Grande Salle à manger

101 ( Avant, aux portes du château

Hélios dévisagea Sahar les yeux ronds, à la fois stupéfait et admiratif devant son culot. Elle avait l’air de savoir où mettre les pieds. Combien de fois s’était-elle faite passée pour une personne qu’elle n’était pas ? Et avec lui, avait-elle aussi joué la comédie ? Non Hélios chassa cette pensée, elle avait fait beaucoup pour l’aider à retrouver Jason, et à présent c’était encore à cause de lui qu’elle se retrouvait dans cette situation, même si ça ne semblait pas particulièrement la déranger au vu de l’air réjoui qu’elle avait affiché un peu plus tôt.

Sentant le regard des curieux qui s’étaient approchés sur eux deux, Hélios se reprit et afficha à nouveau cet air impassible de l’esclave qu’il était devenu. Pour avoir côtoyé nombre d’entre eux, ce n’était pas trop difficile pour lui d’en adopter les attitudes. Après s’être présentée, Sahar et lui furent invité peu après à suivre le garde jusque dans le château. Le roi Richard allait les recevoir à sa table.

Hélios se demandait si c’était une bonne chose ou non, aurait aimé en parler avec Sahar, mais ils n’étaient plus seuls. Il ne lui restait plus qu’à faire confiance à la jeune femme et à observer ce qui se passerait ensuite. Ils furent donc introduits dans une immense salle comme Hélios en avait rarement vu, sauf au palais de la reine Lyra. C’était donc la salle à manger où aussitôt un crieur annonça leur entrée.

- Sahar Arnak H'euz, ambassadrice de son Altesse Semoâ El Chef Ier du nom.

Plusieurs têtes déjà présentes, se tournèrent vers eux, les dévisageant avec curiosité. Hélios les observa à son tour, gardant un mètre de distance d’avec Sahar qui du coup s’avança d’un pas assuré vers tous ces inconnus. Le roi ne semblait pas encore présent..

( Avant, salon bleu)

Le roi inclina la tête dans un salut respectueux pour la jeune visiteuse, avec juste un regard pour celui qui l’accompagnait et qui se tenait en retrait. Il apprécia les manières de la belle ambassadrice et elle lui fut d’emblée sympathique.

- Que votre sultan en soit remercier, Mademoiselle Arnak’heuse, prononça-t-il en hésitant un peu sur ce nom étrange. Permettez-moi de vous présenter ces personnes qui sont aussi en visite au palais. Des voyageurs, ils viennent ainsi de très loin, mais j’ai cru comprendre qu’ils étaient passés par une ville de votre pays…

Il fit un signe, invitant le capitaine Cortès à approcher.

- Voici donc le capitaine Felipe Cortès, au service de sa majesté la reine Isabella d'Espagne, et ses amis.
- Mademoiselle, enchanté de vous connaître.

Cortès n’ajouta rien de plus à ce salut des plus conventionnels. Le regard d’un vert si clair, l’avait surpris. Il s’y perdit un instant, mais retrouva vite la droiture que l’on se doit de montrer à la cour.
Les autres aussi, se montraient fort intrigué par ces gens venant de Ddjamila, au teint pourtant si occidental, aux cheveux si blonds. Tiago et Orianka s’étaient du reste, rapprochés de l’homme qui accompagnait l’ambassadrice..

- Bien je comptais aussi sur la présence de Lancelot, l’un des mes plus fidèles chevaliers, mais je suppose qu’il aura été retenu. Je vous en prie, installons-nous, et chère ambassadrice, vous m’expliquerez pendant le repas, ce qui me vaut l’honneur de votre visite.

