Le Palais Sélam

19- L'encens à sión




La fête battait encore lorsque Jared revint au Palais. Il n'était plus seul mais accompagné d'une magnifique jeune femme. Elle avait remonté ses cheveux, teint avec un peu de suie noir spéciale mélangée à de la cire, en un chignon. Elle s'était maquillée les yeux au crayon noir, ce qui faisait ressortir sa couleur noisette. Elle avait déposé dans ses cheveux une orchidée sauvage à gauche et un fin filet de perle.
Posé sur son visage, un tissu transparent. Ses coté brodés d'or et de perle rendait la femme encore plus jolie que les autres. Ce qu'elle portait ? Une longuer jupe rose perlée à l'identique de son "foulard". Ainsi qu'un petit haut qui lui sciait bien.

- Jared... Je ne pensais pas te revoir...
- Je tenais à m'excuser de la tenue de mon frère et pour ce faire, je vous ai ramené une belle danseuse votre Altesse...

Et pour appuyer ses dire, la jeune femme s'avança vers le Sultan en se dandinant, balayant les favorites. Elle s'avança vers lui, remuant son corps de déesse devant les yeux amplis d'envie. Elle s'en approcha doucement et lui souffla dans les oreilles comme pour lui dire quelque chose que seul lui pouvait comprendre.
Jared esquissa un léger sourire. Fatiha était une excellente manipulatrice. Il voulait aller retrouver les deux captifs mais savait qu'il était encore trop tôt...
Le spectacle dura une bonne heure avant que la jeune femme n'eut les faveurs du Sultan. Il ordonna de continuer la fête tandis qu'il entraina la danseuse exotique en ces quartiers. Il aimait les femmes et grâce à celà, Jared put exploiter sa faiblesse. Mais il savait que son prix serait fort à payer...



- Dîtes-moi mon bon Sultan... commença la jeune femme après s'être ébattu avec son Altesse Royal. Puis-je vous demander une faveur... ?
- Tout dépend de la faveur femme...
- Vous avez, tantôt, enfermé deux hommes qui, parait-il, se serait jouer de vous.
- Serait-ce le Prince qui t'envoie ?! Dis-lui que je n'ai nullement...

Fatiha esquissa un léger sourire.

- Mais non mon Roi... fit-elle en prenant une petite capsule située dans son pendentif. Je suis venue seulement pour vous satisfaire...

Elle cassa dicrètement la capsule au dessus du Sultan et sans qu'il s'en aperçoive, il fut recouvert d'une douce senteur.

- Pourtant, je voudrais savoir s'il était possible de les relâcher... ? Farid n'a commis aucune erreur et son faux Diamant pourrait remplacer le vrai pour éviter de nouveau un vol... De plus, le jeune homme qui vous la ramener pourrait fortement mettre ses compétences à bon escient... Je lui apprendrai, faîtes-moi confiance...
- Oui... c'est une excellente idée...

Le Sultan ferma les yeux lentement et lorsqu'il ronfla comme un bien heureux, la jeune femme se rhabilla rapidement et retourna d'où elle venait...

C'est au petit matin que la porte s'ouvrit.

- Le Sultan vous attend !
- Quoi ?!
- T'es sourd ?!
- Je te l'avais dit, nous sommes libres ! dit Farid en se levant lentement.Alors, tu viens ?!
- Libre... C'est vite dit... sussura le jeune homme.

Le Salaud Gentilhomme n'eut pas eu d'autre choix que de suivre le faussaire de Diamant. Néanmoins, il garda la clef subtilisée la veille dans ses poches au cas où...
Les gardes les emmenèrent au Sultan. Il était accompagnée d'une femme que Farid sembla reconnaître. Pourtant ce dernier ne dit mot. Locke se tenait en silence et attendait la suite des évènements...

- Farid, fils de Sayid et frère de Jared... Tu as été accusé de parfaire le Diamant rose et c'est pour cette raison que tu as passé la nuit dans nos geôles ! Pourtant, une idée me vint, ce faux Diamant restera en ma possession et tu devras m'en fournir deux autres ! Bien évidemment, tu as une journée pour les faire... !

Il voulut contester mais la jeune femme lui figne un signe et il se tut.

- Vos désirs seront faits votre Altesse... !
- Quant à toi, Saltimbanque, tu as prouvé que nos surveillance n'étaient pas aussi parfaite qu'il le semblait. De plus tu as souligné une chose que je ne peux tolérer sur mes fils ! Je ne sais pas si tu peux rester vivre plus longtemps en plasphémant de telles accusations ! Pourtant, tu peux être un allié utile et pour le fait, je te laisse au soin de cette jeune femme qui saura faire ton éducation !

La Ronce se demanda s'il devait le remercier ou non... Après toutes les mésaventures qu'il avait vécu, il devait rester en cette Cité avec cette femme... bien évidemment, il savait qu'il ne devait juger sur une quelconque apparence mais cette Cité lui avait prouvé qu'il était difficile d'en jouer...

- Vous pouvez désormais rejoindre ce que vous devez faire ! Farid, j'espère sincèrement te revoir demain...

Et c'est ainsi que les deux hommes et la jeune femme quittèrent le Palais...



Tout'é bon

Il était encore tôt dans l’après midi. Le sultan se délectait de dattes et de raisins importés d’Arcadia. Hakim n’avait pas dis son dernier mot. Il entra dans la salle sans même se faire annoncer.
Le sultan haussa un sourcil.
Je peux savoir la raison pour laquelle tu viens interrompre mon repos ?

Hakim s’incline solennellement.
Le peuple n’attend pas ses bons dirigeants. L’heure me semble grave altesse.
Dis-moi…
Il se penche en avant et vient s’installer à proximité du sultan lui murmurant ses craintes à l’oreille.

Pourquoi avoir relâché ces hommes Altesse ? Le peuple a eu vent de la disparition du Diamant. Il veut un coupable… Et s’il apprend que tu as relâché et le voleur et le faussaire… Le peuple n’aime pas apprendre qu’il a été trompé… Savoir qu’il y a des copies de son emblème te portera malheur, Altesse.

Le sultan frissonne à cette idée. Il se voit déjà à l’ombre de la hache du bourreau.
Hakim sait qu’il gagne du terrain.

Jared t’as trompé, Altesse. IL s’est joué de toi. C’est lui qui a commandé cet ouvrage à son frère. Il est le premier a vouloir ta perte. N’oublie pas que le peuple aime ces nomades. Les légendes ont toujours dis qu’ils étaient les protecteurs de la cité. Il pourrait révéler le secret des copies et enflammer toute la plèbe… J’ai peur pour toi Altesse. J’ai peur pour tes fils. Ne laisse pas ces hommes risquer de te faire couper la tête… Ils doivent être jugés par le conseil des sages. Ils ont le droit de se défendre, mais ils ne doivent pas être relâchés ainsi. Rattrape les, jette les aux cachots en attendant l’ordre du conseil. Si tu ne veux pas les faire exécuter, exile-les, mais ils sont une menace pour toi tant qu’ils sont dans cette cité… N’oublie pas sultan. Beaucoup veulent ta perte. J’ai toujours été là pour te conseiller avec tes fils. Jared avait peut être un père digne de confiance, mais je n’en dirais pas tant de lui…

Hakim se relève, salue à nouveau le sultan et se retire, laissant là un dirigeant, hanté par la possibilité d’une rébellion populaire s’il ne trouvait pas de coupable au plus vite…

Le sultan pose une main moite sur sa gorge et déglutit difficilement. Il frissonne à l’idée d’une révolte de son peuple…
Il est encore un peu jeune pour mourir. Et puis, que deviendrait le pays sans lui à sa tête, il courait à sa perte bien entendu. Non ! Il ne peut se permettre de laisser cette histoire lui pourrir sa journée.

D’une voix, presque trop aigue, il hurle.
Gaaaaaaaaaaaardes ! Ramenez-moi immédiatement Jared, sa famille et ce saltimbanque !
Le chef de la garde accourt, un peu surpris.
Mais Votre majesté… Ce matin vous aviez dit…
C’était ce matin ! Je veux cette après midi, voir ces individus au fond de mes cachots ! Et depuis quand discutez vous mes ordres !

L’homme s’incline, ne pose pas plus de question, vaguement habitué à ces revirements de situations de la part du dirigeant… Souvent à la suite d’un entretien avec Hakim d’ailleurs…
Qu’attendez-vous ! Qu’ils s’enfuient ! Je les veux vivants ! Ils doivent passer devant le conseil !
Bien, sire ! Qu’il en soit ainsi !

Et le chef de la garde repart en courant dans l’autre sens, récupérant ses meilleurs hommes pour aller sortir le prince, sa famille et leur nouvel ami, de leur trou. Non il n’aurait pas le temps de fuir, car ce bon vieux Mehed Moaha Menphouir, connaissait les rues de Djamila comme sa poche et avec sa garde d’élite, rien ne lui échappait jamais.

Auberge


Ambiance


Les trois hommes arrivèrent au Palais suivis des deux gardes. Locke et Farid arborait un large sourire alors que Jared ruminait.

- Ravi de vous revoir cher Prince Jared...
- Vous m'excuserez de ne pas être du même avis...
- Mais en voilà des manières... Savez-vous pourquoi vous êtes là... ?
- Vous ne pouvez plus vous passez de nous ? répondit Farid d'un ai ahuri.
- Je n'aime surtout pas qu'on se moque de moi ainsi !
- Qui oserait votre Altesse ? Il n'y a personne dans ce cas ici présent !
- Et pourtant, tu es bien le premier étranger...
- Qu'allez-vous penser de moi Altesse ? Je ne suis qu'un humble serviteur qui vous a ramené votre Diamant. Pensez-vous réellement que je serais revenu avec si j'étais le véritable voleur ?

