Salon bleu

Invité

16. (Avant, aux portes du château)

Ils furent introduits peu après dans le salon du roi, et le chevalier Perceval les y abandonna, les priant de patienter un peu. La pièce malgré le nom de salon qu’elle portait, était immense, les plafonds démesurément hauts, et de nombreux canapés de velours bleu étaient disposés un peu partout le long des murs, au centre et de côté. De hauts miroirs et portraits imposants ornaient les murs et de lourdes tentures de velours paraient chacune des grandes fenêtres. Nul doute qu’ils se trouvaient dans le château d’un roi. Chacun de leur petit groupe, y alla de son commentaire, examinant les différentes statuettes, bibelots et tout ce qui décorait la pièce.

- Etonnant ! Non, non je dirais même stupéfiant ! On aurait pu croire à une mauvaise blague au départ, mais plus à présent, capitaine, je trouve cette situation…véritablement incroyable. On dirait que nous avons fait un bond en arrière dans le temps.
- je m’en suis rendu compte, professeur, cependant tout ceci trouvera bien une explication logique.
- je l’espère bien aussi, je n’ai jamais vu quelque chose de tel, de toute ma vie.
- qu’est-ce que c’est ?
- c’est une cheminée…
- une cheminée ? à quoi ça sert ?

Barossa haussa un sourcil devant la réflexion d’Orianka, cette petite n’était vraiment pas commune, enfin, rien de ce qu’il avait découvert ici était commun.
Soudain un mouvement derrière eux, les fit tous se retourner dans un bel ensemble. Le roi venait de faire son entrée, suivi de près par le chevalier de Perceval et deux autres gardes qui restèrent à l’entrée.

- Messieurs, alors voilà donc ces fameux voyageurs ?

Cortès s’inclina dans une profonde révérence, appliquant la plus stricte étiquette qu’on lui avait enseignée et se présenta à nouveau, comme il l’avait fait auparavant devant les enceintes du château.

- Oui Perceval m’a expliqué. Ainsi vous servez la reine Isabelle d’Espagne ? Content d’apprendre que le royaume d’Espagne se porte toujours bien. Mais je vous en prie, installons-nous. Vous aurez je suppose pas mal de choses à me raconter. Comment êtes-vous arrivé jusqu’ici ?

Et Cortès se lança dans un long et pittoresque récit de ces deux derniers mois d’aventures, sur un ton résigné, craignant encore une fois que ce roi Richard n’y vit là que pur amusement. Mais grâce au ciel, ce dernier n’y vit là, nul amusement.

- je vois.. je vous plains, capitaine. Vous devriez dès à présent renoncer à revoir un jour votre patrie.

Cortès fronça les sourcils, résistant à l’envie de se redresser aussitôt de son fauteuil.

- renoncer ? Jamais ! Il me faut moi et mon équipage retrouver le chemin du retour, quoiqu’il nous en coûte.

Le roi, soupira, sourire compatissant.

- Je comprends votre réaction capitaine. Mais il vous faut savoir qu’ici, vous n’êtes plus en Espagne, qu’ici, il n’y a plus rien du monde que vous avez connu. L’accepter est difficile je le conçois parfaitement. Nous avons eu beaucoup de cas qui s’y refusent aujourd’hui encore. Mais vous vous trouvez dans un autre monde capitaine. Vous faites partie des voyageurs, de ceux qui ont la plus étrange des destinées, celle de poursuivre ici, ce qu’ils ont commencé là-bas..
- là-bas ?
- Votre Altesse, veuillez m’excuser de vous interrompre mais, pour un scientifique comme moi, l’idée que vous évoquez, est tout simplement inacceptable !

Pourtant Barossa était infiniment troublé par ce que venait de leur apprendre le roi. Ce château, ces chevaliers, toute cette mise en scène était bien trop importante pour n’être qu’un canular, et jusque là, il n’avait pu trouver d’explication sensée. Mais voilà que celle donnée par le roi, ne le satisfaisait pas du tout.

Le roi Richard:

- je le sais. Et pourtant, il vous faudra bien l’accepter. Cependant, capitaine Cortès, sachez que je serai honoré de vous accueillir à Utopia.

Les paroles du roi n’étaient pas anodines. On lui avait rapporté moult compliments sur le navire à bord duquel était arrivé le capitaine espagnol. Le voyageur serait un atout de taille pour compléter la flotte des vaisseaux du roi, surtout vu la menace qui pesait sur le pays. Le roi devait parvenir à le convaincre, au nom de la reine Isabella, s’il le fallait. Tous les arguments seraient bon à prendre, surtout qu’il sentait l’homme particulièrement décidé.

- Merci de votre proposition, votre Altesse, mais je ne suis pas homme à renoncer si facilement. Je ne sais que penser de tout ce que vous venez de me dire, mais je ne me vois pas en train d’annoncer cela à mes hommes d’équipage sans provoquer aussitôt une mutinerie.

Richard resta silencieux un instant, réfléchissant au moyen de convaincre le capitaine. Les paroles ne suffiraient pas à convaincre l’espagnol. Il leur faudrait des preuves concrètes, quelque chose qui leur ferait comprendre définitivement qu’ici, Liberty n’avait plus rien à voir avec cette terre que connaissait l’espagnol. C’était misère que le temps lui manquât ainsi, il n’aurait jamais le temps de le convaincre..

Cependant le roi Richard ne pouvait se douter que les évènements joueraient en sa faveur. Un messager se présenta à la porte du salon. Lancelot était de retour, et des visiteurs de Djamila s’annonçaient aux portes du château. Peut-être que le fait de les confronter tous, serait la solution au problème du roi. Et puis le temps lui manquait pour trouver une meilleure idée.

- Nous n’allons pas vous retenir plus longtemps votre altesse, moi-même j’ai une commande à fournir à ce marchand dont je vous ai parlé.
- un marchand ? Ah oui.. quel nom vous dites ?
- Siney Quincy, il attend la livraison depuis Djamalia depuis quelques temps déjà.
- j’ai un peu de mal à vous suivre, je dois dire, vous m’avez dit être au service de sa majesté la reine Isabella, et vous me parlez à présent de transport de marchandise.
- c’est qu’il me fallait bien trouver de quoi remplir mes calles de nourriture.
- oh oui bien sûr. Voilà qui était ingénieux de votre part.

Le roi comprit surtout que le capitaine avait besoin de revenus pour poursuivre sa route avec son équipage. Il tenait là un bon argument pour le retenir. Mais il fallait aussi traiter avec ces visiteurs. C’est pourquoi il leur proposa de poursuivre la conversation lors du repas qui n’allait pas tarder à être servi. Il recevrait ainsi tout ce petit monde dans la grande salle à manger. Oui, il allait réunir tous ces visiteurs autour d’une table, voilà qui ne manquerait pas d’intérêt.

- Perceval, veux-tu bien te charger de proposer à nos amis djamiliens de se joindre à notre table ? Et fais venir Lancelot s’il le souhaite. Capitaine ? vous resteriez bien un peu n’est-ce pas ? Je vous fournirai un guide plus tard, pour que vous puissiez remplir votre parole engagée avec ce marchand. Mais je suis sûr qu’en attendant, vos amis et vous-mêmes, seraient fort aise de reprendre quelques forces et de lier connaissance avec des gens de notre monde. Lancelot est un de mes plus fidèles serviteurs.

Et tandis qu’il lui contait quelques anecdotes, le roi, le capitaine et sa suite quittèrent le salon bleu.

( suite ..grande salle à manger)

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