17,

Cortès observa la nouvelle arrivante, et l’homme qui l’accompagnait. Quel étrange couple que voilà, se dit-il. Le professeur, Abel, Tiago et Orianka les observèrent avec le même intérêt. Le roi Richard semblait avoir pas mal de visiteurs à son palais, et les accueillait à leur table. Ces utopiens comme le roi avait défini son peuple, se montraient des plus accueillants. Et l’étiquette exigée au palais de la reine d’Espagne était bien plus rigide que ce qu’ils pouvaient observer ici. Voilà qui lui faisait plaisir.

Il inclina poliment la tête quand la jeune femme aux yeux si particuliers, la salua, et laissa le roi les présenter, curieux, il devait l’avouer d’en apprendre un peu plus sur elle. Mais pas autant que le professeur Barossa qui à peine le roi les invitait-il à s’assoir, s’avança pour se présenter de lui-même. Il prit élégamment la main de la jeune femme et y appliqua le plus délicat des baises-mains.

- Mademoiselle, permettez que je me présente, je suis Lucio Barossa, professeur de la faculté des sciences de Madrid. J’accompagne le capitaine Cortès depuis longtemps, je suis un professeur au service lui aussi de la reine, mais de la science avant tout. Il est vrai que nous avons fait escale à Birem, une jolie ville de votre beau pays, mais j’aurais bien aimé en découvrir un peu plus sur ce pays. C’est pourquoi j’aurai grand plaisir ce soir, à partager votre table.

Et le professeur s’écarta pour laisser la jeune femme s’avancer. Mais l’homme qui l’accompagnait, fut le plus prompt et après un regard où Cortès vit la colère briller, il tira la chaise pour permettre à l’ambassadrice de s’assoir, et se recula aussitôt, derrière sa chaise, bras croisés sur son torse, en une attitude qui défiait quiconque de venir embêter sa maîtresse. Puisque telle semblait la position de la jeune femme par rapport à son accompagnateur.

Quand aux autres, tous s’assirent à la table, lui-même face à l’ambassadrice, en bout de table, alors que le roi prenait bien sûr la place à la tête de la table. Les autres s’installèrent autour.

- lui ne va pas s’assoir ? S’étonna soudain Orianka de sa voix chantante.

Cortès fronça les sourcils, la jeune femme avait vite oublié le début d’éducation qu’elle avait reçu à Djamila, pour retrouver tout son naturel. Embarrassé, il regarda l’ambassadrice, attendant sa réponse. L’intéressé ne semblant pas vouloir prendre la parole, s’il en était toutefois capable. Cortès n’aurait pas été surprit de le découvrir soudain privé de sa langue afin de le rendre muet, une pratique courante dans les orients.

Tiago pouffa de rire, mais redressa aussitôt les épaules devant le regard réprobateur de son capitaine. Le jeune mousse aussi, n’était guère habitué à l’étiquette exigée dans une cour.

10-
Un couple étrangement habillé lui passa devant. D'abord surpris Lancelot les regarda passer sans un mot ni un geste. Le soldat lui dit qu'ils venaient d'une contrée lointaine tout comme les premiers visiteurs. **Et bien il y a foule au palais.. qu'est ce que cela veut dire ?**

une fois la délégation ayant prit place, Lancelot fut autorisé à entrer dans la grande salle, et s'agenouilla devant celle occupée par le Roi d'Utopia :
- monseigneur m'a mandé... me voilà à son service !

102.

Hélios s’efforçait de jouer son rôle, mais Sahar ne l’aidait pas. Si elle s’imaginait qu’il ne voyait pas la manière dont elle aguichait l’un et l’autre des convives présents, c’est qu’elle le prenait vraiment pour un imbécile. Cependant, il avait fait une promesse et mettant sa fierté de côté, il continua de jouer son rôle, jusqu’au moment où Sahar fit la demande de le voir quitter la salle. Pendant un instant, il resta coi en entendant ses paroles, stupéfait, mais il s’inclina respectueusement face au choix de sa maîtresse et quitta donc les invités, non sans se courber une seconde fois devant le roi.