21-

Le Sultan s'énerva encore et Locke sentit qu'il ne devait pas insister. De toute façon à quoi cela allait-il servir ? Jared bouillait intérieur. Tout ça à cause du Diamant... De toute façon sa décision était prise ! Il en avait qu'assez de passer pour le gentil petit Prince !

Quelques minutes plus tard, les trois hommes furent jeter dans une cellule du Palais. Locke s'installa sur une couche tandis que Farid regardait son frère ruminer.

- Désolé Farid, je ne voulais pas t'amener là...
- Je l'ai cherché... Tu ne m'as forcé en rien du tout...
- Mais par ma faute, tu es enfermé...
- Nous sommes tous enfermé à cause des envies du Sultan ! Lunatique... Peut-être l'âge...
- Tu ne devrais pas parler ainsi du Sultan...
- Sinon quoi ? Je lui ramène son bijou et voilà comment on me remercie... Vraiment... Même là d'où je viens ils ont été plus compréhensibles...
- Tu ne devrais pas...
- Vous ne pouvez pas vous taire ! On dirait que ça ne vous fait rien d'être enfermé ici ?!
- Disons que nous n'allons pas y rester Prince... Et je compte bien montrer à ce Sultan comment on accueille les gens qui vous rende un service !
- Et quel service lui as-tu rendu ?
- Il me semble que je lui ai rendu son Diamant de pacotille ! Et il me met en geôle pour me remercier... Il ne sait vraiment pas à qui il s'attaque... !

Jared regarda le jeune homme qui tira de ses habits, bien cachée, une clef. Il la fit tourner dans la serrure qui s'ouvrit de suite...

- Et alors, vous ne venez pas ?

Jared semblait hésiter, il savait que s'il s'enfuyait, cela voudrait dire une guerre ouverte et là, rien ne pourrait le "sauver". Sayid n'aurait pas voulu ça, il avait une grande estime du Sultan mais dans une telle situation... Il était temps que Jared reprenne son rôle au sérieux et devienne celui que son père aspirait.

- Il va falloir la jouer serrer...

Locke passa le premier, il avait une idée en tête... Il leur demanda d'attendre ici le temps qu'il rassemble quelques "affaires".

Trois gardes, voilà qui était une aubaine. Bon, vu leur corpulence, ça allait être dur mais qu'importe, il fallait trouver une solution... Il courba son dos, traina la jambe droite et respira bruyamment. L'un des garde le remarqua et s'avança vers lui l'arme pointé sur son torse.

- Que fais-tu ici ?!
- On m'a forcé... Je ne voulais pas...
- Forcé ?!
- Ils ont dit que si je ne le faisais pas, je me ferai tué mais... j'ai réussis à fuir ! Suivez-moi, je vais vous amener à eux !
- Nous prendrais-tu pour des imbéciles ? demanda l'un des autres gardes.
- Loin de moi cette idée... je n'oserai nullement...

Le dernier se mit à rire bêtement. Il savait Locke dans un mauvais pétrin... Le premier garde fit signe au jeune homme se faire demi-tour et de se diriger vers les cellules. Ce qu'il fit, bien évidemment sans broncher.

- Dépêches-toi !
- Ce n'est pas de ma faute si je suis blessé...
- Tu réfléchiras à deux fois avant de vouloir t'enfuir !

Ils arrivèrent rapidement devant la cellule ouverte. Locke avait tellement parlé fort que Farid et Jared n'y étaient plus.

- Merde... ! On a intérêt à retrouver le Prince si on ne veut pas finir comme lui...
- Commencez déjà par vous retourner ! dit une voix derrière eux.

Et sans qu'ils aient eu le temps de le voir venir, un poing s'écrasa sur chacun de leur visage. Et grâce à cette surprise, Locke put même en coller un sur le visage du garde et l'assommer avec. Lui qui n'était vraiment pas fait pour les corps à corps, était assez fier du résultat...
Et c'est quelques minutes plus tard que trois gardes sortirent des geôles laissant trois hommes nus dans la cellules...

22-

- Et maintenant ? On fait quoi ?
- On sort tout simplement du Palais...
- Ça me semble trop simple ton truc...
- Si on ne parle pas, on pourra peut-être passer à travers...
- A travers quoi ?

Mais la seule réponse qu'il obtint fut un mouvement de tête vers le couloir. Deux gardes étaient devant la grande porte du Palais. Ils n'étaient pas du tout comme ces ridicules petits soldats qu'ils avaient croisé plus tôt mais plutôt de deux mastodontes qui gardaient jalousement leur "trésor".

- Qui va là ?!
- Nous avons ordre de son Altesse à...
- Nous devons retrouver la fille ! Celle qui était avec le Prince !
- Le Sultan la soupçonne de comploter contre sa vie !

Locke ne disait plus rien. Les gardes seraient-ils dupes ? Il l'espérait vivement sinon tout ce qu'il avait fait n'aurait servit à rien...

- Nous n'avons reçu qu'un ordre, celui de ne laisser sortir personne !
- Il vient seulement de l'édifier, c'est donc naturel que vous n'en ayez pas entendu le moindre mot.
- C'est étrange, Hakim est venu nous dire de se méfier de ce genre de palabres...
- Quoi ?! Hakim ce...

Farid venait de placer sa main devant la bouche de son frère pour éviter qu'il ne dévoile sa véritable identité. Ls gardes levèrent un sourcil trouvant cela très étrange. Locke se plaça juste devant eux et esquissa un large sourire.

- Vous pensez que nous sommes ces traitres affublés de ce ridicule déguisement ? Mais alors, vous êtes aussi considérés comme tel par nos yeux. Pourquoi ? Vous nous empêchez de faire notre travail et par conséquent, il est assez suspect de voir deux gardes empêcher les soldats du Sultan sortir car ils s'apercevraient rapidement que les traitres se sont enfuis ! Vous êtes deux et ils sont trois ? L'un est certainement caché pour, justement, donner le trouble. Comme ça, nous ne pouvons vous soupçonner... Nous sommes trois et par conséquent ce sont nous les traitres ? Trop facile ! Vous pensez bien que ces traitres sont assez malins non.... ?

Les deux gardes se regardèrent. Le jeune garde qui venait de leur parler semblait dire des choses censées, peut-être un peu trop pour son grade mais... Chaque personne était une "menace", un potentiel traitre. Non, ces traitres étaient désormais en prison, bel et bien enfermés !
Les gardes se détendirent légèrement et décroisèrent les armes.

- Très bien, dépêchez-vous de ramener cette traitresse !
- Ne vous inquiétez pas, nous la ramènerons pour qu'elle souffre avec ses pairs !

Les trois hommes sortirent enfin du Palais le coeur léger. Une fois de plus Locke avait fait son numéro de "charme" et tout s'était passé comme sur des roulettes... Pourtant, ils avaient gardé leur tenues au cas où les gardes leur courraient après.
Jared était devant le petite groupe, filant droit devant sans se poser de question. Locke les suivait car, pour le moment, il ne pouvait aller ailleurs, surtout avec le Sultan, il fallait la jouer discret...

- Et bien, le Sultan semble ne pas vouloir voir ce qui va en son sens... Soit, il ne faudra pas qu'il vienne se plaindre !
- Je ne voudrais pas paraître désagréable mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée que de créer une guerre contre lui...
- Je suis du même avis que ce saltimbanque Jared, nous mettre le Sultan à dos n'est pas une bonne idée et...
- Et quoi ? Saïd ne serait pas du même avis ? Il se serait laisser emprisonner de la sorte sans rien dire ?!
- Je pense plutôt qu'il n'y aurait pas eu toute cette histoire... Regarde, je ne peux plus aller à Djamila et Fatiha aussi par la même occasion et toi, tu veux en plus leur faire la guerre ?!
- Et toi ?! Qu'est-ce que tu veux faire ?! Partir et ne rien faire ? Se laisser faire ainsi ?
- Je ne pense pas que ce soit une solution de faire la guerre. Ce n'est pas, ce qu'on pourrait appeler, quelque chose d'intelligent.
- Il est vrai que de venir voler est noble...

Locke ne dit mot. Il savait que rester là à essayer de dissuader une personne ayant pris une décision était inutile. La petite troupe sortit rapidement de la Cité et bientôt, un campement se dessina... L'heure de la revenche allait sonner !

( A suivre au camp nomade, aux abords de la cité)

2.

- Votre altesse?

Semoa s’était assoupi au milieu des coussins soyeux et multicolores de sa vaste chambre. Il grogna à cet appel qui venait déranger ses doux songes. Ne méritait-il pas un peu de calme après toute cette agitation? On avait retrouver le diamant rose, ainsi son autorité était assurée sur le royaume, oui bon la perle n’avait toujours pas été retrouvée, mais les gardes spéciaux envoyés sur cette affaire, finiraient bien par lui en rapporter des nouvelles. Les gens le prenaient pour un abruti fini. Seulement s’il n’était pas très érudit, il était loin d’être stupide et des années d’expérience lui avaient appris à être plus rusé que ce Hakim lui-même.

