient leur berger, et celui-ci était tout trouvé. La vestale vint se tenir en face de Gabriel et le menton fièrement dressé, ajouta dans un sourire triomphant.

- Ainsi Gabriel, ce sera vous leur berger, ce sera vous qui les guiderez.
- ah oui ? et je les guiderai tout droit dans la gueule des lions ! Vous parlez d’un berger.

Lucrézia sourit devant le ton sarcastique de Gabriel. Bien sûr, il ne pouvait penser autrement puisqu’il ignorait encore la suite des projets de Lucrézia.

( suite au Colisée)

Invité

Dans sa chambre, Lucrezia faisait les cents pas, furieuse. Sur son visage était inscrit une colère froide, une rage mal contenue. Son teint était presque vert à force de crier, et de refuser de manger. Elle saisit un premier vase qu’elle jeta au sol de rage. Elle marcha sur les morceaux sans les voir.

Vestale, c’était un cadeau de l’impératrice Akeru pour la paix entre vos deux royaumes.
Ah oui ?

CLING

Un autre vase rejoignit les morceaux du premier. Elle regarda fixement son conseiller, dans un air de défi. Le sénateur se raidit, craignant de finir – et pas aussi bien que les derniers chrétiens – aux lions.

IL m’a VOLE ma sœur.
Lucrezia… Chérie.
Rhooooooooooo… Sa voix était outrée. Elle se tourna, les yeux plein de rage, vers son mari. Il n’y a pas de « chérie » qui tienne.
Mais enfin...
Elle doit être élevée comme une Vestale.
Mais en tant que Fiancé il a le droit de la voir. Ce que tu lui interdisais. Et même si nous savons qu’il l’a, nous n’avons aucune preuve de ça.

Octave avait un pli soucieux sur le front. Depuis deux jours il devait affronter les crises de rage de sa femme. Elle avait obtenu la survie des Chrétiens. Il ne comprenait pas son intérêt subit pour ces parias mais il avait espéré qu’elle se remettrait du choc de son enlèvement. Au lieu de cela, en rentrant des festivités, on lui avait annoncé la disparition soudaine de sa demi-sœur, fiancée officielle de Reptus Veronus. Comme par hasard, ce serpent vicieux était sorti, glorieux de l’arène. Il venait de gagner une bataille. Il préféra lancer son dernier argument.

Dis toi qu’il ne peut pas la tuer. Au pire elle sera élevée au loin. Mais le Sénateur est un homme superstitieux. Jamais il ne fera de mal à une enfant dévouée aux Dieux.

Lucrezia s’immobilisa un instant et poussa un long soupir.

C’est sur.

Elle s’effondra sur un fauteuil sans dossier qui trainait là et posa sa tête dans ses mains.

Je suis si laaaasse de me battre. J’ai envie de m’amuser.
et bien va te distraire. Le Sénat doit siéger cet après midi je te rappelle, pour se battre pour tes réformes agraires. Nous verrons si Reptus tient sa parole. Si ce n’est pas le cas…
oui… tu as raison. Amusons nous un peu.

Elle claqua du doigt. Clarisse apparut immédiatement de derrière une tenture, sans un bruit, sur la pointe des pieds. Elle s’inclina profondément.

Prépare moi une tenue digne du Sénat. Que j’y sois Glorieuse. Et fais venir mes Sœurs Vestales. Cette réforme est une épreuve de force. Il faut que tout le pouvoir exécutif du royaume soit présent pour montrer notre puissance.

Lucrezia se leva de nouveau, se rassit et de nouveau tomba presque. Elle se frottait le visage, l’esprit ailleurs.

Je dois sortir mais je serais présente en temps et en heures.

Sans laisser le temps ni à son vautour de conseiller, ni à son mari de réagir, elle attrapa une cape et sortit presque en courant dans le dédale du palais.

» Appartements du Roi..