En silence, il quitta la grande salle, et quand il se jugea suffisamment loin d’eux, il gronda et envoya un coup de poing dans le mur, ce qui ne fut pas sans lui laisser quelques marques et hélas très douloureux. Mais cela le calma instantanément. Il allait faire ce qu’on attendait de lui.. Se mêler aux domestiques et serviteurs de tout acabit du roi..
Tout ça, pendant que mademoiselle minauderait devant ces beaux de la cour..

Il faillit se perdre plusieurs fois dans cet immense dédale de couloirs, mais réussi à trouver les grandes cuisines en interrogeant parfois un jardinier, ou un simple soldat passant par là.

Quand il entra dans la pièce au moins aussi grande que celle de la salle à manger, en pleine effervescence.

- Oh là toi, ne reste pas là !! Qu’est-ce que tu veux ?

L’homme un mastodonte couvert d’un tablier bien garni de tâches de nourriture, le toisait d’un air mauvais, son grand couteau toujours en main, et un poing sur sa hanche.

- je cherchais les locaux qui servent à vos employés pour déjeuner.
- ah oui ? mais t’es qui toi ? Y’a beau avoir du monde qui passe ici, j’connais tout l’monde.

Puis soudain il gronda de sa voix de stentor sur un des jeunes aides de salle qui touillait dans une grande marmitte.

- hey, ne laisse pas brûler ma sauce toi !! Ou il t’en cuira !

Hélios vit le gamin se mettre à remuer sa spatule deux fois plus vite et attendit patiemment que l’autre lui porte à nouveau son attention.

- Je suis esclave de Sahar Arnak’Heuz, ambassadrice du Sultan à Djamila.
- ha voyez-vous ça !! Un esclave, v’là qui nous envoient des esclaves de Djamila.
- c’est le roi qui lui a dit que pourrai disposer d’un repas dans vos salles, avec ses domestiques.
- mouais, si c’est l’roi qui le dit ! Dans ce cas.. de toute façon va t’falloir patienter. Ici les domestiques ne mangent qu’une fois que son altesse a terminé.. Comme ça, si y’a des restes, c’est jamais perdu, si tu vois c’que j’veux dire. En attendant, tu vas p’têtre pouvoir te rendre utile.
- moi ?
- ben oui, une paire de bras, en cuisine on laisse pas à rien faire. Me manque des pommes pour le dessert. Avec ce surplus d’invités à la table du roi, j’aurai jamais assez.. Tu vas aller voir le vieux Gambs, tu l’trouveras sans doute dans son jardin de l’aut’côté de la chapelle. Bah allez quoi !! Qu’est-c’que t’attends ?

Hélios fronça les sourcils, mais préféra ne rien dire. Le voilà qui était devenu commis de cuisine, juste après être devenu esclave… Il était bien loin de la gloire et des lauriers des épreuves olympiques.

( Suite dans les jardins du chateau)

18.

- Vous avez fait escale à Birem dites vous ?
Je vois que vous en avez ramené une des splendeurs de notre pays.
Etes vous passé à Jawharia? Voilà le fleuron de notre pays, aussi pure et belle qu'un Diamant Rose dont Djamila n'est que l'écrin.

Cortès la voyant regarder en direction d’Orianka, se raidit. Qu’allait répondre le professeur ? Cortès en eut presque des sueurs froides. S’il ressortait de cette conversation que la jeune femme s’était enfuie du harem du sultan, face à une représentante du sultan de Djamila, ils allaient tout droit vers l’incident diplomatique.

Mais au moment où le professeur ouvrit la bouche pour répondre, on annonça l’arrivée du chevalier Lancelot qui s’agenouilla avec beaucoup de déférence face au roi. Ils étaient sauvés du moins pour un moment. Cortès profita du petit échange entre roi, esclave et chevalier pour tenter d’attirer l’attention du professeur, mais celle-ci étaient entièrement accaparée par l’arrivée du chevalier, et la présence de la belle djamilienne.