Ce dernier ignorait tout de cette garde particulière que Semoa avait engagé auprès d’une caste secrète, de ceux qui se faisaient appeler les « assassins ». Oh non pas qu’il avait besoin de faire couper quelques têtes, quoique cette option n’était pas dénuée d’intérêt et pourrait servir à l’occasion, mais ils étaient les meilleurs parmi les meilleurs, l’élite des soldats de la nuit, et Semoa avait eu une idée de génie en s’entourant de quelques uns d’entre eux. Ils étaient devenus ses espions particuliers, chargés de missions délicates, et leur ordre premier étaient d’agir dans la plus grande discrétion. Hakim ne devait jamais rien savoir de cela. Après tout, Semoa devait disposer de ses propres atouts.

- excusez-moi de vous déranger mais…. les prisonniers.
- oui vous me dérangez! .. quels prisonniers?
- Le prince nomade et ce voleur, et l’autre homme.. Ils se sont échappés.

Le sultan se redressa avec flegme, dévisageant avec mépris le soldat qui lui faisait face.

- Est-ce vraiment une prison que nous avons à Djamila ou un hôtel ou chacun peut y venir et en ressortir à son gré?
- ma foi, c’est que.
- Silence! Je ne veux plus entendre d’excuses imbéciles! Cela n’aurait jamais du arriver!

Semoa commença à faire les cents pas dans sa chambre, plongé en pleine réflexion, un doigt sur sa bouche. Le prince des nomades s’était échappé grâce à ce saltimbanque sans doute, et bien sûr, ils avaient emmené le frère. Peut-être était-ce préférable, cela lui éviterait des incidents diplomatiques avec les berbères et tous ces autres peuples nomades que Jared dirigeait. Oui mais, il lui fallait aussi faire comprendre à son peuple, que sa prison n’était pas une passoire dont chacun pouvait s’en échapper à son gré.. Et pour cela, il lui fallait trouver l’idée qui dissuaderait les autres de tenter de s’enfuir.

Bon, il finirait bien par trouver quelque chose, en attendant il devait sauver la face, et se dégager de la responsabilité de cette évasion.. et le coupable de cette erreur était tout désigné. Hakim porterait le chapeau.

- Faites une annonce à mon peuple. Dites- leur que je souhaite m’exprimer publiquement demain à midi. J’irai à la terrasse et qu’on les laisse entrer pour venir m’écouter…
- mais votre altesse, n’est-ce pas un peu trop risqué? Ne craignez vous pas que l’on tente quelque chose contre vous?
- sans doute, mais il faut savoir prendre des risques parfois. Allez, faites-donc ce que je vous ai demandé!

Le garde s’inclina et fit-demi tour. Hakim allait être furieux, ma foi … tant pis, il n’avait qu’à être là!

Sekret avait le front apuyé contre les barreaux, dans une posture désormais familière
Il se demandait encore comment il en était arrivé là, lui l'espion du roi, les oreilles et les yeux de Djamila.
Ce n'était pas possible, tout s'était enchainé tellement vite.
Les évènements s'étaient précipités sans qu'il ait le temps d'analyser de réagir, de prendre les devants.
Et il s'était laissé piéger par cette femme aux yeux d'or qui l'avait séduit et trompé.
Et pourtant...
Dans son coeur il voulait croire encore à une erreur, malgré ce que lui avait dit Hakim et aussi Khesce venu le voir dans sa geôle.
Tous deux lui avait promis de le libérer.
Et il était toujours là !!
Il avait perdu le compte des jours mais cela devait faire plusieurs semaines...
Il aurait pu s'enfuir avec les étrangers ou au moins comme, il connaissait les failles de la prison mais il était serviteur de Djamila et il avait failli.
Il ne tromperait pas une seconde fois sa Cité, sa patrie en la fuyant, en fuyant ses responsabilités.
Il attendrait d'affronter son destin.
Soudain des clefs se firent entendre et la porte de sa cellule s'ouvrit.

Sors de là
Le Sultan veut te voir....
Allez Hop!!

Le sultan ?
Soit on avait statué sur son sort et d'était les galère ou le poison
Soit il aurait une chance de plaider sa cause.
Le garde le poussa sans ménagement et lui passa des chaines.
Sekret se crispa, sa déchéance était consommée avec l'attitude du garde.
On le mena par des souterrains jusqu'à un escalier puis ils empruntèrent encore un dédale de petits couloirs secrets cachés dans les murs épais du Palais.
Ils arrivèrent enfin dans une chambre somptueuse que Sekret reconnut aussitot, c'était celle du Sultan.

Votre Altesse, le prisonnier que vous avez demandé

Le garde le poussa et Sekret tituba, les lourdes chaines entravant ses poignets et ses mains ne lui permettant guère de souplesse et de liberté de mouvement.
Il tomba à genoux devant son Seigneur et resta proterné devant le tout puissant Sultan De la Cité du Diamant Rose.

3.

Tandis que Semoa préparait son discours qu’il allait prononcer devant une foule déjà dense face au palais, quelqu’un entra dans la pièce sans qu’il n’en ai rien entendu. Et quand ce dernier murmura à voix basse juste derrière lui, le sultan poussa un cri et fit volte face.

- Ho c’est toi, mais tu m’as fait peur, imbécile!

Semoa porta une main sur son cœur, ces assassins étaient si discrets, mais tout de même, ça pouvait être dangereux de surgir ainsi à l’improviste. Même si la recommandation de toujours se montrer très discret, quand l’un d’eux venait au palais, venait du sultan lui-même. L’autre marmonna quelque chose derrière la chèche qui cachait presque tout son visage. Il n’avait pas apprécié l’insulte du sultan, mais répliqua tout de même.

- Nous n’avons rien trouvé au sujet de …ce que vous cherchiez.
- Non? Mais cela est fort ennuyeux! Si même vous, n’avez rien trouvé au sujet de..hum..enfin de vous savez quoi, j’ignore comment je vais faire pour la retrouver, je ne vais quand même pas y aller moi-même.
- Si vous permettez, je crois qu’il y a dans vos murs, un homme qui en sait bien plus à ce sujet que nous et que vous-même.
- que moi-même? Par Allah, cesse donc ces énigmes et dis moi qui est cet homme! Si c’est Hakim, je te préviens, il est introuvable! Disparu, pfutt envolé! Je me demande quelle malédiction repose encore sur les grand vizirs, ou tous ces hommes qui prétendent me seconder.

L’homme resta un instant silencieux, attendant que le sultan lui céda enfin la parole.

- bon …alors parle que diable!

Heureusement, les assassins étaient formés pour avoir une patience à toute épreuve..

- Vous l’avez fait enfermer il y a quelques temps dans vos geôles.
- ah bon? Mais c’est qu’il y en a du monde dans cette prison.. Même si certains ont le chic pour y entrer et en sortir comme dans un moulin! Et je ne me souviens pas de tous ceux que j’y ai fait enfermer..
- même pas de Sekret?
- comment?? Sekret est en prison?
- sur votre ordre oui.. Hakim lui avait fait porter le chapeau pour cette histoire de diamant.
- ah oui oui, je m’en souviens. Et bien qu’il y reste!!! Ca lui apprendra à comploter contre moi.
- oui mais..
- mais quoi?
- il est le seul à pouvoir vous aider dans cette affaire.
- tu veux dire que.. que c’est lui l’homme dont tu me parlais tout à l’heure?
- oui, votre altesse.
- Hooo mais alors qu’attendons-nous pour le faire venir???
- un ordre de votre part votre altesse.. A présent je m’esquive, si vous me permettez.
- certes certes, je t’en prie, mais que ceci reste…

Seulement quand Semoa se retourna, ce fut pour constater que l’autre avait déjà disparut. Il poussa alors un cri:

- GARDES!!!! GAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARDES!!
- oui Votre altesse?

Les gardes qui veillaient personnellement sur le repos du sultan avaient surgi comme de beaux diables dans la pièce.

- Je veux qu’on m’amène de suite ce Sekret!
- votre altesse?
- vous le trouverez dans les geôles! Alllonnns, pressons pressons!!! C’est que j’ai un discours à préparer moia!

les deux gardes n’attendirent pas pour s’éclipser rapidement, et pendant que Semoa s’entraînait à prononcer son discours, des gardes allèrent chercher l’homme que l’on avait pratiquement oublié dans sa prison. Le bruit d’un homme que l’on jette au sol, fit se retourner le sultan qui était absorbé dans cet exercice si difficile qui était de trouver la juste inflexion de la voix pour les paroles qu’il aurait à prononcer.

- ahhhh te voilà Sekret! Alors comment vas-tu dis-moi?

Ignorant les chaînes qui maintenaient encore les poignets de Sekret, le sultan l’aborda comme un vieil ami qu’il n’avait plus vu de puis longtemps et qu’il était ravi de retrouver.

Le front collé au sol Sekret entendit la question saugrenue du Sultan.
Il en fut déstabilisé et leva la tête pour regarder son souverain
Suliman n’était pas bête comme le pensait Khesce.
Shooter drogué frivole lunatique instable mais bête non et Sekret ne ferait pas l’erreur de le sous estimer surtout dans sa position . ( à quatre pattes c’est dangereux encore qu’on est pas en Arcadia, mais ça va venir, bref…)

Je..Bien Votre Grandeur, je vous remercie de l’intérêt que vous me portez…

J’en suis bien content, bien content !!
Mais que se passe-t-il Sekret mon fils, humm ?
On me dit que tu es en prison
On me dit que tu m’a trahi ? Moi ta famille ? Tu me fait de la peine mon fils...(avec l’accent )

Je euh..non majesté je vous assure
J’ai cru…je croyais vraiment vous apporter le véritable Diamant mais …

Sekret se tut incapable de raconter les évènements.
Il pourrait enfoncer Sahar pour sauver sa peau, elle le méritait la traîtresse et pourtant il ne pouvait souiller le souvenir de la nuit qu’ils avaient passer ensemble.