Il salua d’un signe de tête, le chevalier qui s’installait à son tour..

- messire Lancelot..
- Chevalier Lancelot, voici un nom fort porteur de légende, ajouta soudain le professeur sans attendre qu’on l’ait invité à prendre la parole. Sans doute allez-vous nous parler de dame Guenièvre ?

Ouf, il en avait oublié la question de l’ambassadrice.

- Orianka ne vient pas de Djamila, m’dame.. en fait, on n’sait pas d’où elle vient.

Cortès sursauta en regardant en direction de Tiago. Le jeune mousse venait de répondre à la place du professeur, et piqua un fard en voyant le regard réprobateur de son capitaine.

- oh mais ce n’est pas vrai ! renchérit la concernée. Je sais d’où je viens, mais j’ignore comment le dire dans votre langue. Nous n’avons pas les mêmes mots pour parler des choses.
- Oui, bon, je doute que ceci intéresse mademoiselle. Coupa finalement Cortès, en adressant un sourire d'excuse à l'ambassadrice.

Lancelot fut des plus surpris par le "mon ami" venant de son Roi. Mais comme tout bon Chevalier, il n'en montra rien. Le souverain lui présenta alors ses deux invités et leur accompagnateurs. Le chevalier blanc fit un baise-main aux Dames et salua du chef les hommes. Avant de prendre place, il entendit que la raison de sa présence lui serait communiqué ultérieurement. La main sur le coeur, il baissa la tête en direction de son suzerain pour lui signifier son "accord".

Heureusement, Lancelot avait eu le temps de s'assoir quand son voisin lui parla de légende et de Dame Guenièvre. Surprise était même pas assez fort pour décrire l'émotion que suscita la phrase de l'homme appelé par le capitaine "professeur". Le chevalier blanc allait répondre lorsqu'un jeune homme prit la parole à propos de Orianka.

** Mais quel est cet équipage là ? Comment ose t il parler ainsi de notre chère reine. **
Le capitaine finit par couper la conversation avec l'amvassadrice. Lancelot en profita pour regarder un instant le maitre des festivités, seulement celui-ci était accaparé par le même soldat qui l'avait fait patienter puis entrer.
**Que va t-il encore se passer ? Est-ce Joie qui fait des siennes auprès des serviteurs ? ** songea t-il. - Messirs, Je ne sais de quels légendes vous parler. Peut être pourriez vous combler cette ignorance ? dit-il en oubliant volontairement le sujet qui tenaillait son coeur depuis son départ du château voici quelques lunes.

19.

Cortès plissa les yeux quand il entendit la jeune femme s’exprimer en cette langue qu’il avait entendue là-bas. A quoi jouait-elle ? Pourquoi lui parlait-elle en cette langue étrangère ? Le capitaine jeta un regard vers le roi, mais il était en conversation avec le chevalier Lancelot. Il se tourna alors vers Orianka qui avait pris quelques couleurs. Elle baragouina quelques mots dans la langue djamilienne, avant de croiser le regard de Cortès, plus soupçonneux que jamais.

Orianka avait très bien compris la question de l’ambassadrice et répondit sur un djamilien hésitant :

- Je ne suis pas originaire de Djamila. Désolée, je ne parle pas très bien la langue de votre pays. Je maitrise bien mieux la langue libre, finit-elle en vrai libertien.

Puis elle baissa brusquement les yeux sur son assiette, évitant les regards étonnés de l’un et de l’autre. La question de l’ambassadrice l’avait mise mal à l’aise. Ce fut Barossa qui vint à son secours et à celui de Cortès. Bavard comme à son habitude, le professeur démarra dans une de ses fameuses diatribes.

- ah oui, c’est en effet très intéressant de constater que vous parliez tous anglais, même si vos architectures montrent une nette influence latine. Mais tout dans ce pays me surprend, comme le fait que même le sultan de Djamila parle anglais lui aussi.
- l’anglais ?

Le roi intervint soudain.

- Nous l’appelons ici la langue libre, car elle est parlée de tous les peuples, oui même à Djamila. Cela simplifie beaucoup les relations inter-peuples et le commerce.
- et je trouve ça très adroit de la part de tous ces pays. Plus de barrière de langue, je n’ose pas imaginer toutes les possibilités que ça ouvre à un scientifique comme moi.

Le professeur rit soudain :

- Quand je pense que j’ai appris nombre de langues dans ma vie, et qu’ici, je ne vais pas en avoir besoin. Mais dites-moi, mademoiselle l’ambassadrice, je remarque tout de même une différence notable entre les populations que j’ai pu observer à Djamila et votre personne. Votre beauté est éblouissante certes, mais je n’aurais jamais parié sur des origines arabes.. hum euh djamiliennes. Etes-vous vraiment originaire de Djamila?

Haussement de sourcils de la part de Cortès qui se montra alors très attentif à la réponse de l’ambassadrice. Le fait l’avait étonné lui aussi, mais il n’était pas autant observateur que le professeur auquel aucun détail n’échappait.

20.

Tous les hommes de la table, buvaient à présent les paroles de l’ambassadrice. Elle n’était peut-être pas originaire de Djamila, mais Cortès pensait deviner pourquoi le sultan l’avait choisie pour représenter son nom. C’était une diablesse de séductrice, elle en portait le parfum flagrant, dans chacun de ses sourires, et combien de fois, ne se retourna-t-elle pas vers lui. Cortès restait stoïque, à l’extérieur seulement. Il l’observa ainsi tout le long du repas avec la plus grande attention, concentré, son regard noir sondant celui-ci clair de l'ambassadrice à chaque fois qu’elle se tournait vers lui. Il devait se méfier d’une telle femme..

Barossa de son côté, racontait une de leurs aventures, alors qu’ils avaient voyagé sur d’autres terres. Il avait été intrigué par la phrase mystérieuse de la jeune femme.. Exilée ici, par le hasard des dieux, mais il n’osait poser la question qui le titillait le plus, à savoir comment pouvait-on avoir changé de monde d’un seul claquement de doigt, comme l’avait laissé entendre le roi ?

- Puis-je visiter vos jardins, votre altesse ?

La voix claire et enjouée d’Orianka venait d’interrompre toutes les conversations. Le roi accéda à sa demande, écartant d’un geste et d’un sourire, les protestations que Cortès s’apprêtait à émettre.

- oui oui, bien sur, mademoiselle, vous avez raison, ces repas ont parfois une fâcheuse tendance à traîner en longueur. Laissez, capitaine, ces jeunes gens ont besoin d’exercices… Allez-donc ! Mais prenez garde à ne pas vous perdre, ajouta le roi sur un ton léger. Bien, puis-je vous suggérer de nous retirer pour poursuivre ces conversations dans le salon juste à côté ? On nous servira des digestifs.

Et sans attendre la réponde de ses convives, mais parce qu’il était le roi en son royaume, le roi Richard se leva et précéda les autres dans la pièce dite, salon.. Barossa s’exclama devant les ornements précieux, les belles tapisseries, et les hautes étagères qui recelaient des trésors d’autres pays de Liberty. Orianka et Tiago s’étaient donc éclipsé, il ne restait plus que le chevalier, son second Abel, le professeur et l’ambassadrice pour tenir compagnie au roi.

Cortès emboîta le pas à la jeune femme, lui cédant le passage alors qu’ils passaient dans la pièce voisine, et la regarda s’installer gracieusement dans un des canapés recouverts de velours, proche de la cheminée. Le roi, lui avait déjà pris place dans le plus imposant des fauteuils à sa gauche, et Cortès choisit le canapé en face de l’ambassadrice plutôt que de la rejoindre à ses côtés. Seul Barossa s’était perdu dans la contemplation de ces nombreux bibelots :

- épatant, vraiment.. magnifique, non je dirais même plus, fantastique !