Ah oui cette femme.
Celle qui m’amené l’ambassadrice d’ailleurs c’est cela ?
On m’a dit qu’elle avait trahi elle aussi, que c’était à cause d’elle que tu avais voulu ma perte

Non non votre Altesse, je vous ai toujours été fidèle je le jure.
Je suis votre serviteur et celui de Djamila.
Je ne vous ai pas trahi mais j’ai été trop naïf et …

Mais bien sur cette femme t’a trompée comme cet imbécile de Khesce aussi, bien fait pour lui à celui là d’ailleurs...
Allons mon ami relève toi, je te crois, laissons cela.
Djamila et Moi nous avons encore besoin de toi

Se relever pas facile avec ces chaînes mais Sekret s’y efforça pour ne pas contrarier son altesse.
Il réussit à se remettre sur ses pieds

J’ai une mission à te confier
Nous avons égaré quelque chose de précieux, tu vois ?

Sekret voyait très bien.
La perle, il ne pouvait dire le nom mais il savait que le sultan savait qu’il savait, vous voyez ?
Bref un secret qu’ils connaissaient tous les deux mais dont ils ne parlaient pas.

Votre coffret en nacre votre Altesse ?

Mon coffret non pas du tout

…erf il n’avait pas compris la subtile allusion, bon ben ça ne marchait pas toujours

je parlais de enfin TU sais

Oui votre altesse.

Bon alors retrouve la moi et que ça saute !

Le Sultan quitta la pièce et Sekret se retrouva seul

Euh votre Grandeur ? ….mes chaines…

4.

Sekret était parti, emportant avec lui la lettre au sceau royal, le sceau sacré du sultan qui lui ouvrirait les portes qu’il saurait de toute manière ouvrir sans l’aide du sultan, mais bon un petit coup de pouce royal n’était pas dédaignable. Ainsi grâce à Sekret, Semoa comptait bien remettre la main sur la fameuse perle, garante de la prospérité de la cité. En effet, depuis le jour où par une mystérieuse nuit, un non moins mystérieux inconnu avait livré la perle au sultan, jamais le pays ne s’était porté aussi bien, et Semoa comptait bien en profiter. Seulement il était comme tout le monde, terriblement superstitieux et craignait que sans la perle, la cité couru droit à sa ruine, et à sa perte personnelle. Car ses détracteurs ne manqueraient alors pas de venir le faire tomber de son trône et ça, il n’allait pas les laisser faire.

Mais en attendant que Sekret qui était subitement revenu dans les bonnes grâces du sultan, accomplisse sa tâche, Semoa avait de sérieuses décisions à prendre, décisions qu’il avait déjà prises, mais dont son peuple ignorait encore tout. C’était donc à cette intention, par cette belle journée ensoleillée, que le Sultan avait fait rassembler ses fidèles et moins fidèles sujets sur l‘immense place devant son palais, afin de leur faire part de ses projets pour l’avenir de leur pays. C’était donc toujours dans cette intention qu’il avait préparé avec soin, un fameux discours qui visait à impressionner les foules et à s’attirer à jamais le respect et l’admiration de tous.

Ce fut donc un sultan paré de fastueux vêtements qui fit son apparition ce jour là, à la terrasse royale de son palais, accueilli aussitôt par un tonnerre d’acclamation, ce qui faisait à son goût tout le charme de son « travail ». Car il était certain que si Semoa appréciait les bons plaisirs de la vie, il était tout aussi imbu de sa personne et sensible à de telles manifestations d’enthousiasme immodéré. Même s’il avait fait distribuer le matin même, plusieurs bourses de pièces d’or afin de motiver ses sujets à l’accueillir avec la ferveur qu’il était en droit d’attendre.

Arrivé jusqu’à la longue balustrade dont Sémoa par pure précaution en vérifia la solidité, il leva ses bras face à la foule, et salua le peuple de Djamila.

- Peuuuuuple de Djamila!! Bonjour!!! Et Merci d’être venu saluer avec tant de ferveur votre sultan bien aiméééé!!!

Le peuple en question s’était figé, attendant avec une grande curiosité de connaître la raison de ce rassemblement. Semoa fit claquer sa langue, inspira un grand coup et afficha un grand sourire de seigneur.

- J’ai à vous faire part d’une grande décision, Eeet je voulais vous apprendre moi-mêêême les projets que j’aurai à cœur de mener à bien pour Djamila!

Avant de continuer, Semoa se tourna à sa gauche pour découvrir que Hakim son plus trop fidèle conseiller répondait toujours absent à son appel, puis à sa droite pour adresser un regard de reproche à son fils bien aimé Khesce qui s’était laissé "abrutisé" par la jolie Sahar. M’enfin il ne pouvait pas lui en vouloir d’avoir succombé à ses charmes. Il se tourna à nouveau face à ses sujets et leur révéla ses grandes idées:

- Si je vous ai appelé à venir m’écouter aujourd’hui, c’est pour vous faire part d’un terrible constat! Afin de rendre nos rues sûres pour vous tous, les gardes ont multiplié les interventions, et résultat, nos prisons sont pleines de délinquants de toute espèce! Mais voilà, il n’y a plus assez de place pour tout le monde.. ( vulgaire mensonge, mais quand il s’agit de parvenir à ses fins! )..

C’est pourquoi après une longue nuit de réflexion.. ( quelques minutes à peine), moi votre sultan dévoué, ai trouvé comment résoudre ce problème!! Dorénavant, tout brigand, bandit, renégat, voleurs en tout genre et de toute race, se verront assignés aux travaux de construction d’importants chantiers qui ouvriront sous peu!

Semoa offrit un sourire éclatant à la foule et après avoir jeté un coup d’œil à son fils, repris,sur le même ton plein d’emphase:

- Moi Semoa El Shehf 1er, Sultan de Djamila ai décidé que serait construit à l’ouest de la ville, aux portes de notre belle cité, le plus remarquable des temples jamais construit. Je mets dès aujourd’hui au concours, un projet qui devra dépasser en magnificence tout ce qui a été construit jusqu’à présent. J’en appelle donc aux ingénieux, artistes, ouvriers, et à votre bonne volonté, mes chers sujets pour participer à ce projet du siècle! ( entendez impôts et taxes surtout), afin de mener à bien cette grande idée! Les prisonniers seront donc menés sur ces chantiers et seront mis à contribution afin de ne pas s’entasser dans nos modestes prisons. Vous trouverez toutes les informations à ce sujet sur les parchemins qui seront distribués dès demain. Toute nouvelle candidature aux postes proposés sera étudiée avec grande attention….

Semoa s’interrompit, le regard brillant de fierté.

- Qu’Allah protège cette merveilleuse cité!

Et un tonnerre d’hourras, et applaudissements salua la fin du discours, devant un sultan aux anges qui fit des signes de remerciement à ses sujets avant de se retirer… Ce n’était que le début d’une nouvelle ère.

Personne.. Non personne ne s’était plus présenté depuis que le dernier prétendu architecte avait osé lui proposer de construire un mur, non pas trois, ni quatre mais un seul mur. Et quand le sultan lui avait demandé l’utilité d’un tel projet, l’homme avait pieusement répondu que ce mur servirait pour les prières de son peuple et il l’avait appelé le mur des lamentations. Ce à quoi Semoa avait répondu en hurlant :

- Qu’on l’emmène ! Je ne veux plus le voir ! Comme si j’avais besoin que mon peuple se lamente ! Non, moi je veux qu’on m’acclame pas qu’on se plaigne !

Et tandis que les gardes s’apprêtaient à l’emmener hors du palais, Semoa qui n’était jamais à cours d’idées, se ravisa :

- Non attendez ! Qu’on l’enferme dans les geôles, il pourra toujours aider à construire les murs du projet qui saura me plaire.

Ainsi en avait-il décidé. Que celui qui contrarierait encore ses belles idées subirait le même sort. Après tout, ils auraient besoin de beaucoup de main d’œuvre pour construire quelque chose qui soit à la hauteur du Sultan Suliman.

C’est pourquoi quand on lui annonça la visite d’un nouvel architecte, le sultan ordonna qu’on le fit venir immédiatement dans la grande salle du palais. Installé autour d’une table richement garnie, Semoa prenait son repas en compagnie de ses deux fils, les femmes mangeant à part. Semoa n’aimait pas que sa royale mastication fut dérangée par les jacassements de ses épouses. Toutefois, il daignait écouter quelques conversations bien masculines, enfin quand Khesce voulait bien ouvrir la bouche. Le jeune homme n’était guère bavard depuis qu’il avait appris le départ de cette danseuse.

Le crieur s’avança soudain dans la salle à manger et annonça :

- Ankhôr’Loui, votre altesse.

Semoa reposa aussitôt la cuisse de poulet qu’il tenait pour regarder en direction de l’entrée avec un air stupéfait.

- Quoi encore lui ? Ne me dites pas que vous m’avez de nouveau envoyé ce misérable prétendu architecte ?

Khesce et Kader cessèrent de manger à leur tour pour se tourner vers le nouvel arrivant. Le sulta lui fit un signe.

- ah non c’est pas encore lui, c’est un autre ! mais qu’est-ce qu’il raconte lui ?