La laissant échanger avec le professeur Barossa et son capitaine, le roi se tourna vers le chevalier.

- Et vous cher ami ? Quelles sont les nouvelles de chez vous ?

Lancelot savait son roi intéressé par le résultat de sa mission et répondit aussitot au souverain mentionnant Joie dans le château. Elle devait surement être aux cuisines pensa t-il un instant.

Le blanc chevalier allait reprendre quand la jeune femme qui accompagnait le voyageur demanda à visiter les jardins. Sa majesté accepta un léger sourire se dessinant sur ses lèvres puis invita le reste de ses convives dans sa salle habituellement personnelle.

Il était normal qu'une ambassadrice mérite un tel geste mais un simple voyageur. Lancelot fut intrigué et décida de faire un peu plus attention au capitaine ainsi qu'à celui qui se disait professeur qui, néanmoins, n'avait pas répondu à sa demande.

Le chevalier resta en retrait par rapport aux autres personnes présentes. Tous installés, il se positionna derrière le fauteuil royal. La conversation reprit aussitôt de manière légère.

Tout à coup, un mot avec force importance fut laché : la guerre ! Une guerre se préparait sur les terres libertienne ? Ce n'était pas possible ! Et puis une légende racontait que la paix était assurée par un groupe de femme, guerrière. LE roi ne pouvait qu'être au courant. A moins que ce ne soit qu'une légende !! Et cela expliquerait ce mandat si urgent en déduisit Lancelot.

Au même moment, il entendit l'ambassadrice enchaîner du tac au tac appuyant un peu plus sur le danger qui planait aux portes du royaume. Ainsi, à peine de retour au château de Camelot, il allait devoir à nouveau guerroyer. Mais contre qui ? Quel ennemis pouvait inquiéter à se point le Sultan et le bon roi de Camelot ?

21.

Si Cortès fut surpris de l’offre du roi et de l’annonce d’une guerre dans le pays, ce ne fut rien à côté de la tête du professeur Barossa qui en laissa tomber sa fourchette dans son assiette.

- des valkyries ??? Mais voyons, il s’agit d’une légende !! Les vikings étaient d’un superstitieux !!!
- vous avez été retenue en otage par les vikings ?? S’étonna le roi, surpris.
- les vikings, vous en parlez comme.. non ne me dites pas, je devine déjà les réponses. Ils ont aussi leur place sur ces terres .
- C’est exacte professeur, même que ce sont eux qui nous attaquent, brisant ainsi le pacte le plus ancien de nos terres, celui-là même créé par les amazones !

Cortès cette fois, s’inquiéta de voir le malheureux professeur pâlir et s’essuyer son front de sa serviette..

- nous vivons en plein cauchemar !
- calmez-vous professeur, tout ceci doit pouvoir trouver une explication.
- il n’y a pas d’explications, chers voyageurs. Il vous faut seulement admettre l’évidence, celle que je vous ai exposée un peu plus tôt, capitaine. Vous n’êtes pas en Europe, ni sur quelconque nouvelle terre dernièrement découverte. Les anciens de liberty nous ont gardé de précieux écrits pour expliquer l’histoire de cette terre.
- pourrais-je voir ces écrits ?
- ne souhaiteriez-vous pas vous reposer un peu auparavant ?
- jamais je ne pourrai dormir avant de savoir, avant de comprendre.
- je peux vous faire part de quelques ouvrages dont je dispose ici au palais, mais nos plus précieux livres se trouvent dans la capitale, à la grande bibliothèque d’Utopia. Et pour vous y rendre, il va vous falloir attendre demain, cher professeur.

Le roi se tourna vers Cortès qui semblait plongé dans ses propres réflexions.