Ankhôr’Loui s’approcha, les yeux baissés du sultan qui venait de l’appeler à lui. Il s’inclina encore plus profondément arrivé à quelques pas du seigneur de Djamila et répondit :

- Si c’est bien moi, Ankhôr’Loui. Et je suis bel et bien architecte et justement..
- Je ne comprends rien à ce que tu me racontes ! J’ai vu un architecte ce matin, mais tu ne le lui ressembles pas du tout.
- pardon ?
- tu me dis c’est encore lui, alors je te dis que tu n’es pas l’homme que j’ai reçu tantôt ! N’essaie pas de m’embrouiller, ou tu vas aussi comme lui, finir dans mes geôles.

Ankhôr’Loui jeta un regard affolé au sultan ainsi qu’à ses fils. Il ne comprenait pas l’erreur qu’il avait pu faire pour fâcher le sultan, mais grâce à Allah, ce fut l’un des fils qui vint en aide au pauvre architecte.

- Père je crois que cet homme s’appelle Ankhôr. Et que Loui est son second nom.
- haa ? Ankhôr ?
- oui votre altesse. C’est bien mon nom.
- mais tu ne pouvais pas le dire plus tôt ?

Haussements de sourcils, surpris..

- Bon alors as-tu quelque chose d’intéressant à me montrer Ankhôr ?
- oui votre altesse, je suis venu de loin pour vous montrer mes dessins. Mais si vous préférez que j’attende la fin de votre repas.
- non oublie le repas. Et montre-moi tes dessins…

Le sultan s’était levé et avait repoussé sur la table, divers plats et services pour lui faire de la place. Ankhôr sorti donc les parchemins de sa besace et les ouvrit sur la table. Le sultan se pencha et découvrit des dessins surprenants.

- alors je vous explique.. voilà, ici, j’ai pensé faire une grande allée, et de chaque côté, on y construirait 5 pyramides.
- des pyramides ? On n’a pas déjà fait ça avant ?
- oui oui mais là elles seront plus nombreuses..
- il me semble que ça a pris plusieurs siècles dans l’histoire de nos ancêtres pour en construire une seule, alors dix ? N’est-ce pas un peu beaucoup ?
- ah mais elles seront plus petites.
- plus petites ?
- oui mais pas trop…héhé
- ah bien alors dans ce cas et ça, qu’est-ce que c’est ?
- alors après les pyramides tout au fond, on va construire un immense Colisée mais seulement la moitié.
- un colisée ? N’est-ce pas les romains qui en avaient construit un ?
- oui mais là on ne va pas faire pareil, c’est juste la moitié.
- mais pourquoi justement que la moitié ?
- parce que ça fait plus symétrique avec les pyramides, là vous voyez ?

Le sultan se pencha au dessus du dessin, mais comme de toute manière tout cela lui échappait un peu, il ne voulut pas passer pour un abruti et approuva silencieusement.

- mais et ça ?

Il pointait, un dessin au cœur d’un énorme cercle.

- ça, c’est une très grande tour et au somment, on trouvera la statue de votre grandeur.
- ma grandeur ?
- oui un portrait de vous en pied, avec dans la main, le magnifique diamant rose.

Le sultan eut un mouvement de recul.

- comment ça mon diamant ? Tu veux le mettre sur la statue ? Au sommet de cette tour ?
- non non , ne vous inquiétez pas.. juste une reproduction.. Et quand le soleil l’éclairera la journée, il brillera encore plus… Mais la nuit ! Il sera éclairé par en dessous avec des torches, et ce sera le phare de votre cité.
- euh mais dis-moi, Ankhôr.. A quoi cela va-t-il servir ?

Ankhôr dévisagea tour à tour, les fils du sultan et le sultan lui-même pour finir par dire dans un sourire d’excuse et un haussement des épaules.

- bah à rien du tout !

6.

Le sultan ouvrit de grands yeux, stupéfait par la réponse de cet architecte. Il lui proposait là un projet grandiose qui ne servirait à rien ? Mais avant qu’il ait eu le temps d’ouvrir la bouche, Ankhôr ajouta.

- Il n’aura aucune véritable utilité, si ce n’est celle unique de rendre hommage à votre grandeur, votre altesse ! Tout cela, sera construit en votre nom, qui ainsi restera gravé dans les mémoires à tout jamais. Vous êtes celui qui n’a non pas fait construire une pyramide mais dix ! qui n’a pas juste construit un monument, mais tout un projet réunissant les plus belles merveilles du passé. Vous deviendrez le phare de Jamalia.
- moia un phare ?
- oui, votre lumineuse grandeur, un phare qui illuminera tout le continent par sa beauté !

Ankhôr jeta un regard rapide au sultan qui se frottait la barbe, attentif à chacune des paroles prononcées par l’architecte de génie. Son visage s’éclaira.

- Tu as tout à fait raison, Ankhôr ! voici qui en épatera plus d’un, qu’il soit Djamilien ou étranger, personne ne pourra ignorer dorénavant mon génie et sera ébloui devant ces magnifiques monuments… J’achète !
- pardon ?
- oui oui, tu seras dorénavant le grand architecte royale, Ankhôr… Ton nom sera ajouté à ceux qui ont marché sur mes pas ! et tu recevras une récompense à la hauteur de ton talent ! Va mon brave. Khesce, veux-tu bien l’accompagner jusque chez le scribe ? qu’il prenne note de tout ça.. Ce dernier devra accompagner Ankhôr dans tous ses déplacements afin de répondre à chacune des requêtes qu’Ankhôr pourrait avoir. Je veux que le chantier débute le plus rapidement possible..
- mais père, où allez vous faire construire cela ?
- je sais déjà où, ne t’inquiète pas pour ça mon fils.. J’ai déjà pris des mesures dans ce sens.
- mais père, vous pouvez nous le dire, nous sommes vos fils !
- oui bon bon, de toute façon vous ne tarderez pas à l’apprendre. Ces monuments seront construits à l’entrée de Djamila la belle. Ainsi aucun voyageur ne pourra ignorer ce.. ce.. au fait Ankhôr, il lui faut un nom à ce projet.
- Votre altesse, je pensais vous en laisser le soin.
- ha oui oui, il faut trouver un nom qui sonne bien, un nom qui sera cité dans l’histoire et dont on se souviendra facilement.. hum.. voyons voir.. les pyramides de Suliman, nan c’est pas très original, et puis ça ne correspond pas à … Le phare de Suliman, nann non plus.. haaaaaann je sais !! Les Merveilles de Suliman… ha ça sonne bien non ? vous ne trouvez pas ?

Tout excité, le sultan se tourna vers ses fils et Ankhôr qui lui préférait se tenir coi. Khesce et Kader échangèrent un regard stupéfait, puis se prononcèrent en même temps, dans un soupir résigné.

- c’est parfait père.

6. ( avant au port de Birem)



Dès le lendemain, comme il avait été prévu avec le sultan, Cortés, le professeur Barossa, son lieutenant Abel Fransisco et le mousse Tiago se rendirent chez le seigneur de Djamila. Le sultan n’avait pas envoyé d’invitation précise quand au nombre de personnes qu’il aspirait à rencontrer, mais du moment que c’était des accompagnants du capitaine, ce dernier savait que le sultan ne verrait pas d’inconvénient à ce que ses hommes l’accompagnassent. Et si la présence du mousse n’était pas une nécessité en soit, le capitaine s’était dit que le jeune Tiago n’aurait pas souvent l’occasion de rencontrer un sultan.

Ainsi tous les quatre se présentèrent à la porte de l’enceinte du palais, et déclinèrent leur identité. Le sultan les attendait et un des gardes les escorta jusqu’à une vaste et haute salle qui brillait de milles feux, tant il y avait de lampes et de lumières qui éclairaient chaque angle de la salle. Au fond, et au centre, l’on avait dressé une table qui ne dépassait pas la hauteur du genou et tout autour, c’était des coussins qui servaient de siège. Un serviteur s’avança vers eux et leur fit signe de s’installer autour de la table. Peu au courant des mœurs de ce pays, Cortès et les siens s’empressèrent de s’exécuter en silence. Bientôt ce furent d’autres personnages aux tenues colorées qui entrèrent et s’installèrent à la table du sultan, laissant toujours les trois dernières places vides.

Ces hommes saluèrent d’un poli signe de tête le capitaine et ses hommes et s’assirent à leur tour sans plus lui adresser la parole, murmurant entre eux quelques mots dans cette langue aux accents d’orient.

- Dites mon capitaines, vous croyez qu’il va venir ?
- tu veux parler du sultan ? oui, sinon pourquoi nous aurait-il invité dans son palais.
- surtout que ces gens ne sont pas très causant.

Tiago s’esclaffa et étouffa son rire derrière ses mains en voyant l’expression sévère du capitaine. Mais Barossa lui n’en avait pas fini.

- enfin du moment que la nourriture qu’ils servent est aussi bonne que celle que j’ai dégustée au marché.
- meilleur, monsieur bien meilleur. Permettez moi de me présenter, je suis Khesce, fils du sultan de Djamila et voici Kader mon frère.

Cortés voulu se redresser mais l’homme l’en empêcha d’une main qu’il posa sur son épaule.

- ne vous donnez pas cette peine, ici la coutume veut que justement l’on ne se redresse pas devant ses hôtes, notre père ne va pas tarder, il avait une affaire à régler.