- Alors capitaine, acceptez-vous mon offre. C’est ici que vous trouverez toutes les réponses à vos questions. De plus, je ne cache pas que votre présence en ces lieux est providentielle pour moi. Et j’aurais aimé parler affaire avec vous et Lancelot, dès que j’aurai satisfait à la curiosité de votre ami.

Cortès qui vit le roi se lever, en fit de même.

- j’espère que vous ne lui en voudrez pas pour cet emportement, mais.
- non… ne soyez pas inquiet, c’est souvent ainsi que ça se passe avec les voyageurs. Et qui plus est, votre ami est un scientifique, je peux donc comprendre que pour vous professeur, cela soit plus difficile à accepter.

Le roi s’était tourné vers le professeur qui s’était avancé vers lui. Quand à Cortès, il regarda en direction de l’ambassadrice. Retenue prisonnière des vikings….rencontré les valkyries, et tout ceci ne semblait pas l’inquiéter outre mesure. Elle ne se départissait pas de son petit sourire, et cet éclat dans son regard. L’instinct de Cortès, plus que jamais le mit en alerte, et pourtant, il y avait quelque chose d’infiniment attirant chez elle.

- mon capitaine ? Barossa venait de le rappeler à l’ordre. Le roi lui avait posé une question.
- j’accepte votre offre oui, nous resterons quelques jours ici à Utopia.
- ah magnifique, je vais pouvoir en apprendre un peu plus sur ce mystérieux pays.
- voilà enfin une bonne nouvelle.. Souhaitez-vous nous accompagner, mademoiselle Arnak’heuz ? Capitaine ?

Le capitaine se tourna vers la belle ambassadrice, attendant sa réponse.

Lancelot laissa la conversation se poursuivre sans intervenir. Il était partagé entre la joie de défendre le royaume et l'inquiétude de ne pas y parvenir.

Lorsque le roi emmena ses visiteurs à sa bibliothèque personnelle, la surprise le reprit à la gorge. La situation était donc à ce point ?
Dès qu'il vit que la jeune ambassadrice reprenait la conversation avec l'étranger, le blanc chevalier se rapprocha du souverain et s'adressa à lui :

- Majesté, ainsi donc le royaume est menacé. Que puis je faire pour le servir, pour vous servir ?

Le soldat attendit gardant pour lui son impatience. Une oreille, toutefois, écoutait la conversation que Dame Arnak'heuz entamait avec le capitaine.

22.

Cortès afficha l’air aussi stupéfait que le professeur un peu plus tôt. Elle ne connaissait pas l’Europe ? Comment une telle chose était-elle possible ? Toutes les explications du capitaine djamilien, et celles du roi Richard lui revinrent en mémoire. Il n’était pas aussi cartésien que le professeur, mais de là à penser qu’ils avaient changé de monde, le gouffre était immense. Il réalisa brusquement que l’ambassadrice aux yeux d’agathe, continuait de le dévisager.

- Vous n’avez jamais visité l’Europe ?

L’expression lui vint innée, naturelle pour un voyageur n’ayant pas encore réalisé qu’il ne reverrait jamais lui-même sa si belle Europe.

- hé bien, difficile de la décrire en quelques mots..

Il lui tendit le bras et après une hésitation, elle noua son bras au sien, puis il l’entraîna à la suite de l’autre groupe qui s’était déjà un peu éloigné.

- En arrivant à Utopia, en découvrant son port, j’ai eu l’impression un instant d’y être revenu, le sentiment est étrange, pour un navigateur endurcit qui depuis peu, a perdu tous ses repères. Mais je ne vais pas vous ennuyer par toutes ces considérations. Parlez-moi plutôt de vous, mademoiselle.. vous avez été retenue prisonnière par des vikings vous dites ?

Cortès s’était désintéressé des explications du roi et des échanges entre le professeur et le seigneur d’Utopia, bien plus intrigué par la belle ambassadrice. Son instinct lui soufflait qu’il en apprendrait plus au sujet de ce pays en écoutant la demoiselle qu’en suivant le cours d’histoire du roi.