Le capitaine hocha la tête en silence, intrigué par le parfait anglais que venait de lui servir ce prince djamilien. Il jeta un coup d’œil à Tiago qui du coup se tenait coi et c’était à peine s’il osait bouger, visiblement impressionné par le jeune prince. Quand à Abel, il échangea un signe de tête avec le second fils du sultan. Puis le sultan fit son entrée, annoncée par un crieur, ce qui leur donna à nouveau l’impulsion de se lever, mais le plus rapide à se rassoir fut Cortès qui tira le mousse par le bas de son pantalon. Il n’était pas facile d’adopter les mœurs d’un autre pays, mais le sultan ne sembla pas l’avoir remarqué. Il retrouva le sourire alors qu’il s’installait à son tour, son regard posé sur les plats disposés sur la table, puis seulement ensuite s’intéressa à ses convives.

- Alors voilà ces fameux voyageurs dont on m’a parlé.
- Votre altesse, permettez moi de vous remercier pour cette invitation.
- je suppose que c’est vous, le capitaine Felipe Cortés ?

Cortés hocha la tête.

- et bien sachez que c’est toujours un plaisir pour moi d’accueillir sous mon toit, des voyageurs nouvellement arrivés. Ils ont tant d’anecdotes intéressantes à me raconter, et cela m’amuse toujours beaucoup.

Le capitaine haussa un sourcil perplexe.S’il s’attendait à ça. Ainsi l’invitation ne tenait qu’au fait que le sultan avait besoin de divertissement, et ce soir ce serait eux qui le divertiraient. Si cela toucha la fierté de Cortés, il n’en montra rien.

- Le capitaine Darkhâm a été très aimable de nous mener jusqu’à Birem.
- oui j’ai entendu dire que vous aviez perdu votre route, plutôt surprenant pour un navigateur.

Le ton était moqueur et visiblement le sultan avait envie de s’amuser aux dépends du capitaine.

- Je le reconnais oui, cela faisait quelques semaines que nous avions perdu notre cap quand nous avons aperçu l’aurore boréale.
- ahh une aurore ? Tiens donc, je n’en avais jamais vue, décrivez-là moi, Capitaine…

Cortés dévisagea le sultan un instant en silence avant de concéder à lui raconter ce qui était arrivé, il y avait deux jours à peine. Et pendant ce temps, le sultan se servait généreusement des aliments qui lui étaient servi dans son assiette sans qu’il ait eu besoin de bouger le petit doigt. Tiago le mousse, regardait tout ce faste avec des yeux ronds, tout comme il avait failli s’étrangler en voyant apparaître les jeunes femmes qui servaient le repas. Barossa avait rit doucement et lui avait envoyé une gentille tape dans le dos, pour lui éviter de s’étouffer. Le repas se poursuivit ainsi, tandis que Barossa y rendait honneur et que Cortés racontait ses aventures de navigateurs sur d’autres océans. Le sultan sembla apprécier sa conversation et à la fin de la soirée, leur offrit un spectacle tout particulièrement plaisant d’après ses propres paroles, pour des hommes qui avaient passé tant de temps en mer, sans aucun divertissement.

Et en effet pas un seul parmi les quatre compagnons ne fut insensible au charme des danseuses du ventre qui leur adressèrent de doux regards et d’étincelants sourires. La soirée se poursuivit ainsi au son de la musique djamilienne, dans les cliquetis et froissements de tissus des danseuses qui ondulaient du ventre, sous les regards hypnotisés des hommes.

Cortés s’était lui aussi laissé prendre au jeu, et ne quittait plus des yeux une jeune et belle djamilienne au teint de cuivre mais au regard de cristal qui ne cessait de croiser le sien. Seulement plus terre à terre que ses autres compagnons, il n’en oubliait pas qu’ils étaient étrangers en ces terres, et invités du sultan, ce qui exigeait une certaine retenue. Le sultan par contre lui ne dédaignait pas les attentions des danseuses et les encourageait tant et si bien qu’il finit par attraper l’une d’elle par la taille et la reversa dans ses coussins, sous le regard surpris du capitaine et celui plus indifférent de ses fils qui semblaient être habitué du fait.

Ce ne fut qu’à ce moment, que Cortés remarqua l’absence de son lieutenant…

7.

Cela faisait un moment que le sultan ne prêtait plus attention à ses invités, occupé qu’il l’était et plutôt d’agréable manière avec l’une de ses ravissantes femmes. Elles savaient si bien l’aguicher par de savantes danses auxquelles Semoa ne résistait pas. Et puisque le voyageur n’avait de toute manière plus rien d’intéressant à lui raconter, il pouvait bien s’intéresser de plus près à ce joli ventre ferme, appréciant les petits gloussements étouffés de sa compagne.

- Votre altesse ?
- hmm héhé..Alors on aime les chatouilles ?
- pourrions-nous nous retirer ? Mes hommes et moi, souhaiterions nous reposer.

Semoa se rassit sur son coussin, abandonnant pour un temps la jeune femme et fronça les sourcils.

- quoi vous voulez déjà aller vous coucher ?
- c’est que..
- soit ! Je vous souhaite une bonne nuit.
- merci votre altesse, à vous aussi et encore merci pour votre hospitalité.
- moui c’est ça..Hm héhé ..Alors toi, à nous deux..

Mais brusquement Semoa se souvint qu’il avait peut-être quelque chose à demander à ce capitaine.

- ha capitaine Cortés ?

L’homme qui s’était déjà redressé, s’arrêta pour le regarder.

- oui ?
- si jamais vous revenez par là un jour, venez me voir, j’aurai peut-être une affaire à vous proposer. Demandez à voir le grand vizir, il vous dira ce que j’aimerai que vous fassiez pour moi.
- bien entendu. Au revoir votre altesse.
- ouais c’est ça, et bon vent hein !

Le sultan s’esclaffa avant de reprendre là où il en était resté. Ses deux fils eux, ne lui demandèrent pas la permission pour se retirer, et aussitôt les voyageurs partis, ils s’éclipsèrent discrètement, retournant chacun à leurs tâches.

7.

Tous trois sortirent de la grande salle et à peine la double porte était elle refermée sur le sultan que Cortés se tourna vers Tiago et le professeur Barossa.

- Mais où est parti Abel ?
- ben il nous a rien dit !
- à mon avis, il a du suivre cette belle orientale, elle semblait lui avoir tapé dans l’œil.
- quoi ?
- oui mon cher capitaine, je ne voudrais pas vous contrarier, mais vous n’êtes pas le seul à avoir été sensible au charme de ces jolies demoiselles.
-… Certes ! Mais ce n’était pas une raison pour se laisser tenter par l’une d’elles ! La moitié de ces femmes doit appartenir au harem du Sultan ! Que dirait-il s’il apprenait que l’une de ses femmes l’a trompé avec l’un de mes hommes ? mon lieutenant qui plus est !
- et bien peut-être que si nous le retrouvons à temps, nous pourrons l’empêcher de commettre l’irrémédiable ! fit le professeur avec un sourire légèrement amusé.

Sourire que Cortès ne lui rendit pas, la situation à ses yeux était bien trop grave. Ils pourraient se retrouver en prison pour ça ! Et tandis qu’il se remettait en route dans le vaste couloir, Cortès grinça entre ses dents :

- Mais qu’est-ce qu’il lui a pris ? Ce n’est pas un comportement digne d’un officier de la marine !
- Mon cher capitaine, non sans doute pas mais, nous avons là le comportement typique d’un homme ayant passé plus de six mois en mer !

Cortès fusilla le professeur du regard, voilà qui ne l’amusait pas du tout, même si le professeur avait raison. Mais enfin, pas ici, dans le palais du Sultan. Barossa après avoir jeté un coup d’œil au visage lugubre du capitaine, ajouta.

- bon peut-être que si nous allions par là, j’ai cru voir de somptueux jardins en arrivant, l’endroit à mon avis se prêterait tout à fait à…. Euh.. oui bon pressons !

Barossa cessa ses explications, voyant que cela n’arrangeait pas l’humeur du capitaine. Néanmoins Cortés suivit ses conseils et bientôt ils se retrouvèrent dans les jardins du palais. Et en effet, Abel s’y trouvait en charmante compagnie, tenant la main de la belle qui l’avait séduite tantôt, lui murmurant sans doute milles promesses qu’il ne réaliserait jamais.

- Abel !

Le lieutenant sursauta et relâcha aussitôt la main de la jeune femme pour se tourner vers son capitaine et faisant écran entre elle et lui, comme s’il avait voulu la protéger. Cortés fronça les sourcils.

- mais à quoi joues-tu ?
- mon capitaine ? je.. je prenais l’air.
- oui enfin chez nous on appelle ça conter fleurette, une expression tout à fait adorable. Hum hum…

Barossa s’interrompit une nouvelle fois après un autre des regards meurtriers de son capitaine qui reporta alors son attention sur son lieutenant.

- réalise tu dans quelle fâcheuse situation tu nous mets ? si le sultan apprenait pour cette jeune femme.

Abel baissa la tête, honteux de s’être laissé aller à de si douces tentations.

- Ne le grondez pas mon capitaine, ce jeune homme s’est montré fort courtois.

Cortés stupéfait par les paroles que venait de lui adresser la jeune femme dans un excellent anglais, lui porta soudain un peu plus d’attention. Elle lui souriait, sûre d’elle.

- Je ne voulais pas lui attirer d’ennuis.

Cortés se garda de lui répondre, ne voulant pas commettre plus de bévues qu’il n’en avait été commises jusque là.