Ce qui n’était pas du tout l’avis du professeur qui s’extasiait devant les trésors que lui faisait découvrir le roi…

A suivre ici

104. (Avant, dans les jardins du château)

Dans les cuisines:

Hélios raccompagna Gambs aux cuisines où ils trouvèrent le chef en pleine préparation. Quand il vit le vieux Gambs, ses sourcils se froncèrent.

- Alors Gambs, tu es allé les chercher à Katmandou ces pommes ??
- ouais, tiens, ça m’aurait fait voir du pays. Et toi, depuis quand tu utilises les esclaves des ambassadeurs qui sont en visite au palais ?
- ben tu me connais, j’aime pas que deux mains restent sans rien faire dans ma cuisine.. Bon alors toi, tu as toujours faim ?
- hey, pour sûr, et moi aussi !
- Les autres ont-ils fini de manger ?

Le cuisinier dévisagea Hélios avec un sourire.

- Mais c’est qu’il parle l’esclave !
- Hélios, si vous permettez..
- oui, Hélios et bien ils vont peut-être bientôt avoir leur dessert..

Et le chef des cuisines commença à donner des ordres autour de lui pour que ses aides s’activent. Les pommes furent promptement découpées puis déposées sur un lit de pâte et mises au four. Un exquis parfum ne tarda pas à envahir la pièce.
En attendant, tous trois s’installèrent à une table, et Hélios revint sur la légende :

- Donc tout le monde connait la légende ?
- la légende quelle légende ?

Gambs secoua la tête, tandis qu’il goûtait au potage. Il avala une cuillère puis répondit :

- celle d’Excalibur.. mais non fiston, il y en a que très peu qui la connaissent.
- c’est des fadaises tout ça ! Y’a jamais eu d’épée, ça se saurait tu crois pas ?
- mouais, peut-être.. en attendant, elle lui serait bien utile au roi..
- c’est une armée entière qui lui serait utile.. j’ai entendu dire que les amazones s’étaient mises en route, enfin c’est pas une bande de gonzesses déguisées en guerrier qui vont v’nir à bout de ces satanés vikings !
- Va savoir…
- Bon vais en terminer avec ces tartes..

Gambs hocha la tête et regarda son ami s’éloigner, pour se pencher vers Hélios.

- il fait partie de ceux qui ne croient à rien.. un pessimiste ! Moi je te le dis, si le roi trouvait cette épée, la victoire serait assurée. Seulement personne ne sait ce qu’elle est devenu.. hum….

Le vieil homme eut l’air pensif tout à coup..

- on raconte que la bibliothèque d’Utopie renferme le secret de sa cachette.. enfin faut-il encore savoir lire, tu sais lire toi ?

Hélios allait répondre par l’affirmative quand le vieux le dévança..

- Mouais, t’es un esclave, tu dois pas savoir… Me demande si j’pourrais encore apprendre moi.. doit y’avoir de bien jolies histoires dans c’te bibliothèque. Bon… l’est temps d’aller me coucher pour moi. Adieu ptit, ou peut-être à la revoyure ! Qui sait ?

Gambs lui fit un clin d’œil et se retira, non sans avoir piqué un morceau de tarte sur l’étal..
Quant à Hélios, il attendit que les invités aient terminé leur repas pour se retirer, mais alors qu’il allait rejoindre Sahar dans sa chambre, le cuisinier le retint..

- Allons toi, tu vas nous aider à remettre tout ça en ordre !

Hélios se renfrogna, mais n’osa pas refuser, il n’était qu’un esclave après tout.. Ainsi il fut de corvée de nettoyage de la cuisine et quand tout fut en ordre, il put enfin retourner auprès de Sahar.
Il était temps ! Et puis il avait pas mal de chose à lui apprendre, elle serait contente..

( Suite, appartements des invités )