- je vais vous laisser à présent. Le sultan pourrait s’inquiéter n’est-ce pas ? ajouta-t-elle avec un brin de malice qui rendit le capitaine encore plus perplexe. Et elle les laissa là, avec un dernier sourire pour Abel, s’éloignant sans un bruit dans sa tenue de danseuse orientale.

- Et bien voilà une histoire qui se termine plutôt bien, mes amis !

Cortés se retourna vers Barossa et allait lui répondre quand une voix s’éleva dans son dos.

-Vous seriez vous perdu ? Veuillez excuser mon père pour manquer à tous ses devoirs. Je vais vous faire raccompagner jusqu’à la sortie du palais.. Si vous voulez bien me suivre.

Khesce les invitait poliment mais fermement à quitter le palais. Avait-il suivi la scène entre Abel et la jeune orientale ? Cortés espérait bien que non. Néanmoins, il fut soulagé de se retrouver bientôt devant les hautes portes de l’entrée du palais et remercia avec déférence le fils du sultan.

Cet incident le laissa songeur, tandis qu’ils marchaient en direction du port. Et alors qu’ils arrivaient sur les quais, Cortés laissa ses quartiers libres à son lieutenant, avec unique recommandation, de ne pas approcher le palais, puisqu’il avait tant besoin de détente. Barossa lui donna même le nom d’un établissement qu’il n’avait pas manqué de repérer pendant leur visite de la ville, à la veille. Un établissement au titre évocateur qui promettait milles gourmandises. Les filles du Loukhoum serait sans doute plus appropriées pour calmer les ardeurs d’un officier de la marine espagnole, plutôt que l’une des épouses du sultan…


( A suivre à bord du Santa-Maria)

28.( avant un camp nomade aux alentours de la ville)

Avec une escorte de six hommes, ils chevauchèrent tranquillement depuis l’extérieur de la ville, la traversant ensuite, avant de parvenir jusque devant les portes du palais. Puis Jared confia sa monture et celle de Kasuke à deux de ses hommes qui restèrent là pour les attendre. Les quatre autres formaient à présent la suite du prince des nomades qui marchait en tête du groupe avec à ses côtés la jeune asiatique. Et tandis qu’un des serviteurs du sultan qui avait été prévenu de leur arrivée, les menait jusqu’à lui, Kasuke interrogea le prince.

- Que comptez-vous dire au sultan ?
- je l’ignore encore.
- vous l’ignorez ?
- c’est que j’ignore quels mots j’utiliserai, mais je comptais surtout excuser les fautes que j’ai commises par le passé. Aujourd’hui j’ai compris que je ne pouvais plus me permettre d’agir sans réfléchir aux conséquences. En tant que prince des nomades, il me faut désormais songer aux intérêts de mon peuple avant les miens.
- C’est bien de reconnaître ses erreurs, mais on a tous une part de responsabilité, le sultan n’aurait jamais du vous mettre en prison. Il n’aurait pas du oublier quel est votre rang et que vous pouvez devenir un allié de valeur.
- ah voilà pourquoi vous êtes venue avec moi.
- quoi ? vous voudriez que je lui dise ça ?

Jared rit de bon cœur.

- Non, je ne vous confierais pas une tâche si ingrate, mais ça fait toujours du bien de s’entendre dire que l’on n’a pas tous les tords. Il est vrai qu’il m’a un peu.. beaucoup sous estimé. Et en ce qui vous concerne, je suis flatté de voir en quelle haute estime vous me tenez.

Il sourit de la voir baisser les yeux.

- en tout cas soyez remerciée pour vos paroles, vos conseils sont aussi précieux que du baume sur une plaie à vif. Elles apaisent tout aussi bien.
- Je vous en prie, je n’ai rien fait de si particulier. Un regard extérieur est parfois plus avisé que celui qui est tous les jours exposé aux mêmes problèmes.
- certes.. Malgré tout, j’aime beaucoup votre façon de voir.

Leur guide s’arrêta devant une haute porte à double battant, ils étaient arrivé devant la salle du trône, la même qu’il avait quitté il y avait quelques temps, pour être jeté en prison..
Jared inspira profondément en attendant qu’on les annonçât.

- Vous ne devriez pas être si nerveux.. Je suis certaine que tout va bien se passer.
- Je sais, j’espère seulement parvenir à ne pas me mettre en colère jusqu’à la fin de cet entretien. Le sultan Suliman a le don de m’exaspérer.

Kasuke posa une main sur la sienne et Jared lui sourit avant de se tourner vers les portes qu’on ouvrait pour eux.

8.


- Votre Altesse ?
- oh oui tu es à croquer, allez donne moi encore un petit bisous, mmmhouii ! Adorable poupée, allez et toi aussi, fais encore un câlin à Sémoa.. hoaa haha vous êtes délicieuses, on en mangerait .. héhéhé..
- Votre altesse ??
- hmm oui quoi ?!

Semoa daigna enfin détourner son attention des jeunes femmes qui étaient allongées de part et d’autres sur des coussins, autour de lui, lui distribuant milles attentions et flatteries. C’était un moment qu’il privilégiait dans la journée, appréciant ces instants où ses concubines se disputaient ses faveurs et faisaient montre de toutes les ruses pour attirer son attention sur l’une ou l’autre. Mais au final, Semoa n’avait aucune préférence et même celle que l’on nommait la favorite, ne l’était que par son ancienneté.

Il fallait alors une bonne excuse pour avoir osé interrompre un tel moment. Sourcils froncés, Sémoa se tourna donc vers Séreste le nouveau conseiller et scribe personnel du sultan, nommé en place d'Hakim, et qui les avait dérangé.

- qu’est-ce qu’il se passe ?
- Vous avez de la visite, votre altesse.
- et alors ?? Ca pouvait attendre un peu !
- c’est qu’il s’agit d’une délégation impériale.
- quoi ? Impériale ? c’est quoi cette histoire ?
- de l’empire de Sunliao, votre Altesse.
- ah bon ?

Sémoa se désintéressa cette fois complètement des jeunes femmes pour écouter ce que Séreste Theâ Saplas avait à lui dire.

- Ils recherchent une jeune femme et d’après leurs renseignements, elle serait ici à Djamila.
- et alors ? Qu’ils la cherchent ! Ils n’ont pas besoin de moi pour ça !
- mais ils sont au palais, votre altesse, il ne serait pas sage de les renvoyer à présent. Ne souhaitez vous donc pas les recevoir ?
- Soit, soit ! Envoyez-les moi… allez mes jolies pffouit… on se retrouvera plus tard. Je ne voudrais pas que ces sunlaoistes me ravissent mes jolies épouses. Puisque d’après ce qu’on m’a dit de leur empire, ils souffriraient de l’absence de belles femmes là-bas.

Séreste qui venait de donner des ordres aux gardes du sultan, revint à ses côtés pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de malentendus pendant la visite du général de Sunliao.

- Non, ils ont assez de femmes, mais elles sont toutes devenues stériles. On raconte que ce mal qui les touche, serait du à la disparition de la perle sacrée.
- De la perle sacrée ?

Sémoa avait pâlit au milieu de ses coussins multicolores. Il n’avait plus eu de nouvelles de Sekret qu’il avait personnellement envoyé sur les traces de la perle qu’on lui avait dérobé. Et à présent la visite de ces sunlaoistes lui paraissait des plus suspectes. Se doutaient-ils que la perle s’était retrouvée dans les murs du palais pendant toutes ces années ? Avaient-ils eu vent du vol du diamant et de celui de la perle ? Non, ce n’était pas possible, car personne ne savait que c’était le sultan qui la possédait. Du moins jusqu’à cette terrible nuit où non seulement, on lui avait volé son cher diamant, mais ou le voleur en avait profité pour s’emparer de la perle. Personne ne pouvait et ne devait savoir pour la perle, et le sultan avait entièrement confiance en Sekret. L’espion n’aurait jamais parlé de cette affaire à qui que ce soit. Mais par contre, nul ne pouvait savoir ce que le voleur avait décidé de faire de cette perle.

Sémoa devint nerveux brusquement. Il n’aimait pas ne pas savoir, il n’aimait pas tous ces doutes qui soudain troublaient sa tranquillité d’esprit. Séreste avait raison. Mieux valait en avoir le cœur net, et savoir ce que voulaient vraiment ces gens de l’est. La porte s’ouvrit sur un homme et quatre gardes qui s’avancèrent de cette même démarche impériale et rythmée pour venir s’incliner devant le sultan de Djamia. Le sultan n’avait pas bougé, assis au milieu de ses coussins, installé sur une vaste surface plane surélevée de quelques marches.

- Sa majesté, le capitaine Jun au service de l’impératrice de Sunliao, vous salue.
- capitaine, que me vaut le plaisir d’une telle visite ?
- J’espérais votre aide, afin de remplir une mission qui m’a mené jusque sur vos terre. Il se trouve qu’une femme qui est chère à mon cœur a quitté l’empire de Sunliao, il y a bien longtemps à présent, et d’après les derniers renseignements que j’ai pu obtenir, on m’a fait savoir qu’elle se trouvait ici-même à Djamila.
- Une femme ?? Vous venez implorer mon aide pour retrouver une femme ? Savez vous à qui vous vous adressez jeune homme ?
- bien entendu votre altesse mais..
- est-ce que c’est marqué sur ma porte, agence de détective privé ? retrouve tous vos objets perdus ?

Séreste se pencha discrètement à l’oreille du sultan pour lui murmurait que peut-être il serait judicieux de laisser le capitaine Jun poursuivre. Et si le sultan semblait parti pour se mettre dans une de ses fameuses colères, les paroles de Séreste l’apaisèrent. Quand au capitaine, il s’efforçait de garder un visage impassible, malgré les étranges paroles de ce sultan.

- Si je viens vous voir, c’est parce que je sais que vous connaissez la personne qui a enlevé ma femme.
- ha ? Un enlèvement ? ça me plait bien ça.. continuez, je vous écoute.
- mes soldats m’ont fait parvenir d’inquiétantes nouvelles, ce qui explique ma présence en votre palais aujourd’hui. Si ma femme n’est pas revenue au pays, c’est qu’elle est retenue prisonnière contre son grés, par un homme qu’on m’a dit vous avoir créé à vous aussi quelques ennuis.
- mais qui donc ??
- Jared Ben Jamil, Prince des Nomades.
- vous dites ?
- le prince..
- oui oui j’avais bien compris, mais cela me surprend beaucoup de sa part.. Enfin quoique, je sais qu’il apprécie lui aussi la compagnie de belles femmes et..

Le sultan s’interrompit en voyant le capitaine devenir rouge écrevisse. Ce n’était peut-être pas ce qu’il fallait dire à un mari, en de telles circonstances.

- Oui des ennuis, il est juste qu’il a agi très mal envers moi et mon peuple.
- Sauriez vous me dire où je peux le trouver ?
- Ah ça non, pas la moindre idée. Et s’il y a une chose dans je suis sûr, c’est que le palais serait le dernier endroit ou ce gredin de nomade aurait l’idée de venir mettre les pieds.

A cet instant, le sultan ne vit pas qu’un second garde venait souffler quelques mots discrètement à l’intention de Séreste qui à son tour, vint annoncer la nouvelle à Sémoa.

- De la visite ? Encore ?? Mais tu ne vois pas que je suis déjà occupé ? Ma qu’est-ce que c’est aujourd’hui, portes ouvertes ??
- c’est que votre altesse, il s’agit du prince Jared.
- quoia ?? le prince Jared est ici ?

Oups..Le sultan se rendit compte aussitôt de sa bévue et vit la surprise et la méfiance se peindre sur le visage du capitaine Sunlaoiste qui n’avait pu manquer d’entendre les paroles de Sémoa.

29.

Parvenus devant les portes de la salle que Jared avait déjà franchies à plusieurs reprises, il vit avec surprise les gardes leur barrer la route de leur lance.

- On ne passe pas.
- Je suis Jared, prince des nomades. Je me suis déplacé tout exprès avec cette jeune femme que voilà pour m’entretenir avec le sultan.

Si le prince pensait que la seule évocation de son nom aurait suffit à leur ouvrir les portes de la salle où se trouvait le sultan, il constata très vite, fort contrarié que ce n’était pas le cas. Le garde n’avait pas cillé.

- Les gardes à l’entrée du palais ont pourtant du le prévenir de mon arrivée ?
- Le sultan reçoit déjà de la visite. Vous êtes priés d’attendre.
- quoi ?
- ça n’a pas d’importance, mon prince. Nous pouvons bien attendre un peu.
- Certes, mais cela n’est guère convenable ! Je ne comprends pas pourquoi.. à moins qu’il ne veuille de cette façon, me faire payer le fait que je ne sois pas resté sous sa bonne garde.
- voilà une bien arrangeante façon de parler de votre évasion.
- je n’avais guère le choix ! Tout comme il ne m’a laissé aucune chance de m’expliquer, ce que j’aimerai à présent réparer. Enfin quand il daignera me recevoir.
- Je comprends tout à fait. Mais ça ne va pas être simple pour vous de justifier votre geste.
- sans doute…

Jared jetait des regards furtifs aux gardes et à la porte qui restait résolument fermée. Il aurait bien aimé savoir qui était la personne qui retenait le sultan, mais il ne se doutait pas qu’il allait très vite le savoir. La porte brusquement s’ouvrit sur un homme, paré d’une longue tunique de soie bleu roi. Visiblement quelqu’un de haut placé dans l’entourage du sultan. Mais Jared ne l’avait encore jamais vu.

- Le sultan va vous recevoir tout de suite, et vous aussi madame.

L’homme s’inclina devant eux, en leur désignant la porte ouverte. Jared et Kasuke pénétrèrent donc dans le grand salon et aussitôt le prince remarqua la présence des cinq hommes qui attendaient face au sultan. Il aurait été difficile de ne pas les remarquer, tant par leurs armures, que par leur type. Il n’était en effet pas courant de voir des Sunlaoïstes à Djamila. Mais à peine eut-il le temps de dévisager ces hommes qu’il entendit l’exclamation étouffée de Kasuke qui fit un pas de recul.

- mais c’est mon mari !!
- quoi ?? votre mari ?
- J’exige que l’on arrête cet homme !!

Jared, stupéfait dévisagea celui que Kasuke avait désigné comme son époux. Comment se faisait-il qu’il se trouvait ici ? Mais le prince n’eut guère le temps d’approfondir la question, car déjà les quatre hommes qui accompagnaient le sunlaoïste, s’approchaient de lui.

- ah non ! Ca ne va pas recommencer ! Votre altesse ? Que signifie tout cela ?

Le prince avait l’horrible sentiment d’être tombé dans un traquenard, et il dévisageait le sultan, en espérant qu’il allait très vite obtenir des explications.

9.

Dans un soupir, Sémoa daigna enfin se lever pour intervenir. Il leva ses mains en signe d’apaisement et vint se tenir entre le capitaine sunlaoiste et le prince nomade. Et puis c’était encore lui qui commandait chez lui ! Le sultan fronça donc les sourcils avec un regard sévère pour le capitaine :

- holàà, on se calme hein. Capitaine Jun, n’oubliez pas que vous êtes ici mon invité. Prince Jared, je ne m’attendais pas du tout à votre visite, comme je l’ai précisé au capitaine Jun, ici présent.

Et avec un geste familier, comme s’il s’était agi de deux amis qui se retrouvaient, le sultan posa une main sur l’épaule du prince et l’entraîna un peu à l’écart, devant le regard étincelant de colère de Jun, et celui fuyant de la jeune sunlaoiste.

- Alors comme ça après m’avoir honteusement faussé compagnie, vous voilà de retour avec la bouche en cœur et.. Le sultan poursuivit à voix basse.. Au bras d’une femme mariée à un capitaine sunlaoiste qui plus est ! Vous cherchez vraiment les ennuis, Jared ! Figurez vous qu’on a dit à cet homme que vous aviez enlevé sa femme.
- quoi ?? mais ce n’est pas vrai !!!
- haaaa, Aloooors si ce n’est pas vrai, reprit le sultan d’une voix volontairement plus forte, et regardant sciemment en direction du capitaine, il faudrait que vous expliquiez à l’époux de cette jeune et hum fort ravisssante demoiselle.. euh enfin dame, pourquoi se trouve-t-elle avec vous ?
- Je vous assure votre altesse que je n’ai nullement obligé cette femme à rester avec moi !
- oui oui, moi je vous crois, mais il faut convaincre son époux là.. hum
- Le prince Jared m’a généreusement offert sa protection !

La jeune femme avait surpassé sa timidité apparemment et regardait le sultan. Mais ses paroles ne semblèrent pas apaiser l’époux qui s’insurgea :

- Sa protection, et pourquoi donc aviez-vous besoin de sa protection ? La mienne n’était-elle pas suffisante ? Vous n’auriez jamais du quitter le pays, et cela sans l’autorisation de l’impératrice !!!
- je sais, mais je voulais bien faire et…
- vous avez agi sans réfléchir, quand à vous !

Le capitaine pointait son doigt en direction du prince.

- Je n’ai fait que mon devoir de prince en offrant ma protection à une jeune femme seule et sans défense.
- je n’étais pas vraiment seule, mon frère est avec moi, il m’attend au camp.
- votre frère ? Dans ce cas, indiquez-moi le chemin, nous allons le chercher et nous rentrerons aussitôt.
- Kasuke ?

Le sultan poussa à nouveau un soupir excédé, en voyant le prince faire un pas, visage inquiet en direction de la jeune sunlaoiste. Il s’avança à son tour et discrètement serra le coude du prince pour se pencher et lui murmurer..

- mais laissez-là donc retourner avec son époux, là où est sa place !
- je ne sais si je dois..
- vous n’êtes qu’une tête de mule, vous lui créerez plus d’ennui en vous opposant au capitaine… hum hum.. Alors cher capitaine, vous comptez déjà repartir ?
- Je ne vois en effet aucune raison de prolonger ce voyage. L’impératrice attend de mes nouvelles, et je me dois de lui en rendre le plus rapidement possible.

Sémoa garda le silence alors que le capitaine s’inclinait rapidement devant lui à la manière des sunlaoistes. Puis mains croisées dans son dos, il lui rendit un bref salut, et fit ensuite signe à ses gardes de raccompagner le capitaine.

- ne manquez pas de revenir nous voir à votre prochain voyage à Djamila. Je me ferai une joie de vous accueillir, et transmettez mes amitiés à votre impératrices. Héhé.. by byyee..

Le sultan fit un petit geste à l’intention de la jeune femme qui ne le regarda que brièvement avant de se tourner vers le nomade. Tss ces femmes n’avaient aucun goût, lui préférer un prince. Enfin de toute façon à présent le cas était réglé puisque la brebis égarée retournait dans le droit chemin de l’union conjugale… pas commode le mari..